Après la Riksbank de Suède, qui a prévu de lancer prochainement son «e-couronne» basée sur la blockchain, la BNS sera-t-elle bientôt la deuxième banque centrale en Europe à introduire sa propre cryptomonnaie?
Une idée révolutionnaire, promettent les uns. Une aberration, s’exclament d’autres. Ce qui est sûr, c’est que la proposition d’introduire un e-franc soutenu par la Banque nationale suisse récemment émise par Romeo Lacher, patron de l’opérateur de la bourse suisse SIX Group, ne laisse pas grand monde indifférent.
Contrairement à la Suède, championne du monde en matière de paiements électroniques et où la proportion de paiements en liquide dans les commerces est tombée de 40% en 2010 à 15% en 2016, la Suisse et ses habitants ne sont pas particulièrement friands des transactions électroniques, seulement 3% des Helvètes sortant leur téléphone mobile au moment d’effectuer un achat. Mais cela devrait-il néanmoins représenter une barrière à l’adoption d’une monnaie digitale centralisée?
Une opportunité pour la Suisse
Pour reprendre les propos articulés en janvier dernier par le conseiller fédéral et ministre de l’Economie Johann Schneider-Ammann, la Suisse a une occasion en or de devenir une cryptonation. A l’image de la cryptovallée zougoise, cette perspective garantirait à la Suisse de conserver son statut de hub de l’innovation tout en renforçant son attrait pour les entreprises actives dans ce secteur en pleine expansion.
L’introduction d’un e-franc ne serait alors qu’une étape dans ce long mais prometteur voyage. Les possibilités de synergies et la perspective de stimuler l’économie locale mentionnées par le président de la bourse suisse ne constituent néanmoins que les prémices de ce que pourrait apporter une telle monnaie. Liés à une identité numérique, les e-francs pourraient dès lors aussi être utilisés pour accéder à des applications décentralisées, stocker et distribuer des données sur une blockchain, et créer des contrats intelligents, afin de permettre à quiconque de participer à l’économie digitale dans une facilité encore inconnue aujourd’hui.
Que les conservateurs se rassurent, la création d’un cryptofranc ne précipiterait pas pour autant la dernière heure de nos précieux billets de couleurs. Les deux systèmes monétaires, utilisés de façon complémentaire, offriraient une multitude de nouvelles possibilités à leurs utilisateurs, tout en conservant les éléments qui ont fait la force du système monétaire helvétique jusqu’à aujourd’hui. Pour le plus grand bonheur des consommateurs, mais aussi des banquiers centraux…
Mathieu Amsler