Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

dimanche 6 mai 2018

Vous êtes où ? (quand les abrutis sont au firmament du ridicule)





La touche nécessaire…

Le message le plus répandu dans ce vaste espace de communication futile est bien cette demande incertaine, nouvelle bouteille à la mer qui vogue sur la crête d’une vague improbable. La réponse ne se fait d’ailleurs jamais attendre bien longtemps, usant de moyens considérables pour parvenir jusqu’au questionneur. Elle prend souvent des allures de plan détaillé confié à monsieur le « catographiste » de la société Google, à moins que l’inévitable photographie – la plus souvent accompagnée de la trogne de ceux à qui vous avez posé la question – ne suffise à apporter le renseignent quémandé.

Tant de technologie déployée, d’intelligence humaine, de satellites à foison, de relais couvrant la Terre entière ou presque, pour en arriver à ce délire narcissique qui obère les merveilles de la planète au seul faciès grimaçant de vos interlocuteurs. Je me rends compte dans l’instant en écrivant ce vocable que la locution échangée est fort pauvre, que le vocabulaire vient à manquer tandis que la grammaire part en sucette. Plus on communique moins on échange de véritables messages, structurés et cohérents. L’heure est à l’image, au miroir déformant d’une société en crise ou engagée irrémédiablement dans sa phase terminale.

Essayons cependant de sauver ce qui peut l’être encore à commencer par notre chère syntaxe. Messieurs les opérateurs du naufrage ambiant, ne pourriez-vous pas proposer une petite touche supplémentaire sur vos petites merveilles de technologie afin de pouvoir afficher d’une simple pression du pouce, le doigt le moins utilisé par vos engins diaboliques le message suivant : « Où êtes-vous ? ». Non seulement les puristes y trouveraient leur compte mais de plus, en respectant l’inversion du sujet et du verbe dans notre ancestrale forme interrogative, vous replaceriez le pronom personnel à sa place ; la seconde. Dans le même temps vous feriez éventuellement comprendre à celui qui use trop à loisir du « selfie », qu’il n’est pas le point de départ de toute chose …

Revenons aux vraies valeurs. L’action devrait primer sur l’individu en donnant la première place à l’adverbe suivi de près par le verbe. C’est là le sens de cette requête essentielle à la survie de notre espèce. Narcisse a fait bien trop d’émules, l’onde n’est maintenant plus troublée que de visages se penchant sur leur supposée beauté. Il est temps de brouiller ce délire fallacieux pour revenir à la véritable profondeur des choses, loin d’une surface lisse et vide.

Par la suite, une seconde touche s’imposera à nous, pour l’auriculaire, lui aussi mis en sommeil sur ces étranges claviers : « Que fais-tu ! », plus intime évitera l’odieux « Tu fais Koi » qui se prive hélas le plus souvent d’un point d’interrogation, devenu superfétatoire dans un corpus où désormais seul le point d’exclamation tire son épingle du jeu, jusqu’à se multiplier comme des petits pains. On s’exclame sans plus s’interroger sur le sens de nos actions, la preuve étant dans cette disparition de la forme interrogative.

Naturellement tout ceci n’évoquera rien à nos virtuoses du clavier, bourreaux de la langue française. Ils sont si modernes qu’ils en repoussent les règles d’usage et les principes de la courtoisie. Seul l’échange de leurs visages odieux exprime l’univers qui les entourent. Où qu’ils aillent c’est eux qui sont au centre du Monde. La grande victoire que voilà, les carnets de voyage ne seront maintenant qu’une suite infinie d’auto-portraits.

Voilà les réflexions sans doute déplacées et parfaitement obsolètes qui me sont venues quand j’ai ouï cette curieuse question. « Vous êtes où ? » C’est sans doute moi qui ne peux plus répondre , ne sachant plus vraiment si j’appartiens encore à cette société du paraître absolument, de la plus totale vacuité à travers l’image brouillée de nombrils de plus en plus envahissants. J’ai le sentiment de devoir retourner le point d’interrogation afin d’en faire un crochet pour y pendre tous ces personnages chantres de la plus totale infatuation de soi-même.

Exclamativement vôtre.



 Egger Ph.