Lorsqu’Adolf Hitler est arrivé au pouvoir en 1933, des centaines de milliers d’enfants allemands faisaient partie de différentes organisations de jeunesse, comme celle des scouts, fondée en Angleterre en 1909 et s’étant rapidement développée en Allemagne. Mais celles-ci allaient rapidement être interdites au profit d’un autre mouvement puissant inventé par les nazis : les Jeunesses hitlériennes.
Depuis 1922, le Parti nazi disposait de sa propre organisation de jeunesse, qui était destinée à recruter et à former les jeunes allemands pour en faire de bons nazis. Et à mesure que l’influence des nazis grandissait dans le pays, celle-ci évoluait pour devenir les « Jeunesses hitlériennes », un puissant outil d’endoctrinement qui allait faire la fierté du IIIe Reich.
Si l’organisation comptait environ 50 000 membres en janvier 1933, ce nombre allait franchir la barre des 2 millions en l’espace de quelques mois. Et les nazis allaient progressivement dissoudre les mouvements de jeunesses associés à des partis politiques (comme le communisme) ou religieux au cours des années 1930.
De jeunes membres des Jeunesses Hitlériennes remplissant leurs seaux d’eau en 1933
En 1936, l’ensemble des organisations de jeunesse étaient bannies d’Allemagne, y compris les scouts, dont les nombreux membres étaient contraints de rejoindre les Jeunesses hitlériennes, qui étaient évidemment interdites aux enfants juifs.
En bannissant le scoutisme de son territoire, l’Allemagne nazie envoyait un message clair à sa jeunesse : obéissez ou vous serez punis. Mais cela avait également un but purement pratique : la seule façon pour les jeunes allemands d’acquérir le semblant d’expérience pratique que l’organisation dispensait jusqu’alors restait de rejoindre les Jeunesses hitlériennes.
Alors que l’Allemagne se dirigeait lentement vers la guerre, les enfants qui refusaient de rejoindre les Jeunesses hitlériennes étaient internés dans des structures adaptées ou ils étaient sévèrement « redressés ». Ainsi, plus de 90 % des enfants allemands avaient rejoint le mouvement en 1939.
De jeunes allemands subissent un examen sanitaire dans un camp d’été en 1940
Pour les nazis, ce programme possédait de nombreux avantages : ils permettait non seulement au IIIe Reich d’endoctriner les enfants dès leur plus jeune âge, mais également de les soustraire à l’influence de leurs parents, dont certains s’opposaient fermement au régime.
Le Parti nazi savait que les nombreuses familles qui ne partageaient pas sa vision des choses représentaient un obstacle à la réalisation de ses objectifs, et les Jeunesses hitlériennes constituaient un bon moyen de faire entrer l’idéologie hitlérienne dans ces foyers et de garder un œil sur eux (certains membres de l’organisation allant même jusqu’à dénoncer les comportements suspects de leurs parents).
Au départ, les membres des Jeunesses hitlériennes prenaient part à des activités typiques du scoutisme (camping, chants, artisanat, randonnée…), mais celles-ci allaient changer drastiquement au fil des années.
Deux membres des jeunesses hitlériennes s’exerçant au tir en 1941
Si les groupes de jeunes filles continuaient de pratiquer des activités « normales », comme la gymnastique rythmique où la couture, les garçons étaient formés pour devenir de futurs militaires et soldats du Reich : apprentissage de la rigueur militaire, entrainements à la survie et au maniement des armes et propagande transformaient peu à peu ces enfants en fanatiques entièrement dévoués au Führer.
Comme l’expliquait Alfons Heck, ancien membre des Jeunesses hitlériennes, au Boston Globe en 1980 : « J’aimais marcher au pas, chanter et assister à des rassemblements militaires. J’appartenais corps et âme à Adolf Hitler, et il m’a fallu des années pour m’éloigner de toute cette idéologie au sortir de la guerre ».
Malgré les risques évidents, les jeunes allemands qui refusaient d’adhérer au programme rejoignaient des groupes clandestins, regroupés sous le nom de Pirates Edelweiss, qui n’hésitaient pas à s’en prendre aux membres des Jeunesses hitlériennes et à saboter leurs activités.
La décoration du jeune Willi Hübner en 1945
On estime d’ailleurs qu’environ 5 000 d’entre eux ont défié les nazis en griffonnant des graffitis anti-guerre sur les murs et en participant à divers actes de résistance (violente et pacifique). En 1944, six de ces jeunes « dissidents » ont été pendus à Cologne sans bénéficier préalablement d’un procès.
Au fur et à mesure que la guerre avançait, il devenait clair que les Jeunesses hitlériennes servaient à produire à la chaîne des soldats entièrement dévoués au Reich.
À partir de 1943, tous les garçons de 17 ans ou plus étaient contraints de servir dans l’armée, et en 1945, les dirigeants nazis étaient si désespérés qu’ils envoyaient au front des enfants âgés de 12 ans à peine, qui étaient froidement exécutés lorsqu’ils refusaient de participer aux missions-suicide qui leur étaient confiées.
Un groupe de membres des jeunesses hitlériennes
Lorsque la Seconde Guerre mondiale a pris fin, les Jeunesses hitlériennes ont bien évidemment été dissoutes, mais ces organisations ont laissé leur empreinte sur toute une génération de jeunes allemands. Elles sont considérées comme l’une des facettes les plus effrayantes du nazisme, et démontrent la puissance et l’efficacité d’un tel endoctrinement lorsqu’il est mis en place à l’échelle d’un pays par un régime totalitaire.
Yann Contegat