La mort cruelle de Lepa Radic est destinée à frapper les esprits et sert également de divertissement morbide aux troupes allemandes
Le 6 avril 1941, l’Allemagne, l’Italie, la Roumanie et la Hongrie envahissent la Yougoslavie sans déclaration de guerre préalable. Hitler espère ainsi sécuriser les Balkans en prévision de l’Opération Barbarossa, qui verra les nazis envahir l’Union Soviétique quelques mois plus tard. La Yougoslavie est rapidement vaincue, et les forces de L’Axe en prennent le contrôle.
Leur victoire est cependant loin d’être totale. Si les Allemands maintiennent un contrôle étroit sur les villes et les principaux axes routiers du pays, les régions les plus sauvages et montagneuses de la Yougoslavie leur échappent encore. C’est là-bas que vont émerger les deux principales forces de résistance yougoslave : les Tchetniks et les Partisans.
Tito (à droite) et les principaux officiers Partisans
Les Tchetniks sont dirigés par le colonel Dragoljub Mihailovic, ancien colonel de l’armée yougoslave, qui sert le gouvernement royaliste yougoslave en exil. Les Tchetniks sont composés de divers sous-groupes aux intérêts parfois radicalement opposés. Certains se révèlent férocement anti-allemands, tandis que d’autres coopèrent parfois avec l’envahisseur. Cependant, tous s’avèrent farouchement attachés à l’ancienne monarchie yougoslave et souhaitent défendre les intérêts de leur peuple.
Les Partisans, ouvertement communistes, leur sont diamétralement opposés. Ils sont dirigés par Josip Broz, dit « Tito », le chef du Parti communiste yougoslave clandestin (KPJ). Sous Tito, l’objectif primordial des partisans est d’établir un État yougoslave socialiste et indépendant en renversant les forces de l’Axe.
C’est dans ce contexte pour le moins tendu que la jeune Lepa Radic, alors âgée de 15 ans, décide de rejoindre les Partisans en décembre 1941.
L’adolescente est née en 1925 dans le petit village de Gasnica (qui se situe aujourd’hui dans le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine) et a grandi au sein d’une famille ouvertement communiste. Ses deux oncles, Vladeta Radic et Voja Radic, notamment impliqués dans le mouvement ouvrier, et son père, Svetor Radic, ont rejoint les Partisans quelques mois plus tôt, en juillet 1941.
En raison de leurs activités dissidentes, les membres de la famille Radic ont été arrêtés en novembre 1941 par l’Oustacha, le mouvement fasciste soutenu par les nazis qui opère en Yougoslavie. Mais après seulement quelques semaines d’emprisonnement, les Partisans sont parvenus à libérer Lepa Radic et sa famille.
Les Partisans aident les personnes les plus vulnérables à échapper aux forces de l’Axe
Cet évènement a profondément marqué l’adolescente et sa jeune sœur et les a poussées à rejoindre officiellement les forces partisanes de Tito un mois plus tard.
Lepa Radic rejoint la 7e compagnie partisane du 2e détachement de Krajiski et se porte volontaire pour servir sur les lignes de front en transportant les blessés sur les champs de bataille et en aidant les personnes les plus vulnérables à échapper aux forces de l’Axe. Des actes héroïques qui vont malheureusement lui coûter la vie.
En février 1943, elle est capturée par les forces allemandes alors qu’elle organise la fuite de quelque 150 femmes et enfants vers les régions contrôlées par la résistance yougoslave. Elle se défend courageusement en ouvrant le feu sur les forces SS, mais se retrouve bientôt cernée et à court de munitions.
À la suite de son arrestation, Radic est condamnée à mort par pendaison. Durant les trois jours qui précèdent son exécution, les nazis la torturent afin d’obtenir des informations cruciale sur la résistance yougoslave, en vain.
Le 8 février 1943, Lepa Radic est conduite à la potence et se voit offrir une ultime chance d’échapper à la mort si elle révèle les noms de plusieurs de ses camarades. Ce à quoi elle répond avec détermination : « Je ne trahirai jamais mon peuple, et les noms des personnes que vous recherchez ne seront pas révélés avant que nous vous ayons anéantis jusqu’au dernier ».
Lepa Radic est pendue quelques minutes plus tard sous les yeux de nombreux yougoslaves s’étant déplacés pour assister à son exécution, et la mort de l’adolescente va marquer durablement l’histoire du pays. Elle deviendra d’ailleurs la plus jeune titulaire de l’ordre des Héros du Peuple yougoslave, qui lui sera décernée à titre posthume le 20 décembre 1951.
Yann Contegat