Les yodleurs montent toujours aussi haut dans la gamme, mais les traditions évoluent
Depuis le temps où les bergers l’utilisaient pour appeler leurs troupeaux ou pour communiquer d’un village alpin à l’autre, le yodel a beaucoup évolué. Avant de rejoindre un club, il faut désormais avoir suivi des cours de chant. A Lucerne, une université a fait un pas de plus, en proposant un bachelor avec une option yodel.
Les «cris» polyphoniques qui font partie de l’expression musicale traditionnelle suisse peuvent être appris et travaillés dans des ateliers de l’Association fédérale des yodleurs. swissinfo.ch a visité une classe de débutants à Emmenbrücke, dans le canton de Lucerne, pour comprendre comment on apprend une technique si particulière.
Le groupe avait derrière lui cinq soirées d’entraînement, sous la direction d’Ursula Gernet, yodleuse solo et directrice de chœur. La plupart des élèves avaient déjà une bonne connaissance de cette forme de chant avant de commencer le cours, l’ayant appris de leurs parents.
Le yodel est aussi au centre de l’attention de l’Université des sciences et des arts appliqués de Lucerne, dont la section musique folklorique, dirigée par Nadja Räss, propose déjà depuis 2009 des cours de niveau bachelor d’instruments traditionnels, comme l’accordéon «Schwyzeroergeli» ou le «Hackbrett». A l’automne 2018, l’institution y a ajouté les cours de yodel.
Renaissance du folklore: Les instruments traditionnels connaissent un regain de popularité également ailleurs en Europe. A l’Académie Sibelius à Helsinki, les étudiants apprennent la cithare finlandaise, et à Limmerick, le violon irlandais. En Grande-Bretagne et au Danemark, des universités et des académies offrent aussi des diplômes en musique folklorique.
Britta Sweers, anthropologue de la musique à l’Institut de musicologie de l’Université de Berne, salue le diplôme de yodel qui vient de naître à Lucerne: «Tous les diplômés sont des musiciens expérimentaux, donc ils essaient de nouvelles choses avec des approches traditionnelles suisses et ils font progresser ces techniques, d’une manière qui n’aurait pas été possible si le yodel était resté dans un contexte plus traditionnel».
Trop lisse?
En même temps, elle pense qu’enseigner le yodel à un niveau académique pourrait représenter une menace pour le yodel amateur. «Il y a cette crainte que l’école de musique ne mette en place des esthétiques différentes, plus lisses, plus brillantes, et ainsi de suite, et que cela ne change aussi les goûts du public et ne mette sur la touche ceux qui n’ont pas ce genre de formation académique».
Karin Niederberger, présidente de l’Association fédérale des yodleurs, n’a pas ce genre de craintes. Elle insiste sur le fait qu’il n’y a pas de compétition entre amateurs et professionnels. Elle ajoute: «Je ne sais pas si un cours de diplôme va profiter au yodel en général – il est trop tôt pour le dire. Tout ce que je peux dire, c’est que je veux voir le yodel de niveau amateur continuer à se développer, mais je ne veux pas qu’il devienne trop sophistiqué. La chose la plus importante, c’est qu’il vienne du cœur. Il doit être naturel et authentique. C’est ce que nous voulons promouvoir, de même que l’aspect régional et les dialectes».
«Le yodel au niveau amateur doit être naturel,
authentique et pas trop sophistiqué».
Karin Niederberger
présidente de l’Association fédérale des yodleurs
Le yodel de demain
Karin Niederberger est convaincue que la formation des chanteurs à un niveau moins académique est essentielle pour préserver la tradition du yodel dans les décennies à venir. Par-dessus tout, dit-elle, il est important que le yodel soit enseigné dans les familles, et se transmette de génération en génération.
Le boom du yodel: L’Association fédérale des yodleurs a trois branches: le yodel, le cor des Alpes et le lancer de drapeau, pour un total de 21'000 membres actifs. Tous les trois ans, le public afflue à la Fête fédérale de yodel, preuve du succès jamais démenti de la musique populaire. La trentième édition, tenue à Brigue en 2017, a attiré 150'000 personnes.
Julie Hunt