245 millions de chrétiens sont persécutés dans le monde en raison de leur foi, selon l'ONG Portes Ouvertes. Le Nigeria est le pays où être chrétien est le plus dangereux.
La situation empire pour les chrétiens à travers le monde. Au Pakistan, les images de milliers de manifestants réclamant la mort d'Asia Bibi, la chrétienne accusée de Blasphème, ont crûment rappelé les menaces qui pèsent sur certaines communautés chrétiennes. Dans son dernier «Index mondial de la persécution des chrétiens», l'ONG protestante Portes Ouvertes dresse un classement des pays les plus inhospitaliers aux chrétiens. Les chiffres sont effrayants: 245 millions de chrétiens sont persécutés dans le monde soit un fidèle sur neuf. Parmi eux, 4 305 ont été tués pour leur foi, et 3 150 sont emprisonnés.
«La persécution des chrétiens est comme un lac», explique au Figaro Michel Varton, le directeur de Portes Ouvertes France. «En 2019, il est plus large, puisqu'il concerne davantage de pays, plus profond, puisque ces persécutions sont plus intenses, et à la surface, il y a une tempête, car le nombre de personne tuées a augmenté». L'ONG livre dans son rapport les observations qui lui remontent du terrain. Elle affirme disposer de nombreuses sources dans la plupart des pays du monde. La tête du classement ne change pas: la Corée du Nord, l'Afghanistan et la Somalie. La Corée du Nord ne laisse échapper que peu de données fiables mais le pays où être chrétien est interdit reste à la tête du classement. En Afghanistan et en Somalie, la guerre touche de plein fouet les chrétiens. La Somalie recense 50 chrétiens tués, une première pour le pays qui n'en comptait que 23 l'année dernière et 12 il y a deux ans.
Le Nigeria, pays le plus meurtrier
4 305 chrétiens sont morts entre novembre 2017 et octobre 2018 «en raison de leur foi», selon le rapport. Ce chiffre est en nette augmentation depuis les trois dernières années. Michel Varton le nuance cependant: «la violence physique fluctue beaucoup d'une année sur l'autre, elle dépend de la conjoncture. Pour déceler les tendances de fond, il faut davantage regarder les pressions quotidiennes qui illustrent l'attitude d'une société vis-à-vis des chrétiens». Dans le rapport de 2016 comme dans celui de 2019, le nombre de chrétien tué est directement affecté par la situation au Nigeria, qui recense 9 des 10 chrétiens tués dans le monde.
3 731 chrétiens sont morts entre novembre 2017 et octobre 2018 au Nigeria. Pour la quatrième année consécutive, le pays prend la tête du triste classement des pays où les chrétiens meurent à cause de leur foi. Le pays souffre des affrontements entre les éleveurs peuls musulmans- groupe nomade sahélien et hausaphone - et paysans sédentaires chrétiens. À cela s'ajoutent les violences du groupe armé terroriste «Boko Haram» en rébellion depuis 2009, et dont l'une des factions se revendique aujourd'hui de l'État Islamique. En 2014, l'organisation s'était fait connaître du monde entier en enlevant 200 lycéennes à Chibok, un village à majorité chrétien du nord-est du pays.
En Algérie, la persécution est étatique. «Nous n'avons pas de problème avec nos voisins», avance M. Ouraman au Figaro, vice président de l'Église protestante algérienne, «le problème c'est l'État!» Depuis l'Ordonnance de mars 2006, la pratique religieuse des chrétiens algériens est réduite à sa portion congrue. Changer de religion est interdit et toute activité qui pourrait s'apparenter à de l'évangélisation ou du prosélytisme est fortement condamnée. «Le ministère des Affaires religieuses m'a déclaré un jour: “ce serait un péché de vous laisser importer des bibles”!», affirme M. Ouraman. «Le gouvernement a donné l'autorisation de célébrer la béatification des moines de Tibhirine pour rassurer les Occidentaux, mais c'est pour masquer ce qu'ils font à côté».
La Chine et l'Inde, deux géants qui inquiètent
Dans le peloton de tête des pays les plus inhospitaliers pour les chrétiens, deux des plus grandes puissances mondiales: la Chine et l'Inde. Souvent présentée comme la plus grande démocratie du monde, l'Inde accepte de moins en moins les religions minoritaires et se place au dixième rang du classement. «Le nationalisme hindou est une vraie menace pour les populations musulmanes et chrétiennes, déplore Michel Varton, le discours anti-minorité gagne même l'INC, le principal parti de l'opposition».
En Chine, l'État communiste détient le record de chrétiens emprisonnés: 1131, soit près d'un tiers du nombre total. 100 millions de chrétiens vivent en Chine selon Portes Ouvertes, «c'est plus que les membres du Parti Communiste Chinois!», avance Michel Varton. «La Chine ne peut accepter une entité qui ne soit pas totalement soumise à l'État. Ils installent des caméras dans les églises, surveillent et arrêtent les fidèles». Les Églises qui refusent de se soumettre subissent d'intenses persécutions. En décembre 2018, 100 fidèles protestants étaient ainsi arrêtés par la police. Le Pape François a choisi la reconciliation avec le régime de Xi Jinping pour protéger les fidèles. En septembre dernier, il signait un accord historique levant l'excommunication de l'Eglise patriotique chinoise, crée en 1957 par le parti communiste. Cette Eglise n'était pas reconnu par le Vatican, tandis qu'une autre, souterraine vivait cachée des autorités. Pour Portes Ouvertes, ces accords «vont dans le sens du gouvernement chinois qui va continuer à exercer son contrôle sur les églises».
«On vie dans un monde qui a un problème avec la religion», conclut Michel Vartnon. Ce «problème» ne caractérise pas le seul Moyen-Orient. «Les églises d'Orient ont beaucoup souffert et souffrent encore, déplore le président de Portes Ouvertes France, mais il ne faut pas occulter les souffrances des chrétiens en Afrique ou en Asie».
Églises profanées et vandalisées : le silence « monacal » du pouvoir
La semaine dernière, une stèle commémorant l’ancien emplacement de la synagogue de Strasbourg était endommagée. Avant tout résultat d’enquête, on criait au loup antisémite. Pour apprendre, une semaine après, que l’acte était accidentel… Devra-t-on, désormais, parler d’antisémitisme accidentel pour éviter le ridicule à toutes les bonnes âmes qui s’émeuvent par réflexe au moindre graffiti ?
Dimanche dernier, la prestigieuse basilique Saint-Denis, nécropole des rois de France, subissait des dégradations : grand orgue endommagé, des vitraux brisés. Cela n’a rien à voir, mais rappelons qu’il y a quelques mois, la basilique avait subi l’outrage de migrants, soutenus par l’extrême gauche, qui avaient manifesté dans le sanctuaire comme dans la rue. Comme dans la rue où l’on casse les vitrines, dans l’église on casse des vitraux ! Mercredi, c’est un lieu de culte catholique plus modeste, l’église paroissiale de Reichstett en Alsace, qui a subi des dégradations : un vitrail centenaire brisé, des portes forcées, des vitres cassées. Des inscriptions à caractère satanique à la craie ont été retrouvées sur les murs de l’église. BFM TV, ce vendredi, rappelait qu’en 2018, 90 % des dégradations d’édifices religieux concernaient des bâtiments chrétiens : 878 exactement. Les statisticiens auront beau jeu d’expliquer que cette proportion est normale car (pour l’instant) les lieux de culte les plus nombreux en France sont chrétiens, et principalement catholiques.
Notons, tout de même, que le ministre en charge des Cultes, Christophe Castaner, ne semble pas avoir l’émotion compulsive sur Twitter qu’on peut lui connaître par ailleurs. Pas le moindre tweet ministériel pour condamner de la façon la plus ferme ces actes ignobles et inadmissibles dans une République qui assure à toutes et à tous la liberté de croire ou de ne pas croire. Des actes, qui, croyez le bien, ne resteront pas impunis, etc. Enfin, vous connaissez la chanson… Il est vrai qu’on ne connaît pas encore leurs auteurs et qu’il faut se garder de toute précipitation et surtout d’amalgame, n’est-ce pas. Une marche vespérale à la lumière des bougies n’est donc pas appropriée. Et puis, il se peut aussi que le ministre ait usé son crédit mensuel de superlatifs et d’hyperboles et finisse par être à court.
Cela dit, Christophe Castaner est tout excusé, quand on écoute les propos plutôt lénifiants du président de la Conférence des évêques de France, Mgr Pontier, archevêque de Marseille. Interrogé par Le Point, la semaine dernière, sur la série de profanations d’églises dans le pays, le prélat se voulait rassurant. Et quand des politiques, comme Ciotti, dénoncent une « cathophobie qui gagne tous les milieux et conduit à des violences », l’archevêque répond benoîtement : « Je ne vois pas quels faits permettent à ces politiques de tenir un tel discours. » Vu comme ça, effectivement… Comme disait le prophète Jérémie, « ils ont des yeux mais ne voient point ».
En un temps lointain, on ferma et transforma en parc à fourrage les églises. Bien longtemps après, un certain clergé up to date voulut en faire des lieux de vivre ensemble enrubannés de papier crépon où l’on se regardait le nombril plutôt que de regarder le bon Dieu. Puis, donc, aujourd’hui, le retour des vandales. Et pire que tout : le temps de l’indifférence. Grande pitié des églises de France, pour reprendre le titre d’un livre de Barrès !
Stanislas Poyet