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mercredi 15 mai 2019

Les narcisses ont désormais leurs gardes du corps


Aux excursions de sensibilisation, ici dimanche à Caux, au-dessus de Montreux, 
viennent désormais s’ajouter des patrouilles de rangers
Image: Patrick Martin


Si les narcisses pouvaient chanter, ils entonneraient peut-être l’air de Stephan Eicher «Regarder ne pas toucher». Actuellement en pleine floraison, les belles plantes de la Riviera souffrent de plus en plus des mauvais comportements des promeneurs et sportifs, vététistes ou autres coureurs. «J’ai même surpris un couple tout nu en train de s’ébattre sur un large parterre de fleurs», ironise Kristian Stan, président de Narcisses Riviera. Et les témoignages ne cessent d’affluer auprès de l’association, qui a tenu son assemblée annuelle samedi. «Les gens se croient chez eux: ils s’installent comme à la plage et font la cueillette, s’énerve une propriétaire de prairie aux Avants. Bilan: un pré saccagé et marqué jusqu’à la fin de la saison. Parfois, il suffit d’un couple et d’un bébé pour que les dégâts soient considérables. Les gens se prennent en photo vautrés dans les fleurs.»

Un équilibre à trouver

Nombreux sont cependant aussi les marcheurs qui réclament davantage de panneaux explicatifs. «C’est dramatique de voir autant de personnes qui cueillent sans compter les narcisses, commente une promeneuse alémanique. Ne peut-on pas placer des affiches indiquant que ces fleurs sont rares et qu’il faut les protéger? Admirer vaut mieux que de cueillir! Ne serait-ce que pour que nos enfants puissent encore observer ces beautés de la nature.» Face à cette situation, un groupe de travail réunissant notamment les pouvoirs publics, les villages et les milieux touristiques a été mis sur pied. «Il s’agit de trouver un meilleur équilibre entre la promotion touristique et la protection, expliquent Caleb Walther et Jean-Baptiste Piemontesi, municipaux à Montreux. Ce n’est pas simple, car la promotion permet aussi de sensibiliser le public à la valeur de ce patrimoine.»

Dans ce cadre, une action pilote vient d’être lancée dans le village des Avants, sur les hauts de Montreux. «Des rangers ont été nommés, non pas pour verbaliser, mais pour faire prendre conscience aux promeneurs que ce patrimoine floral est en péril et qu’il s’agit absolument de le préserver, explique Rachel Soydan, archiviste de la Société d’intérêt des Avants. Nous voulons ainsi toucher les promeneurs qui ne passent pas par nos stands d’information dans le village.»

Semblables aux gardes dans les réserves et les parcs nationaux, ces rangers devraient bientôt être déployés plus largement sur les prairies à narcisses. «Cette idée est judicieuse, commente Alain Stuber, spécialiste des narcisses au Bureau d’études et de conseils en environnement Hintermann & Weber, à Montreux. Avec son volet de sensibilisation, elle permet à la fois de maintenir les excursions vers les champs de narcisses tout en assurant leur protection.»

Les prairies à narcisses ont régressé de 40% entre 1997 et 2007 sur les 270 hectares montreusiens étudiés par ce même bureau. «Et cela malgré les nombreux efforts consentis pour freiner cette érosion», ajoute Alain Stuber. Les principales menaces pesant sur les narcisses sont liées à l’agriculture: une période de fauche trop précoce et le piétinement des bulbes par les bêtes. S’y ajoutent l’avancée de la forêt sur les prés, l’urbanisation et les mauvais comportements. «Les promeneurs se concentrent désormais sur les prairies à narcisses existantes. Ils y causent dès lors des dommages forcément plus importants, poursuit Alain Stuber. Lorsqu’un marcheur piétine un narcisse, il met à mal ses feuilles et prive par conséquent le bulbe d’énergie. Si ce piétinement est répété, la fleur mourra de sa belle mort.»