Classé 1er acteur aéroportuaire, le Groupe ADP enregistre 281,4 millions de passagers dans ses aéroports. Le groupe assure l'exploitation d’un réseau d'aéroports dans le monde au travers d'ADP International, filiale à 100 %, qui gère 24 aéroports répartis dans 13 pays et cumulant plus de 176 millions de passagers en 2018, selon l’hebdomadaire Air&Cosmos.
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4,7 millions de citoyens devront signer pour que la privatisation d’Aéroports de Paris soit soumise à référendum. Du jamais vu dans l’histoire de la République. Un dispositif bancal, que le président Macron a prévu d’élargir mais qui fait déjà peur au pouvoir.
«Faisons décoller le référendum», proclament les affiches tapissant les murs de la Bourse du travail de Saint-Denis. C’est ici, au cœur de cette ville populaire de la banlieue de Paris, qu’a été lancée mercredi soir la collecte de signatures pour le référendum contre la privatisation des aéroports de Paris.
Les visiteurs suisses seront surpris. Ici, point de listes de signatures, pas de stylos qui circulent. Tout ou presque se fait sur Internet. «Cela m’a pris 25 minutes pour compléter mon soutien sur le site du ministère de l’Intérieur, se désole Clémentine Autain, députée de La France insoumise (gauche radicale). Je suggère que nous partagions nos expériences de bugs informatiques», ajoute la parlementaire.
C’est une grande première dans l’histoire de France: ce sont les citoyens qui, si le nombre de signatures atteint 10% du corps électoral, vont pouvoir déclencher un référendum. 10%, cela fait tout de même 4,7 millions de Français. Qu’il faudra mobiliser en neuf mois ! «On fait de beaux bébés en neuf mois, sourit Clémentine Autain.» S’il fallait rassembler 10% du corps électoral suisse pour lancer un référendum au niveau fédéral, cela ferait environ de 500.000 signatures…
«Tout est fait pour que ça ne marche pas»
Dans le public, Guy Lecroq, militant communiste, esquisse l’ampleur de la tâche. «Il faut mettre le paquet jusqu’à l’été. Et, après les vacances, relancer la campagne à la Fête de l’Huma». Une allusion au grand rassemblement communiste qui attire bien au-delà du parti, très diminué depuis quelques années.
Le ministère de l’Intérieur a vécu des couacs dans la gestion du site de récolte des signatures. «Pour signer, il faut avoir sa carte d’électeur. Or, l’institut (INSEE) qui centralise les données électorales commet parfois des erreurs sur les noms, témoigne Guy Lecroq. Il faudrait donc connaître ces erreurs pour que ça passe…»
«Tout est fait pour que cela ne marche pas », résume Olivier Faure, le patron du parti socialiste. C’est lui qui, avec d’autres députés socialistes, a imaginé en décembre dernier cette folle idée de référendum.
Un système bancal
A l’époque, des centaines de milliers de «gilets jaunes» défilent dans toute la France. Leur slogan : «Macron, démission !» Mais aussi : «Référendum d’initiative citoyenne !» Soit un mélange assez explosif de l’initiative populaire et du référendum facultatif helvétiques.
Les «gilets jaunes» entendent redonner la souveraineté au peuple dans un pays où l’exécutif décide d’à peu près tout. Le président Emmanuel Macron est décrié, affaibli. Les parlementaires de l’opposition, droite et gauche confondues, sentent la faille. Totalement impuissants au Parlement face à la majorité écrasante du parti présidentiel, ils déterrent un dispositif jamais utilisé, pour barrer le projet de privatisation d’Aéroports de Paris: le référendum d’initiative partagée (RIP).
Un drôle de système, assez bancal, très restrictif, inventé par Nicolas Sarkozy en 2008. Ni un référendum à la suisse, puisque seuls les parlementaires, s’ils sont plus de 180, peuvent l’initier. Ni un référendum de type gaulliste, puisque les citoyens ont assez vite leur mot à dire.
Sur l’estrade de la Bourse du travail de Saint-Denis, on écarquille les yeux en découvrant qu’en effet, chose si rare en France, les responsables politiques de gauche causent gaiement avec leurs collègues de droite. La radicale Clémentine Autain plaisante avec Gilles Carrez, du parti de droite Les Républicains. L’amorce d’un consensus à la suisse ?
«C’est une réunion peu banale, reconnaît le député communiste Stéphane Peu. Les seuils du RIP sont tels que si nous n’avons pas la capacité de réunir la gauche et la droite, il n’y aura pas de référendum.»
Le dispositif suisse débattu
Ce référendum d’initiative partagée ne satisfait personne dans la salle. Certains rêvent du référendum d’initiative citoyenne réclamé par les «gilets jaunes», qui permettrait non seulement de lancer des initiatives, de contrer des décisions parlementaires mais aussi de révoquer un élu. Le système suisse est aussi l’objet de débats. «Nous souhaitons aller plus loin que ce RIP, confie le N°1 du parti socialiste Oliver Faure. Pour autant, il faut trouver des modes opératoires adaptés à un grand pays comme la France.»
«Faire voter très régulièrement le peuple comme dans des cantons suisses ne me paraît pas être la bonne solution, poursuit le député. Pour favoriser l’interaction entre le peuple et ses représentants, nous prônons par exemple les amendements citoyens, qui permettraient aux électeurs, s’ils sont plus de 15 000, de faire discuter leurs propositions à l’Assemblée nationale.»
Le référendum fait peur à la Ve République
A l’issue du Grand débat national qu’il a lancé comme réponse à la crise des «gilets jaunes», Emmanuel Macron a promis d’élargir le RIP. En abaissant à un ou deux millions le nombre de signatures nécessaires pour la tenue d’un référendum. Et en donnant surtout aux citoyens l’initiative du processus.
Cependant, même ultra-encadré, même dissuasif, le dispositif actuel fait frémir les purs et durs de la Ve République. Parmi lesquels le premier ministre Edouard Philippe. «Ce n’est pas sain quand la représentation parlementaire corrige ce qu’a voté le peuple, et inversement. Donc il faut s’assurer que le RIP reste un outil de démocratie directe et ne devienne pas un instrument de contestation du Parlement.» Autrement dit, démocratie représentative et démocratie directe seraient difficilement conciliables.
La France reste la France. Une démocratie représentative. Mais aussi un pays politiquement très polarisé. Le mot «référendum» fait davantage référence à un plébiscite pour ou contre le chef de l’Etat qu’à une décision sur tel ou tel sujet, en l’occurrence la privatisation des aéroports de Paris. Le mot fait peur.
Ruffin s’engouffre dans la brèche
Certains prêtent au populaire député de La France insoumise François Ruffin le désir de faire de cette campagne une sorte de référendum anti-Macron. A l’Assemblée, M. Ruffin a prévenu qu’il comptait s’engouffrer dans cette brèche référendaire: «La démocratie, c’est la reprise en main de notre destin commun. Et il faut bien commencer par un bout, même petit: puisque le premier référendum d’initiative partagée, le premier de notre histoire, nous le permet, allons-y par le bitume des aéroports. Avant de passer à nos écoles, nos forêts, nos trains, nos maternités, nos tribunaux.»
A François Ruffin réclamant une «frénésie de référendums», le premier ministre Edouard Philippe a répondu : «Aucune votation, aucune élection ne fait peur aux démocrates», usant d’un terme, «votation», à résonance si fortement helvétique et si peu française.
Alors, la France peut-elle s’emparer du référendum en évitant d’en faire un vote uniquement politique ? «Tous les partisans sincères, dont je suis, d’une complémentarité de la démocratie représentative et de la démocratie directe devraient donc veiller à ne pas tomber dans le piège de la personnalisation de la procédure référendaire, écrit Jacques Julliard, l’un des plus célèbres éditorialistes français, dans l’hebdomadaire Marianne. Suivons l’exemple de la Suisse, le pays de référence, où l’exécutif n’est pas remis en cause par les résultats d’un référendum sur un projet particulier.»
Mathieu van Berchem