L’industrie des télécommunications et ses experts ont accusé de nombreux scientifiques qui ont étudié les effets du rayonnement des téléphones portables de susciter la peur chez les consommateurs concernant l’avènement de la 5G. Cependant, plus de 500 études ayant passé le peer-review ont été publiées à ce sujet, montrant l’existence d’un risque sur la santé concernant l’exposition à de tels rayonnements, la plupart du temps en dessous des limites d’expositions réglementaires. La 5G présente-t-elle alors un véritable risque pour la santé humaine ?
Le président de la Commission fédérale de la communication (FCC) a récemment annoncé que cette dernière réaffirmerait prochainement les limites d’exposition au rayonnement radioélectrique (RFR) adoptées par la FCC à la fin des années 90. Ces limites sont basées sur un changement de comportement chez les rats exposés au rayonnement micro-ondes et ont été conçues pour nous protéger des risques de lésions radiatives à court terme, dus à une exposition à des RF.
Cependant, depuis que la FCC a adopté ces limites en s’appuyant largement sur des recherches menées dans les années 1980, la prépondérance des études évaluées par les pairs, plus de 500, ont mis en évidence des effets nocifs sur les organismes biologiques ou la santé, résultant d’une exposition à des RF trop faibles pour causer des dommages thermiques importants tels que caractérisés par les directives internationales.
Un appel de la communauté scientifique sur le risque posé par la 5G
Citant cet important corpus de recherche, plus de 240 scientifiques ayant publié des recherches évaluées par des pairs sur les effets biologiques et les effets sur la santé des champs électromagnétiques non ionisants (EMF) ont signé l’appel international des scientifiques, qui appelle à des limites d’exposition plus fortes en ces termes :
« De nombreuses publications scientifiques récentes ont montré que les EMF affectent les organismes vivants à des niveaux bien inférieurs à la plupart des directives internationales et nationales. Les effets incluent un risque accru de cancer, un stress cellulaire, une augmentation des radicaux libres nocifs, des dommages génétiques, des changements structurels et fonctionnels du système reproducteur, des déficits d’apprentissage et de mémoire, des troubles neurologiques et des effets négatifs sur le bien-être général de l’Homme. Les dommages vont bien au-delà de l’humain, car il existe de plus en plus de preuves d’effets nocifs sur la vie tant végétale qu’animale ».
L’appel signé par plus de 200 scientifiques exige une révision des limites d’exposition aux RFR. Sur cette image, la profondeur d’absorption tissulaire des radiations cellulaires à 900 MHz est indiquée selon l’âge ; l’échelle de couleur à droite indique le DAS. Crédits : Gandhi OP et al. 2012
Les scientifiques qui ont signé cet appel constituent sans doute la majorité des experts des effets des rayonnements non ionisants. Ils ont publié plus de 2000 articles sur les champs électromagnétiques dans des revues professionnelles. Les limites d’exposition aux RFR de la FCC régulent l’intensité de l’exposition en tenant compte de la fréquence des ondes porteuses, mais ignorent les propriétés de signalisation du RFR.
Les effets néfastes des RFR sur la biologie des êtres vivants
Outre la configuration et la durée des expositions, certaines caractéristiques du signal (pulsation, polarisation, etc) augmentent les effets biologiques et les effets sur la santé de l’exposition. De nouvelles limites d’exposition sont nécessaires pour prendre en compte ces effets différentiels. De plus, ces limites devraient être basées sur un effet biologique et non sur un changement de comportement du rat de laboratoire.
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé a classé les RFR comme « potentiellement cancérogènes pour l’Homme » en 2011.
L’année dernière, une étude de 30 millions de dollars réalisée par le programme national de toxicologie des États-Unis (NTP) a révélé « des preuves évidentes » que l’exposition aux RFR des téléphones portables pendant 2 ans a augmenté l’incidence de cancer chez les rats mâles et endommagé l’ADN chez les rats et les souris des deux sexes.
Tableau indiquant l’incidence des cancers développés par des rats mâles exposés aux RFR de téléphone portable pendant 2 ans. Les données montrent clairement une augmentation dépendant du DAS reçu. Crédits : NTP
L’Institut Ramazzini, en Italie, a reproduit la principale découverte du NTP en utilisant une fréquence porteuse différente et une exposition beaucoup plus faible au rayonnement des téléphones portables pendant la vie des rats. Sur la base des recherches publiées depuis 2011, y compris des études sur l’Homme et les animaux et des données mécanistiques, le CIRC a récemment accordé la priorité à la révision des limites des RFR dans les cinq prochaines années.
La résistance de la FCC face aux preuves scientifiques actuelles
Étant donné que de nombreux scientifiques travaillant dans le domaine des champs électromagnétiques estiment que nous disposons désormais de suffisamment de preuves pour considérer les RFR comme un cancérigène probable ou connu pour l’Homme, le CIRC augmentera probablement la valeur de son potentiel cancérogène dans un proche avenir.
Néanmoins, sans procéder à une évaluation formelle des risques ou à un examen systématique de la recherche sur les effets des RFR sur la santé, la FDA a récemment réaffirmé les limites d’exposition de la FCC de 1996 dans une lettre à la FCC, déclarant que l’agence « avait conclu qu’aucun changement aux normes actuelles sont garantis pour le moment » et que « les résultats expérimentaux du NTP ne devraient pas être appliqués à l’utilisation du téléphone par les humains ». La lettre indiquait que « les preuves scientifiques disponibles à ce jour ne corroborent pas les effets néfastes sur la santé chez l’Homme dus aux expositions aux limites actuelles ».
L’impact des ondes millimétriques sur la physiologie humaine
La 5G, utilisera pour la première fois les ondes millimétriques, en plus des micro-ondes utilisées par les technologies plus anciennes, de la 2G à la 4G. Compte tenu de leur portée limitée, la 5G nécessitera des antennes tous les 100 à 200 mètres, exposant de nombreuses personnes à un rayonnement millimétrique. La 5G utilise également de nouvelles technologies (par exemple, des antennes actives capables de former un faisceau ; des matrices de phase ; des entrées et des sorties massives, appelées MIMO) qui posent des défis uniques pour la mesure des expositions.
Les ondes millimétriques sont principalement absorbées à quelques millimètres de la peau humaine et dans les couches superficielles de la cornée. Une exposition à court terme peut avoir des effets physiologiques néfastes sur le système nerveux périphérique, le système immunitaire et le système cardiovasculaire.
Les recherches suggèrent qu’une exposition à long terme peut comporter des risques pour la santé de la peau (par exemple, le mélanome), des yeux (mélanome oculaire) et des testicules (stérilité).
La nécessité d’études approfondies concernant les effets de la 5G
Comme la 5G est une nouvelle technologie, il n’existe aucune recherche sur les effets sur la santé. Cependant, il existe diverses preuves des effets néfastes de la 2G et de la 3G. Les effets de l’exposition à la 4G, une technologie vieille de 10 ans, sont peu connus car les gouvernements ont négligé de financer cette recherche.
La 5G ne remplacera pas la 4G ; elle accompagnera la 4G dans un avenir proche et éventuellement sur le long terme. Si des expositions simultanées à plusieurs types de RFR présentent des effets synergiques, le risque global de dommages liés à la RFR peut augmenter considérablement. Le cancer n’est pas le seul risque, car il existe de nombreuses preuves que les RFR sont à l’origine de troubles neurologiques et de la reproduction, probablement dus au stress oxydatif.
La communauté scientifique appelle à soutenir les recommandations des 250 scientifiques et médecins qui ont signé l’appel 5G, appelant à un moratoire immédiat sur le déploiement de la 5G et à exiger que notre gouvernement finance les recherches nécessaires pour adopter des limites d’exposition basées sur la biologie, visant à protéger notre santé.
Thomas Boisson