La liste est longue, très longue. Plus de 80 pays et régions, dont quinze sont membres de l’espace Schengen, figurent désormais sur la liste des territoires que l’Office fédéral de la santé publique a classés comme «à risque». Définition: le taux de contamination au coronavirus ces quatorze derniers jours est supérieur à une valeur limite, fixée par la Suisse à 60 cas pour 100’000 habitants. Pour rappel, cette catégorisation implique que toute personne qui arrive de ces territoires, après y avoir séjourné plus de vingt-quatre heures, est soumise à une quarantaine obligatoire de dix jours, à moins de pouvoir justifier un voyage professionnel. L’amende, en cas de non respect, peut monter à 10’000 francs.
C’est toujours mieux que la fermeture des frontières, à l’heure où l’on redoute la deuxième vague. Mais cette politique qui rime avec contraintes suscite des interrogations dans l’opinion publique. Voire de l’énervement, surtout quand on revient d’une zone classée verte en France mais rouge par la Suisse…
«Je reviens de Dordogne, où l’incidence est de moins de 50 cas pour 100’000 habitants. Or je suis obligée d’arrêter de travailler et me mettre en quarantaine, parce que la Suisse a mis tout le sud de la France à l’index», raconte Sonia, qui habite à Genève, où le virus est trois fois plus actif qu’en Dordogne. Paul, en vacances dans le fin fond de l’Aveyron (en zone rouge), avec pour seules compagnes des vaches durant son séjour, s’est dépêché de se déplacer de 30 km dans le Cantal, en région Rhône-Alpes, pour éviter la sanction à son retour. «Absurde!» lance-t-il.
Mélanie, elle, revient de Lyon, ville appréciée pour un week-end à 1h30 de Genève, et se demande si elle a pris des risques inconsidérés, pourtant non sanctionnés par une quarantaine. Car Lyon et sa région sont de fait une «zone libre» pour Berne, alors que Paris vient de placer cette même ville et son département en «alerte renforcée», impliquant l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes dans la rue et la fermeture des bars à 22h.
Brouillage des cartes
On le sait, vis-à-vis de la France notamment, le Conseil fédéral a fait des contorsions pour éviter que les régions frontalières, fournisseuses de main-d’œuvre, ne se retrouvent en zone rouge. Genève et Vaud ont dit leur soulagement. Soit, mais au lieu de parler de franche exception pour les frontaliers, la Suisse a privilégié une approche et des exceptions géographiques assez grossières, par région. Cela donne une carte globale des risques en France qui ne colle de loin pas partout à la réalité du terrain. Elle a placé en zones à quarantaine des départements entiers où le virus circule très faiblement et au contraire «oublié» des pans du territoire très concernés par l’expansion du virus. C’est le même paradoxe en Autriche.
Ce constat peut sembler accessoire à l’heure où Berne déconseille de toute façon aux Suisses de voyager. Mais l’exemple rend compte des difficultés qu’ont les États à gérer cette crise sanitaire. «Grosso modo, ils font comme ils peuvent», résume Patrick Zylberman, historien de la médecine, professeur émérite à l’École des hautes études en santé publique à Paris. «N’ayant aucune réponse pharmaceutique pour l’heure face à ce virus, les gouvernements recourent aux méthodes qu’on a développées dès le Moyen Âge face aux épidémies, pratiquant la distanciation sociale et la quarantaine. Chaque pays a ses mesures, c’est du chacun pour soi. Le problème, c’est que moins il y a de cohérence entre ces différentes politiques d’État, plus il est difficile de faire adhérer l’opinion publique à ces contraintes, surtout si elles s’éternisent. Et le risque, c’est la lassitude, puis la triche, et dès lors, l’objectif de la mesure n’est pas atteint.»
Cacophonie européenne
En Europe, à y regarder de près, aucun pays ne joue en effet la même partition: pour le droit d’entrée (et de retour au pays), certains États pratiquent la quarantaine, d’autres réclament des tests PCR attestant de la bonne santé du voyageur; certains imposent les deux mesures cumulées, d’autres n’ont aucune exigence. Et puis chacun a une conception différente des territoires à mettre ou non à l’index. «On est un peu dans la cacophonie, et cela est très négatif, souligne encore Patrick Zylberman. Ce manque d’harmonisation empêche également un réel contrôle de l’épidémie.»
La Commission européenne, qui ne veut pas qu’on revive le chaos des fermetures de frontières du printemps, aimerait bien y mettre de l’ordre. «Il y a aujourd’hui autant de procédures que de pays, et il serait bon de prendre nos décisions sur des principes partagés», plaidait début septembre Clément Beaune, secrétaire d’État aux Affaires européennes.
L’idéal serait que les États s’entendent pour fixer les mêmes seuils afin de définir des zones vertes, orange ou rouges, avec les mêmes conséquences quant aux règles de circulation à travers l’Europe. Mais dans un espace politique où les prérogatives sanitaires sont encore largement aux mains des nations, on en est encore loin.
À chacun sa formule, donc, et la Suisse a choisi de mettre la quarantaine dans sa panoplie de moyens. Est-elle pour autant efficace? «La quarantaine est un outil très utile surtout pour les États relativement peu touchés; pour un pays insulaire par exemple, comme la Nouvelle-Zélande. À partir du moment où, en Europe, on tend vers les mêmes niveaux de contamination entre les pays, on peut s’interroger sur son efficacité dans la durée.»
En détaillant les chiffres, on voit qu’il y a à l’intérieur même de notre pays de grandes différences, entre la Suisse alémanique, plutôt épargnée, et la Suisse romande, beaucoup plus touchée. Si l’on appliquait la règle suisse sur notre propre sol, les habitants de Genève, Vaud, Neuchâtel et Fribourg devraient être soumis à la quarantaine quand ils vont outre-Sarine! Impensable, évidemment. «Il y a toujours une pesée d’intérêts dans la gestion du risque, entre les facteurs sanitaires et d’autres impératifs, pour ne pas prétériter le bon fonctionnement du pays, en particulier de l’économie», conclut Antoine Flahault.
Commentaire
Monsieur Berset, vous allez perdre votre combat, vous ne pouvez pouvez plus mentir, maintenant pour finir c'est purement économique et politique, et plus du tout sanitaire, le peuple a cru en vous, vous êtes le responsable de la santé publique, vous avez trahi votre peuple, vous perdez votre crédibilité.
C'est une réalité, quand des gens font leur courses en France ou habitent dans un autre canton ils ne jouent pas collectif mais individuel. C'est ce qui arrive à notre économie. Essayons tous de soutenir nos cantons, nos emplois, en aidant nos magasins.
Très occupé à défendre l'indéfendable, Monsieur Zylberman énonce une contre-vérité énorme: Au Moyen Age il n'était pas question de quarantaine ni de distance face aux épidémies. La seule quarantaine (qui était de quarante jours et non 10 ou 7 jours) concernait (et encore très rarement) les bateaux de retour de contrées lointaines.
Ils résolvaient le problème bien plus simplement en fermant les portes de villes. Le but était de couper les transmissions entre les villes, foyers des maladies (eh oui, déjà à l'époque la promiscuité chère à Hodgers était néfaste), et les campagnes, très souvent bien moins touchées (comme aujourd'hui...).
Or bizarrement, la seule mesure que tout le monde se refuse, depuis ce printemps, à appliquer est précisément celle de la fermeture des frontières assorties d'un contrôle strict des personnes qui désirent quand même passer. Il est préféré mettre des bâtons dans les roues des résidents et les pousser au désespoir social, économique et psychologique. Pathétique!
Par ailleurs ce n'est pas que la géographie qui est mise à mal par nos dirigeants. La logique, l'intelligence et la patience des populations le sont aussi.
Comment expliquer ce cirque de quarantaine appliquée à tout le monde... sauf aux soignants dont nous avons besoin. Vous savez ces gens dont le métier consiste précisément à côtoyer en permanence les personnes déjà malades ou blessées, donc fortement affaiblies. Ce n'est que du corporatisme pur et dur.
Egger Ph.