Si la nouvelle intelligence artificielle chinoise, DeepSeek fait trembler le monde, la France ne peut pas en dire autant avec le lancement jeudi 23 janvier de son robot conversationnel, Lucie. A peine ouverte au public, elle a été débranchée après seulement trois jours, suscitant au passage pas mal de moqueries.
Soutenue par l'Etat français, cette nouvelle technologie devait faire la fierté du pays lors du sommet international de Paris sur l'IA le 10 et 11 février. Et pourquoi ne pas voir encore plus grand? Un de ses objectifs est d'être au service de l'Education nationale, courant 2025. Mais Lucie a échoué son test grandeur nature: réponses absurdes, calculs erronés, anachronismes, propos inquiétants. Bref, Lucie devra revoir sa copie.
Collée en math
À la question simple d’un internaute demandant de résoudre l’équation suivante: 5(3+2), l’IA française a donné une réponse étonnante: 17. Mais c’est en tentant de justifier son raisonnement que Lucie s’est complètement emmêlée les pinceaux. Tout avait pourtant bien commencé: elle précise qu’il faut d’abord effectuer le calcul à l’intérieur de la parenthèse. Mais après tout dérape: Lucie affirme que 5x5 font… 5.
La confusion ne s’arrête pas là. Par un tour de passe-passe dont elle seule semble avoir le secret, Lucie décide de multiplier la somme par 10 pour conclure finalement que le résultat est 50, et non plus 17. Une démonstration chaotique pour un exercice de mathématique pourtant basique.
Vous reprendrez bien un œuf de vache?
Les exemples de dérapages ne manquent pas. L’IA française a également tenu des propos surprenants en vantant les bienfaits des «œufs de vaches», qui selon elle, se nomment également «œufs de poules». Mais le pire reste à venir: sans hésitation, le robot s’est livré à une imitation d’Adolf Hitler. Une démonstration beaucoup moins amusante, surtout si elle est mise à disposition d’élèves.
Toutefois, Lucie semble exceller dans un domaine: la chimie. Elle a en effet été capable de détailler avec précision la recette de la méthamphétamine, une drogue de synthèse particulièrement puissante. Là encore, savoir que ce type d’information est à portée des enfants n’a rien de rassurant.
Linagora reconnait son erreur
Linagora, la société derrière Lucie, a fait son mea culpa après l’ouverture prématurée de l’IA au public. «Nous avons fait l’erreur de la mettre à disposition dans cet état», a admis Michel-Marie Maudet, directeur général de l’entreprise. Il a précisé que Lucie n’était encore qu’un «projet de recherche» et non un produit finalisé. La société a également reconnu avoir négligé l’implémentation de garde-fous indispensables pour empêcher la génération de contenus haineux ou injurieux.
Dans un entretien avec CNN, Michel-Marie Maudet a indiqué que ses équipes travaillaient activement sur une mise à jour du modèle. Une fois révisée, une version bêta sera testée en privé avant d’être à nouveau accessible au grand public.
Soutenue par Emmanuel Macron dans le cadre d’un vaste programme d’investissement de 54 milliards d’euros, Lucie se voulait l’alternative française à ChatGPT. Mais pour l’instant, l’IA américaine peut dormir sur ses deux oreilles: sa rivale hexagonale a encore un long chemin à parcourir avant de sortir de l’expérimentation… et de convaincre le grand public.
Solène Monney