Partout, pour tous, décarbonée ou partagée… À quoi ressemblera la mobilité des générations futures ? On a demandé à Marie-Ange Debon, présidente du directoire de Keolis.
Vous considérez la mobilité comme le « droit des droits ». Qu'entendez-vous par là ?
La mobilité est un élément majeur, qui assure aux citoyens l’accès à une vie sociale, économique et culturelle. Elle permet d’exercer toute une gamme de droits. La ville où tout est accessible à moins d’un quart d’heure, c’est un bel idéal, mais il n’est pas applicable sur tous les territoires. En tant qu’opérateur de transport public de voyageurs, on accompagne les besoins de mobilité de chacun, et cela commence très tôt. Le transport scolaire des collégiens et lycéens, par exemple, répond au droit à l’éducation. Nous accompagnons également énormément d’actifs. Mais ce n’est pas sans difficultés. Nos modes de vie, et a fortiori de travail, se sont désynchronisés et archipélisés : nos déplacements s’étalent dans le temps et l’espace.
Pour autant, on aurait tort de penser la mobilité uniquement par le prisme de l’emploi. Le trajet domicile-travail ne correspond qu’à environ 25 % de l’ensemble des déplacements. La santé en constitue une part importante. Et enfin, on l’a bien vu lors des Jeux olympiques de Paris, l’accès aux loisirs peut dépendre de transports en commun plus fluides qu’un trajet en voiture. Rappelons qu’environ 15 millions de Français sont en précarité de mobilité. Dans ces conditions, les transports en commun représentent l’assurance de ne pas être assignés à résidence.
« Assignés à résidence », le terme est fort…
Oui, mais c’est une réalité. Il existe différentes formes de précarité liée à la mobilité. Pour lutter contre, nous développons toute une série d’offres, car, que l’entreprise prenne en charge ou non une partie de vos déplacements, le transport collectif reste moins cher que l’automobile.
En dehors des tarifs sociaux que nous proposons aux usagers les plus précaires, nous mettons également en place le transport à la demande. Les usagers peuvent réserver un déplacement jusqu’à la dernière minute. Des véhicules d’entre six et huit places desservent différents points d’arrêt. Ils déposent les usagers soit à proximité de leur destination (ce qui est indispensable pour les personnes âgées ou en situation de handicap, ndlr), soit à l’arrêt d’une ligne régulière de train ou de car (scolaires, travailleurs, ndlr). Ce mode de transport répond à deux enjeux : l’amplitude horaire des besoins et l’étalement géographique. En tout, nous exploitons quelque 80 réseaux de transport à la demande en France.
En quoi la mobilité fournit-elle un service essentiel ?
Nous transportons les gens tous les jours, parfois 24 heures sur 24. Pour garantir la continuité du service et prévenir les pannes, nous entretenons les bus et les cars, véhicules qui sont aussi des lieux au cœur de la socialisation et du vivre-ensemble. Nos conducteurs, contrôleurs et techniciens de maintenance sont tous très conscients qu’on offre avant tout un service public. D’ailleurs, notre activité est financée, non pas seulement par les prix du billet ou les abonnements, mais principalement par les taxes versées par les particuliers et les entreprises. C’est aussi ce qui permet d’assurer un tarif accessible.
La mobilité est au cœur des transformations sociétales, environnementales et économiques de demain. Au point d’en faire une cause nationale ?
En dessinant la mobilité, on concrétise un projet de société. On l’a dit plus tôt, la mobilité est le droit des droits. Même si, hélas, le transport collectif ne bénéficie pas aujourd’hui à tous. Dans une société durable – parce que chaque personne est incluse et parce qu’on veille à préserver notre environnement en atténuant nos émissions –, le transport collectif s’annonce comme la solution. En mutualisant les moyens, il est beaucoup plus sobre en carbone que le véhicule individuel. Par ailleurs, au-delà de la question de la décarbonation, il répond à un enjeu de sécurité, à la fois routière et piétonne. Le transport en commun remporte aussi la bataille de l’échelle avec ses 180 millions de déplacements par jour. Donc oui, il serait bel et bien temps de faire de la mobilité une cause nationale.
Utile, décarbonée, partagée, multimodale… À quoi ressemblerait selon vous la mobilité idéale ?
La mobilité idéale, on l’a connue cette année lors des Jeux olympiques et paralympiques : une offre de transport performante, accessible, pensée pour servir au mieux les usagers. On l’a éprouvé sur nos réseaux qui desservaient des lieux d’entraînement et d’épreuves, à Paris, à Lyon, à Lille, à Bordeaux et à Châteauroux. Les transports en commun ont été au rendez-vous et ça s’est ressenti dans la perception positive des usagers, qui ont loué la qualité de services, mais aussi une expérience plus conviviale, sûre et inclusive. La preuve que lorsqu’on porte une cause nationale, on sait réenchanter les transports en communs, non ?
Marie-Ange Debon