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dimanche 10 août 2025

Droit de douane: qui aurait su négocier avec Donald Trump?

 

Le 10 mars 2001, la Tribune de Genève racontait comment Staübli avait négocié avec Trump, 
au nom des créanciers de la SBS


«C'est la façon de négocier aux Etats-Unis, il faudra s'y faire», a conclu Guy Parmelin à la conférence du Conseil fédéral, qui clôturait le dossier douloureux des droits de douane punitifs de 39%. Mais le problème n’est-il pas celui des compétences en négociation? Quelles compétences faudrait-il en réalité pour savoir obtenir un «deal» correct avec un Donald Trump? Qu’a-t-il manqué à nos conseillers fédéraux? Blick a interrogé des maîtres en négociation. Petit manuel détaillé, et parfois machiavélique, de l'art de la négociation – le vrai. 

L’un de ces maîtres en négociation a même directement négocié avec Donald Trump, à New York dans les années 90: Juerg Stäubli. L’homme d’affaires et investisseur suisse qui, comme Trump, a fait carrière dans la finance et l’immobilier dans les années 80, ne pense pas que la Suisse ait envoyé les bonnes personnes discuter avec le président américain.

Cultiver la puissance

«J‘avais rencontré Trump pour une négociation à New York au nom de banques suisses, lorsqu‘il était en sursis concordataire, nous raconte-t-il. N’oublions pas que c’est un pur dealmaker. Sa façon est de demander le double ou le triple de ce qu’il veut à l'arrivée. J‘avais compris qu‘il respecte uniquement des interlocuteurs forts, et idéalement pour lesquels il a une certaine admiration et par conséquent du respect. C'est par exemple le cas pour Vladimir Poutine.»

Dans le cas de la Suisse, poursuit Juerg Staübli, la subtilité est qu’il ne convient pas de traiter d’égal à égal avec lui. «Comme il a un ego surdimensionné, il faut le caresser dans le sens du poil, car c’est lui qui tient le couteau par le manche.» 

«Trump est quelqu'un qui respecte beaucoup la force, note aussi Tarik Lamkarfeld, ambassadeur et négociateur de Trusted Agency, leader des agences de négociation francophones dans le monde. La force, ici, ce serait pour la Suisse d'afficher une capacité d'alliances. De dégager une forme de puissance, qui émane de la capacité à représenter des blocs, à faire asseoir plusieurs pays à la même table pour négocier face à Trump. Or la Suisse a fait cavalier seul, en tant que petit pays, avec très peu d'arguments comparé à des blocs comme l'UE.» 

A l'inverse, les pays du Golfe, par exemple, ont négocié en tant que bloc, et sur de multiples leviers, relève l'expert en négociation. «Que ce soit MBS (ndlr: Mohammed ben Salmane) en Arabie Saoudite, ou MBZ (ndlr: Mohammed ben Zayed Al Nahyane) aux Emirats, ils ont la capacité de faire bouger des blocs. D'où un deal à la fois économique, financier et militaire avec Trump. Ce sont des personnes qui ont le bras assez long pour faire bouger les lignes. Les Suisses ont agi seuls de leur côté, et les Japonais aussi, alors qu'ils avaient les mêmes intérêts par exemple. Or la Suisse seule ne représente pas une volume d'affaires suffisant, elle n'a pas le même impact, et au final, tout se joue là-dessus.»

Marchand de tapis, c'est tout un métier

Ce qui se déroule pendant la négociation est d'ordre hautement psychologique. Pour Juerg Staübli, «le bon profil de négociateur face à Trump doit être une personne qui soit ferme, sans avoir l’air professoral, sans vouloir lui donner des leçons. Trump a besoin de 'gagner', donc il faut lui promettre des deals , comme l‘achat de gaz et de pétrole américain sur une longue durée. Après son départ de la Maison Blanche, l‘accord pourra être revu!», suggère l’homme d’affaires qui possède depuis 10 ans une banque au Kirghizstan, et dont la fortune est estimée à environ 700 millions de francs par Bilan/Bilanz. 

Juerg Staübli garde toutefois confiance en l’administration fédérale. «Je pense sincèrement que notre Secrétaire d‘Etat Hélène Budliger peut réussir par ses connaissances, car elle est de loin la meilleure à Berne en matière économique, mais pour autant qu’elle puisse agir, et qu’elle soit accompagnée par une personnalité que Trump respecte, comme par exemple Sergio Ermotti, le CEO d’UBS.»

«Au fond, il faut savoir être un marchand de tapis, un peu comme moi, s'amuse Claude Romy, administrateur indépendant et spécialiste en fusions & acquisitions. Et aussi savoir parler anglais! Parmelin qui ne parle pas un mot d’anglais, ce n’est pas possible.» Savoir négocier est un métier, «il y a des gens qui font ça tous les jours, ajoute Claude Romy. C’est une erreur de vouloir absolument que ce soient des conseillers fédéraux qui parlent à Trump. Je ne sais pas pourquoi le Conseil fédéral agit de manière hiérarchique, il faut envoyer les meilleurs, et eux peuvent se mettre en retrait; d’ailleurs Trump ne savait pas même quel était le rang exact de KKS». 

Faire le marchand de tapis, explique Claude Romy, c’est savoir donner ici, prendre là, mais surtout savoir écouter les attentes de l’interlocuteur. «Apparemment, KKS n’a pas beaucoup écouté, elle a essayé de le mettre sous pression, de le convaincre.» Pour le spécialiste, il est évident qu’il faut former les conseillers fédéraux à «être autre chose que de bons gestionnaires, car les qualités de négociateur, cela ne s’improvise pas.» Si Juerg Staübli évoque Sergio Ermotti, Claude Romy lui, n’hésite pas à recommander un Roger Federer dans une telle délégation, rappelant qu’il est aussi un homme d’affaires, en plus d’un sportif hautement respecté.





A malin, malin et demi

Dès lors, faut-il une personnalité charismatique, pour négocier avec Trump? Il ne faut pas lui trouver un double, mais plutôt un égal, répond Dominique Freymond, administrateur indépendant, qui a conseillé de multiples conseils d’administration où se jouent des dynamiques complexes de pouvoir. 

«Trump considère qu’il est unique, le meilleur. Il serait immédiatement en concurrence d’ego, d’attention, de pouvoir avec un 'jumeau'. Par contre il veut bien traiter avec des gens de pouvoir, peu importe s'ils partagent ou non ses valeurs. Poutine, Xi Jinping mais aussi Georgia Meloni, l’impressionnent. Il a besoin de sentir une forte personnalité qui assume son pouvoir, recherche avec lui des deals, un joueur ou une joueuse de poker qui a quand même de quoi bluffer. Il n’aime pas les bisounours, les gentils, les petits bourgeois honnêtes… ».

Comme l'on ferait face aux grands fauves, il faut un certain cran, et même beaucoup de cran, ajoute Dominique Freymond: «Il faut une personne qui ne se laisse pas impressionner, lui serre vigoureusement la main et qui sache le flatter avec la bonne dose de subtilité». A l'instar de Juerg Staübli, Dominique Freymond préconise une dose de ruse. A malin, malin et demi, forcément. «Il faut être capable de lui promettre des choses irréalisables à moyen terme, mais si cela permet à Trump de se vanter qu’il a gagné un deal aujourd’hui, cela lui suffit!» 

En outre, parler à Trump, c’est maîtriser le verbe et égaler en vivacité d’esprit ce communicateur-né, selon l'administrateur. «Il faut une bonne capacité rhétorique, une préparation minutieuse avant la rencontre, avoir en tête quelles cartes jouer et à quel moment, et ne pas avoir peur de bluffer… donc quelqu’un de très intelligent. Mais qui n’a pas besoin de le montrer et qui sait se mettre en position basse face à Trump pour mieux le manipuler…»

15% d'aptitude, 85% d'attitude

«Dans une négociation, il y a deux aspects, il y a CE qu'on négocie et AVEC QUI on négocie, souligne Steve A. Tineo, négociateur professionnel et expert en résolution des conflits, formateur dans plusieurs universités, dont Oxford. On ne met pas assez en avant l'aspect humain». Les profils sollicités, du côté de la Confédération, sont des gens académiques, rationnels, qui misent sur le logique, le vérifiable, le fonctionnel, regrette l'expert. 

«Or avec Trump, nous sommes face à un type de narcissisme malin, comme attesté par une septantaine de psychiatres américains. Cela requiert, en face, un profil charmeur, manipulateur positif, qui sache le complimenter». Un profil très éloigné, en somme, de celui de Karin Keller-Sutter. «Mme von der Leyen a promis 600 milliards d'investissements, et improvisera plus tard. Le publicitaire Richard Attias a réussi à attirer deux fois Donald Trump à son événement, le 'Davos du désert', et ce gratuitement, en sachant le charmer. Le succès est à 15% dans l'aptitude, et à 85% dans l'attitude!»

Pour Steve Tineo, les Suisses auraient donc dû savoir qu'ils ne négociaient pas uniquement quelque chose, mais qu'ils négociaient surtout avec quelqu'un. «Et avec quelqu'un d'extrêmement particulier, qu'il faut traiter différemment, qui nécessite plus de psychologie et d'intelligence émotionnelle. Tout comme Zelensky est venu dans le bureau de Trump et l'a vexé, Madame Keller-Sutter l'a vexé humainement car elle n'a pas su lire quel type d'homme elle avait en face.»

Des négociateurs de très haut niveau existent en Suisse

«Il y a plusieurs groupes de négociateurs, en Suisse, de très haut niveau, qui préparent des délégations à travers le monde à des négociations et des médiations, et pourtant nous ne sommes jamais appelés par les services diplomatiques de Berne pour fournir du conseil», regrette Steve Tineo.

«Ce que les Suisses ont oublié, c'est que les négociations servent à résoudre les conflits, et non à réitérer ses positions en énumérant une liste d'arguments», diagnostique Giuseppe Conti, professeur de négociation et d'influence dans de nombreuses business schools en Suisse et à travers le monde, qui publie ce 8 septembre son premier ouvrage, «Negotiation + Influencing = Success». 

«La Confédération a besoin d'une nouvelle équipe de négociateurs, qui sera capable de comprendre les enjeux et priorités cachés et émotionnels de Donald Trump dans cette négociation avec la Suisse, Madame Keller-Sutter ne participant qu'en dernier ressort», recommande Giuseppe Conti, qui a été classé «Global Guru» de la négociation en 2025.  

Pour lui, la première étape consistera à reprendre les discussions en coulisses avec les Américains, histoire d'améliorer la compréhension de la situation. Il cite l'exemple réussi de négociation de la présidente mexicaine Claudia Scheinbaum avec Trump. «Elle semble avoir trouvé le bon équilibre entre l'accès à Trump et une certaine déférence, en soignant le fond quant aux données qu'elle présente, mais encore plus la forme. Car au final, il ne s'agit pas de l'information en elle-même, mais de la manière de la présenter: il faut que cela résonne auprès de Trump. Il est vrai qu'elle a en mains des cartes qui comptent aux yeux du président américain. A la Suisse, maintenant, de trouver les cartes qui comptent.» 

Berne n'a rien voulu entendre

Un accord était sur le bureau de Donald Trump, négocié, approuvé par les ministres et prêt à être signé. Mais la Suisse n'a pas reçu de signature, seulement un chiffre de 39%. Ces droits de douane exorbitants créent la débâcle au Conseil fédéral et montrent que la diplomatie traditionnelle a ses limites.

Dans l'univers de Trump, ce ne sont pas les accords bien ficelés ou les usages diplomatiques qui comptent, mais les relations et les contacts personnels, et Berne semble avoir mis du temps à le comprendre. Dans les négociations en cours sur les droits de douane, le Conseil fédéral s'appuie désormais sur les représentants des secteurs économiques suisses, qui ont un «accès différent» à Washington, selon la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter. Le gouvernement affirme que la Suisse a besoin de personnes capables d'atteindre le Bureau ovale et de gagner l'attention de Trump pour le persuader de baisser les droits de douane. 

A Washington, il y a toute une industrie pour cela: des cabinets de lobbying qui ouvrent des portes, défendent des causes et influencent les présidents. Les pays du monde entier font appel à eux, et la Suisse aussi y a pensé. La secrétaire d'Etat du Seco Helene Budliger Artieda a évoqué l'idée de faire appel à une société de lobbying américaine pour les questions douanières, peu après l'annonce de Trump en avril. Mais Berne a refusé cette idée, convaincue qu'elle n'avait pas besoin d'une aide professionnelle externe.

Les critiques s'accumulent

Blick a interpellé le Seco sur ce point et a reçu une réponse du Département fédéral de l'économie (DEFR), mais le service de presse est resté discret. Lors d'un entretien téléphonique, un porte-parole déclare: «Nous ne ferons aucun commentaire à ce sujet.» A une demande d'interview envoyée par courriel, le DEFR répond en une phrase: «Le Conseil fédéral et les départements concernés n'ont engagé aucun cabinet de lobbying en lien avec les questions douanières et n'envisagent pas de le faire.»

Il est fort probable que le DEFR ne souhaite pas commenter davantage ce sujet à cause de son explosivité politique. Depuis sa visite de dernière minute cette semaine, le Conseil fédéral est criblé de critiques: il a cru pendant trop longtemps qu'un accord était en préparation, il s'est trop appuyé sur les canaux officiels et les procédures réglementées, alors que Trump bafoue ces éléments. 

Cet épisode de tarif douanier est d'autant plus surprenant que dans un autre dossier, le Conseil fédéral a fait appel à un cabinet de lobbying américain. Au début de l'année, Washington a menacé de restreindre l'accès aux puces d'intelligence artificielle. Le Conseil fédéral a alors mandaté un cabinet d'avocats américain renommé pour veiller à ce que la Suisse obtienne à nouveau l'accès aux puces informatiques. Le contrat stipulait explicitement que les lobbyistes pouvaient aussi conseiller le gouvernement fédéral sur «d'autres questions», notamment «concernant les droits de douane ou d'autres questions commerciales», mais il est clair que le Conseil fédéral a renoncé à ces services. 

La mission de Washington en cours

Entre-temps, la secrétaire d'Etat Helena Budliger Artieda est rentrée en Suisse, selon le Seco. Avec une petite délégation, elle a tenté d'utiliser tous les canaux possibles à Washington, même ceux non couverts par le protocole diplomatique. Elle a été soutenue par Gabriel Lüchinger, l'envoyé spécial du Conseil fédéral pour les Etats-Unis, qui dispose d'un vaste réseau de contacts dans le domaine de la sécurité. Gabriel Lüchinger connaît notamment l'envoyé spécial américain Steve Witkoff, ami de longue date et partenaire de golf de Trump.

Le Conseil fédéral tente d'explorer de nouvelles pistes diplomatiques aux Etats-Unis, mais n'épuise pas toutes ses options. Il reste toujours la possibilité de faire appel à un cabinet de lobbying américain.

Myret Zaki

Robin Bäni

blick.ch