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jeudi 21 août 2025

La mort en direct du streameur Jean Pormanove est révélatrice d’un business sordide



La mort de l’influenceur Jean Pormanove a mis en lumière les travers de la plateforme Kick, aux règles permissives, où le pire est arrivé après des mois de violence filmée, suivie par plusieurs milliers d’internautes. Retour sur cette affaire sordide qui souligne les manquements de la régulation des contenus en ligne.

Qui était le streameur décédé ?

Jean Pormanove, de son vrai nom Raphaël Graven, était un ancien militaire de 46 ans, devenu une figure phare de Kick, une plateforme similaire à Twitch mais avec une modération minimale. Aux côtés d’un surnommé « Coudoux » un homme en situation de handicap et sous curatelle, Jean Pormanove, joues creuses et silhouette frêle, se faisait maltraiter en direct devant plus de 160 000 abonnés par deux autres influenceurs, Owen Cenazandotti et Safine Hamadi. « Jeu de la claque », « Questions pour un Golmon », strangulations… Les violences et les humiliations s’enchaînaient dans le local aux murs vert et blanc situé dans la région niçoise. D’après les informations de Mediapart, cette chaîne était la plus suivie en France sur Kick, et se hissait régulièrement dans le top 10 mondial. L’escalade de violence attirait des spectateurs qui s’en délectaient : ils finançaient la chaîne par des abonnements payants et des dons, en plus d’appeler à toujours plus de brutalité contre « JP » et « Coudoux » dans les commentaires en ligne.

Que s’est-il passé le jour du décès de “JP” ?

Dans la nuit du 17 au 18 août, au bout de deux cent quatre-vingt-dix-huit heures de diffusion vidéo en direct, Jean Pormanove est mort dans son sommeil, filmé allongé dans un lit, inanimé. Le live a été coupé, le décès de « JP » confirmé, et la chaîne a depuis été suspendue par Kick. Quelques heures avant le drame, l’ancien militaire avait subi les claques et brimades brutales dont il était victime quotidiennement. Dans la foulée, le parquet de Nice a ouvert une enquête sur les causes du décès.

Après une publication de Mediapart en 2024 sur le business de la maltraitance en ligne, le parquet avait déjà ouvert une enquête préliminaire en décembre contre les deux streameurs Owen Cenazandotti et Safine Hamadi, les accusant, entre autres, de provocation publique « à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur handicap » et de « violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables ». Les deux hommes ont été placés en garde à vue le 8 janvier, puis ont été relâchés.

Qu’est-ce qu’on trouve sur la plateforme Kick ?

En affichant une modération très faible par rapport à ses concurrents, Kick, lancée en 2022 par deux Australiens gérants d’un site de casino en ligne, regorge de vidéos trash produites par des influenceurs rejetés par les autres plateformes. Elle a été notamment le refuge d’Adin Ross, influenceur pro-Trump, quand celui-ci a été banni de Twitch en 2023 (réintégré depuis) pour des propos homophobes et pour son manque de modération des commentaires racistes et antisémites sous ses vidéos. Celui-ci compte maintenant 1,8 million d’abonnés sur Kick, et invite sur sa chaîne des figures comme Andrew Tate, masculiniste notoire banni d’Instagram et de Tiktok, inculpé pour viol et trafic d’êtres humains au Royaume-Uni.

La plateforme Kick respecte-t-elle la loi ?

Après le décès de « JP », Clara Chappaz, ministre déléguée chargée du Numérique, a annoncé avoir saisi l’Arcom — l’autorité de régulation de l’audiovisuel — et effectué un signalement auprès de la plateforme publique Pharos, chargée d’examiner les comportements illicites en ligne. « La responsabilité des plateformes en ligne sur la diffusion de contenus illicites n’est pas une option : c’est la loi. Ce type de défaillances peut conduire au pire et n’a pas sa place en France, en Europe ni ailleurs », a-t-elle écrit sur son compte X. La Ligue des droits de l’homme avait déjà saisi l’Arcom en février dernier à la suite des révélations de Mediapart, sans recevoir de réponse, d’après l’organisation.

Dans un communiqué publié ce mercredi, l’autorité de régulation a déclaré qu’un représentant légal de Kick venait d’être désigné, comme requis par le règlement sur les services numériques. L’Arcom a donc contacté ce représentant nouvellement déclaré, situé à Malte, ainsi que le régulateur maltais, pour « obtenir des informations détaillées sur les moyens dédiés par le service à la modération francophone », et sur la modération spécifique appliquée à la chaîne de Jean Pormanove ces dernières années : ont-ils reçu des signalements ou des plaintes ? Si oui, combien ? Quelles mesures ont été prises contre les contenus potentiellement illégaux ? Accessible à tous en quelques clics, le réseau social australien a jusqu’ici bénéficié d’une certaine impunité. Sur X, la plateforme a présenté ses condoléances et s’est engagée à « collaborer avec les autorités ».

Ceux qui savaient et n’ont rien fait

  • La ministre déléguée au numérique, Clara Chappaz, qui dénonce aujourd'hui "l'horreur absolue" mais n'avait rien, fin 2024, lorsque Mediapart dévoilait un business de la maltraitance sur cette plateforme en parlant notamment des mêmes protagonistes. Mediapart l'avait pourtant sollicité. Ce n'est que maintenant qu'elle annonce saisir Pharos et l'Arcom.
  • l'Arcom saisie par la Ligue des Droits de l'Homme en février dernier, saisine restée «sans aucune réponse», regrette Nathalie Tehio, présidente de la LDH.« Ils auraient pu intervenir sur le fait même de diffuser. Mais visiblement, ils n’ont rien fait. »
  • Kick France qui n’avait jamais répondu à nos multiples demandes d’interview à l’issue de notre première enquête.Kick avait banni pour une semaine la chaîne incriminée tout en la laissant reprendre après cela sur le même créneau à savoir l'humiliation.
  • Les streamers eux-mêmes. La mort du streamer Jean Pormanove en plein direct était d’ailleurs un « sujet » régulièrement discuté par les streamers eux-mêmes, qui se questionnaient sur leur responsabilité en cas de décès de leur souffre-douleur. « Les gens, ils vont s’en prendre à nous », lance ainsi Naruto dans une vidéo datée du 26 juillet 2025, au cours d’un échange surréaliste avec son acolyte Safine. « Imagine, on est en train de rigoler et tout et…», avance ce dernier. «Il clamse», répond Naruto. «En plein live, on est morts. ». Les deux streamers demandent alors à Jean Pormanove, et à deux autres participants au direct, dont Coudoux, de déclarer, face caméra, que s’ils meurent « en live », ce sera de leur entière responsabilité. Tous s’exécutent, dont JP, qui se montre dans un premier temps réticent. « S’il m'arrive quelque chose en live… bon… c’est mon entière responsabilité… Mais pas maintenant », lâche celui qui avait précisé, quelques instants plus tôt : « J’ai pas envie de crever. »
  • Tous les viewers. Sylvain* (prénom d’emprunt), viewer qui vit dans le nord de la France, a connu le personnage de Jean Pormanove en 2019, d’abord sur YouTube. Il l’a suivi sur Twitch, puis sur Kick. « Là j’ai moins regardé, mais quand ils ont commencé les défis récents, les coto-challenges [coto pour Cotorep – ndlr], je voulais y être, pas pour faire des dons mais parce que ça me divertissait. » Au point d’y passer deux ou trois heures par jour, ces derniers temps, jusqu’au décès et à la coupure brutale du canal. « On a laissé les choses aller trop loin et je me sens coupable d’avoir assisté à ça », assure le jeune homme.

Eva Martin

telerama.fr