Une étude de la Fondation FABER, à Lausanne, a constaté que la semence des Romands était meilleure que celle des Alémaniques.
Les scientifiques suisses sont en train d'écrire une page de l'histoire de la reproduction humaine de ce pays. Depuis 2005, ils ont lancé une vaste étude sur la qualité du sperme des hommes suisses. Sous l'égide de la Fondation pour l'andrologie la biologie et l'endocrinologie de la reproduction (FABER), basée à Lausanne.
«A ce jour, il n'existait pas ce genre de base de données en Suisse. Elle servira de structure de référence. Pour analyser l'évolution de la qualité du sperme suisse dans le futur», se réjouit Alfred Senn, vice-président du conseil de fondation et directeur du laboratoire de biologie de la reproduction au Centre de procréation médicalement assistée à Lausanne. L'étude devrait se terminer fin 2011. En tout, 3000 hommes âgés de 20 ans, des conscrits au début de leur carrière militaire, auront donné leur sperme pour analyse.
A mi-parcours, la quinzaine de personnes qui travaillent à cette recherche sont déjà arrivées à des préconclusions: le sperme serait de meilleure qualité chez les Romands que chez les Alémaniques. Et ce sont même les Fribourgeois qui arrivent en tête du hit-parade romand (voir infographie).
Pourquoi les Fribourgeois ont-ils un meilleur sperme?
«C'est justement ce qu'on essaie de déterminer. Pour l'instant, nous avons constaté que dans les cantons romands comme Fribourg, le Jura et Neuchâtel, le sperme est de meilleure qualité qu'à Zurich, en Argovie ou à Bâle», explique Alfred Senn.
Trois facteurs semblent être à l'origine de ce phénomène: «Les perturbateurs endocriniens comme les produits chimiques, style PCB et DDT, aujourd'hui interdits, la fumée et les accidents testiculaires.»
En clair, les scientifiques estiment que les cantons comme Zurich ou Bâle ont été plus rapidement développés industriellement et que les mères ont ainsi été plus rapidement en contact avec des produits perturbateurs endocriniens que dans des cantons plus ruraux comme Fribourg ou le Jura. «Car l'action de ces produits est la plus grande sur le foetus, durant la grossesse», ajoute Alfred Senn. La qualité du sperme est évaluée grâce au nombre de spermatozoïde par millilitre de semence. Plus on a de spermatozoïdes, plus on a de chances de procréer. «Ce sont les valeurs médianes qui fixent la limite de qualité dans chaque pays.»
C'est quoi cette étude?
Pour l'heure, 1500 jeunes hommes ont déjà donné leur sperme. «La récolte est terminée en Romandie, mais il nous manque des donneurs en Suisse alémanique, notamment à Bâle. C'est pourquoi nous avons lancé un appel dans le Tages-Anzeiger», raconte Alfred Senn.
«Nous cherchons à établir les liens de cause à effet entre un mode de vie local et la qualité du sperme. Dans le monde entier, il y a très peu d'études aussi détaillées que celle que nous menons.» L'étude a démarré avec le programme PNR 50 du Fonds national de la recherche scientifique. Elle est désormais financée par l'Office fédéral de la santé publique.
Comment le sperme est-il récolté?
Quatre centres de collecte ont été aménagés près des lieux de recrutements militaires, à Windisch (AG), Rüti (ZH), Monte Ceneri (TI) et Lausanne. «Les jeunes hommes peuvent y venir sur le chemin du retour après leur recrutement», expose Alfred Senn. Deux biologistes de la Fondation FABER, Josefina Vargas et Rouman Parapanov, gèrent la récolte.
La semence est analysée tout de suite. «Nous travaillons par ordinateur de façon similaire dans tout le pays afin que les données soient issues d'un traitement équitable pour tous les prélèvements.»
Et pour donner son sperme, «il n'y a pas 36 manières de le faire», tranche Alfred Senn. En clair, c'est comme dans les films: isolement dans une petite cabine. «Et même pour des jeunes de 20 ans, le fait de se masturber dans ces conditions peut représenter un frein. L'autre difficulté que nous constatons est de vaincre la réticence de certaines personnes à donner leur sperme. Car un homme de 20 ans n'est pas préoccupé par le fait de ne pas avoir d'enfants. La question de fertilité est encore secondaire.»
Egger Ph.