Un minidrone produit par une société vaudoise met ce type d'engins à la portée de tout un chacun. Surveiller sa propriété, son usine, son conjoint? Pour le prix d'une machine à laver, ce petit mouchard est équipé d'un appareil photo. La police vaudoise s'y intéresse également.
Dans le ciel étoilé de l'été, un bourdonnement de moteur deux temps rompt la torpeur ambiante. En levant les yeux, on remarque deux feux clignotants rouges d'un petit aéronef sur la ville de Fribourg. Un modèle réduit? Pas tout à fait. Il s'agit d'un drone de l'armée en mission de repérage de tir d'artillerie au départ de Payerne.A cet usage militaire du drone pourrait bien venir s'ajouter dans un futur assez proche un emploi plus domestique. Depuis cette année, une société «jeune pousse» de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), senseFly, fabrique et commercialise un minidrone autopiloté à moteur électrique silencieux.
Poids de 500 grammes
Avec un poids de 500 g et une envergure de quelques dizaines de centimètres, cette miniaile volante en mousse souple n'a rien à voir avec un drone d'exploration militaire (280 kg et 5,71 m d'envergure). Mais comme son grand frère gris-vert, le minidrone embarque appareils de mesure et surtout un appareil photo jusqu'à une altitude de 3000 mètres. Sa batterie lui permet de voler une demi-heure et de parcourir 20 km guidé par GPS. Grâce au développement d'un système de «vision» basé sur une technologie analogue à celle qui équipe les souris optiques, il pourrait dans un avenir proche éviter les obstacles. Prix de base: environ 5000 francs. Ajoutez 2500 fr. pour un set complet avec appareil photo et valise, et 2500 fr. de plus avec laptop résistant et préconfiguré.Nous voilà loin de la machine à un demi-million utilisée par l'armée. Le drone domestique au prix de la machine à laver entrerait-il dans les objets de consommation usuels? Presque. «Ne nécessitant aucune formation spéciale, notre minidrone peut s'employer dans l'agriculture pour repérer par exemple des maladies dans un champ et pouvoir ainsi intervenir localement avec un traitement», explique Jean-Christophe Zufferey, fondateur de senseFly. «Nous allons faire de la promotion au salon de l'agriculture de Paris ou de Denver, également pour trouver des distributeurs.»L'entrepreneur le concède: les commandes parvenues à ce jour concernent davantage la sécurité que l'agriculture. Ainsi la garde présidentielle russe lui en a acheté un exemplaire via un intermédiaire. «Les commandes viennent aussi d'organisations internationales basées en Suisse, de France, d'Afrique du Sud», poursuit M. Zufferey. «En tout, une dizaine de modèles à ce jour. Nous tablons sur plus d'une centaine l'an prochain.»La police vaudoise serait même tentée d'en acquérir pour réaliser des photos après des gros accidents, comme lors du carambolage survenu sur l'A9 en avril 2008 impliquant 70 véhicules. «Des contacts ont été pris avec cette start-up», confirme Philippe Jaton, porte-parole de la police vaudoise. «L'emploi d'un minidrone permettrait un gain de temps énorme.» La police vaudoise n'envisage pas son utilisation à des fins de surveillance d'individus ou de bâtiments.
Un marché immense
Mais cela serait possible. La sécurité est un marché immense. Il suffit de penser à tous les biens à surveiller: propriété, usine ou son conjoint. Du point de vue légal, pour l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC), un drone de 500 g n'a pas besoin d'autorisation de vol, sinon il faudrait soumettre tous les modèles réduits. «Une telle autorisation n'est exigible qu'à partir de 30 kg», confirme Anton Kohler, porte-parole de l'OFAC. «Les drones militaires doivent se faire accompagner de jour par un hélicoptère pour qu'on puisse les repérer. La nuit, il n'en ont pas besoin car l'aviation civile à vue est interdite.» L'OFAC exige que le pilote du drone ait un contact visuel avec son engin. Il ne peut pas le piloter via une caméra.Et la protection des données? Le cadre n'est pas très restrictif. En théorie, les prises de vues d'un drone ne doivent pas être transmises à des tiers. Pour en avoir le coeur net, l'OFAC a demandé l'avis du Préposé fédéral à la protection des données. Un chapitre entier de son dernier rapport est consacré aux images vidéo effectuées par des drones.En résumé, pour pouvoir photographier ou filmer une personne d'un aéronef, il faut son consentement. Ou faire valoir un intérêt privé ou public prépondérant. «L'autorisation de l'OFAC devrait mentionner de manière aussi précise que possible à quelles fins la vidéosurveillance avec ou sans enregistrement est effectuée», écrit le préposé. Par ailleurs, les prises de vue ne doivent être utilisées que dans le but indiqué et respecter le principe de proportionnalité.Pour un chantier surveillé par des drones, par exemple, il faudrait indiquer clairement que ce moyen est utilisé sur cette zone par un pictogramme. Si des personnes sont identifiables dans le champ de la caméra, il faut obtenir leur consentement. Par ailleurs, il ne faut filmer que le chantier concerné et pas les bâtiments voisins. Si ce cadre légal est respecté, le drone peut photographier et filmer à sa guise...
Pierre-André SIEBER