A l'occasion de la fête de l'Assomption, hier, Monseigneur Genoud a tenu à s'exprimer. Lucide sur la gravité de sa maladie, l'évêque se dit en «fraternité» avec les autres malades. Il revient aussi sur sa décennie passée à la tête du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg.
Bien qu'affaibli par la maladie, comme en témoigne la canne qui ne le quitte plus, Mgr Bernard Genoud continue de diriger le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. C'est le message principal qui ressort des entretiens qu'il a accordés à plusieurs médias romands à l'occasion de la fête de l'Assomption, hier.
Dans sa tenue de ville, l'évêque reçoit au Home de La Providence, en Basse-Ville, dans une chambre décorée avec soin où sont disposés ses propres meubles. Devant lui, ses instruments de travail posés sur la table basse: un calepin et un natel, qui lui permet de rester en contact étroit avec l'équipe de l'évêché.
Après avoir repris des forces et exclu de démissionner, le prélat est d'attaque pour évoquer le cancer qui le ronge et la perspective de la mort, mais aussi la tourmente dans laquelle est plongée l'Eglise et les affaires qu'il a eu à affronter au cours d'une décennie d'épiscopat. Entretien avec un homme qui a tantôt le ton grave et la voix éraillée, tantôt l'oeil pétillant et le sourire aux lèvres.
Au terme de dix ans d'épiscopat, force est de constater que rien ne vous a été épargné: affaires de moeurs, financières, etc.
Ça a été dix ans difficiles, de souffrance. Ces affaires me touchent beaucoup en ma qualité de Père évêque. Je suis le père de mes prêtres, le père de famille. Et quand un enfant a des problèmes, toute la famille est atteinte. Cela m'a aussi beaucoup préoccupé. C'est pourquoi nous avons essayé tous les moyens. Par exemple, nous avons créé il y a deux ans la commission SOS Prévention pour traiter ces affaires. Nous avons joué un rôle pionnier, puisque chaque diocèse doit maintenant en faire autant.
A votre entrée en fonction, étiez-vous préparé à cela?
Non, je n'avais pas cela en tête. J'aimais bien ce que je faisais au Séminaire. Non, je n'avais pas la moindre idée de ce qui m'attendait. J'étais vraiment loin de tout cela!
La commission SOS Prévention a eu beaucoup de cas, puis de moins en moins. L'abcès est-il crevé?
Oh mon Dieu, j'aimerais bien! Cela a permis de déblayer le terrain de manière remarquable, mais est-ce que tout le terrain est purifié? Je n'en sais trop rien. J'ose espérer que oui. Je précise que certaines personnes qui ont témoigné n'étaient pas de notre diocèse et venaient de bien au-delà, mais elles avaient besoin de parler et d'être reconnues comme victimes de faits parfois anciens. Il y a eu entre vingt et trente témoignages, mais ça ne fait pas autant de cas. Parfois la commission doit encourager la personne à saisir la justice civile et parfois elle l'aide à comprendre qu'il est préférable de passer par le pardon, le «don par-dessus», plutôt que par un tribunal, pour un cas prescrit.
Votre point de vue sur la liste noire imaginée pour les hommes d'Eglise traînant une affaire d'abus sexuels?
C'est une bonne chose. Il faut rappeler qu'il y a le droit canon, celui de l'Eglise, et le droit civil. Le premier est plus sévère, ce qui est bien, parce qu'il n'y a pas de prescription sur le plan moral. Le pape a serré la vis en demandant que tous les cas soient signalés à Rome, preuve qu'il prend cela très au sérieux.
L'Eglise est sévèrement jugée, ces temps, sur le plan de la morale...
L'Eglise ne fait pas fausse route, mais que voulez-vous, on l'attaque de partout. Il y a une sorte de petit martyre de l'Eglise. Autrefois, c'étaient les lions, aujourd'hui c'est parfois la presse!
Quelle en est la raison?
On vit peut-être une crise d'adolescence. Le christianisme a 2000 ans et vous ne changez pas les mentalités en vingt ans. Il faut de la patience.
Dans votre lettre ouverte, vous en appeliez à la confiance. Comment faire, après l'affaire de l'abbé T. destitué?
Je donne confiance en étant présent, au service de ce diocèse et de l'Eglise. C'est en étant présent et en dirigeant ce diocèse que les gens comprennent que je reste leur Père évêque. Et en ce qui concerne l'affaire de l'abbé T., je ne peux que redemander aux paroissiens de faire confiance. Les responsables du diocèse agissent au plus près de leur conscience et je peux vous dire que les récentes lettres de lecteurs qui attaquent mon opinion ne sont tout simplement pas au fait du dossier...
Vu votre disponibilité limitée, que déléguez-vous plus qu'avant?
Certaines rencontres. Je reçois une foule de demandes de personnes qui aimeraient me voir. Il ne m'est pas possible de rencontrer 650 000 catholiques. Par exemple, quelqu'un qui aimerait changer de lieu de travail. Il devrait en principe en parler d'abord à son vicaire épiscopal, mais enfin, certains veulent me parler, je le comprends.
Rencontres au bistrot, catéchèse à la cathédrale, démarrage des unités pastorales: vous avez soigné la proximité. Or, vous ne pouvez plus aller sur le terrain...
Non, mais nous nous sommes réparti les tâches, avant ma maladie. Pour ce qui est des unités pastorales, Mgr Berchier en est responsable. Pour ce qui est de la gestion des dossiers à l'évêché, c'est Nicolas Betticher qui s'en charge.
On reparle aussi des fusions de paroisses avec un encouragement possible dès cet automne...
Des fusions de communes, soutenues financièrement par l'Etat, sont des réussites. De même, des fusions de paroisses seraient une bonne chose dans certains cas. Ça dépend du lien spirituel entre les paroissiens. Mais là où des paroisses ont plus d'argent que d'autres, le partage serait difficile.
C'est à bien plaire, ces fusions de paroisses? C'est le bien de la pastorale qui compte. Si ça peut aider, pourquoi pas? Mais je ne dirais pas «il faut». Du reste, imposer n'est pas mon style. J'ai toujours travaillé en recherchant le consensus, jusque dans le conseil épiscopal. On prend nos décisions dans le consensus pratiquement total.
Pascal FLEURY
Sébastien JULAN