Près de 2500 personnes sont venues samedi afficher leur attachement viscéral à la bière fribourgeoise et au maintien de sa fabrication sur place. Un beau succès quand on sait que la manifestation, organisée par les 75 employés de Cardinal et le syndicat Unia, avait été annoncée la veille. Parmi les personnes présentes, le gratin politique. Mais aussi beaucoup de jeunes. L'effet facebook, très certainement: le groupe de soutien, initié par les jeunes démocrates-chrétiens, réunit plus de 23 000 membres.
C'était jaune de monde samedi après midi devant la Brasserie du Cardinal. Près de 2500 personnes sont venues afficher leur attachement viscéral à la bière fribourgeoise et au maintien de sa fabrication sur place, et parmi eux énormément de jeunes. Un beau succès pour une manifestation qui n'a été lancée que la veille, à l'initiative des 75 employés menacés et du syndicat Unia. On est très loin toutefois des 10 000 Fribourgeois qui étaient descendus dans la rue en 1996 pour sauver une première fois la brasserie.«Cardinal, c'est Fribourg, au même titre que la bénichon, le Ranz des vaches ou Gottéron», a lancé à la tribune le président du Parti socialiste suisse Christian Levrat. Une phrase qui résume bien le sentiment général qui animait les 2500 manifestants présents, selon les estimations conjointes des organisateurs et de la police.
«Notre cathédrale»
«Grâce à vous, on relève la tête», a déclaré René Fragnière, le président de la commission ouvrière. «C'est comme si le ciel nous était tombé sur la tête mardi matin» à l'annonce de la fermeture de la brasserie. L'abattement des premiers moments a toutefois cédé la place à la volonté de se battre en voyant cette vague de soutien qui a déferlé. «Ça fait chaud au coeur. Je sens votre enthousiasme derrière nous pour continuer le combat.»Un combat pour un breuvage cher au coeur et au gosier des Fribourgeois depuis 222 ans. «Cette belle histoire, on ne veut pas qu'elle s'arrête, qu'elle soit gâchée par quelques Danois qui ne connaissent absolument rien à Fribourg», a lâché René Fragnière. Avant d'inviter les participants à se tourner «vers notre cathédrale» et sa tour de brique pour trinquer à la santé de la brasserie menacée.A la tribune, syndicalistes et politiciens se sont succédé. Le conseiller national démocrate-chrétien Dominique de Buman en a appelé à l'unité dans la lutte: «Il s'agit de sauver des emplois, de la dignité de Fribourg.» Pour sa collègue chrétienne-sociale, Marie-Thérèse Weber-Gobet, il faudra faire comprendre au brasseur danois que «les hommes ne sont pas des marchandises».Les politiciens fribourgeois se sont déplacés en nombre samedi, surtout ceux de gauche. Outre les trois orateurs cités, il y avait là le conseiller aux Etats socialiste Alain Berset, son camarade conseiller national Jean-François Steiert. Les deux conseillers d'Etat socialistes, Anne-Claude Demierre et Erwin Jutzet, étaient présents dans la foule «à titre personnel».
Les jeunes en force
Quatre des cinq conseillers communaux de la ville de Fribourg avaient fait le déplacement. Seule Marie-Thérèse Maradan Ledergerber manquait à l'appel. Le syndic Pierre-Alain Clément est monté à la tribune pour manifester le «soutien sans réserve» des autorités de la ville aux actions menées par les employés de Cardinal. Dans la foule, Alain Berset ne s'est pas gêné de glisser une petite pique à l'endroit des absents. «Si on ne se mobilise pas pour Cardinal, c'est à se demander ce qu'on pourrait faire de mieux cet après-midi», confie-t-il. Et de se réjouir de la masse des jeunes présents: «Cela montre que cette identification à la marque, ça n'intéresse pas que les anciens qui ont connu les grandes heures de la brasserie.»
«Restez mobilisés!»
Cette forte mobilisation des jeunes, on la doit sans doute à Facebook et au groupe de soutien qui réunit plus de 23 000 membres, initié par les Jeunes démocrates-chrétiens. De quoi réjouir leur président Emmanuel Kilchenmann: «On voit que les jeunes sont attachés à cette identité fribourgeoise.» Il ne peut toutefois s'empêcher d'ironiser sur la versatilité du monde politique: «C'est les mêmes qui disaient que c'était cuit mardi et qui prennent aujourd'hui la parole. Ils doivent voir la foule pour commencer à se battre.»Quant à Armand Jaquier, secrétaire régional du syndicat Unia, il a apprécié du haut de la tribune: «Tout ce monde réuni en 24 heures, c'est extraordinaire. C'est un premier pas aujourd'hui. Mais il y aura encore des échéances difficiles et il faudra rester mobilisés.» Une capacité de mobilisation que la foule a pu continuer à cultiver en s'humectant le gosier à la Cardoche.
Philippe CASTELLA