Le ministre de la Défense, le social-démocrate Norbert Darabos, a annoncé son soutien indéfectible à une «armée nouvelle». Un référendum pourrait être organisé cet été
Farouchement attachée à sa neutralité et son régime de conscription, l’Autriche est rattrapée par le débat sur une armée de métier. Vieux serpent de mer de la politique autrichienne, le thème de la professionnalisation a resurgi avec l’arrivée au pouvoir en 2008 d’une hétéroclite grande coalition entre les deux principaux partis du pays, les éternels rivaux sociaux- (SPÖ) et chrétiens-démocrates (ÖVP).
C’est le ministre de la Défense, le social-démocrate Norbert Darabos, qui a mis les pieds dans le plat, en annonçant son soutien indéfectible à une «armée nouvelle (Bundesheer neu)», débarrassée de ses appelés, à l’instar de la décision prise par la Suède en 2010, avant la Serbie en 2011, et peut-être l’Allemagne, qui s’interroge également sur l’abandon du service obligatoire.
Le salaire net des soldats de métier autrichiens, 13 000 au total, s’élèverait à 1700 euros par mois, plus une prime de 600 euros par mois en mission extérieure. Une milice de 31 000 volontaires chargée de la défense du territoire serait créée, les participants recevant un pécule de 5000 euros par an sur dix ans.
La proposition de Norbert Darabos, la numéro 3 parmi les sept présentées la semaine passée, fait des remous au sein de la classe politique. Chez les conservateurs, l’opposition est vive. Le vice-chancelier et ministre des Finances, Josef Pröll, et son collègue aux Affaires étrangères, Michael Spindelegger, affichent leur hostilité, rejoints par le président de la République, le social-démocrate Heinz Fischer.
Probable référendum
Le SPÖ paraît cependant beaucoup plus ouvert au changement: le chancelier Werner Faymann et l’influent maire de Vienne, Michael Häupl, ont assuré Norbert Darabos de leur soutien, invoquant le recours à un référendum populaire sur la question. Le ministre de la Défense espère que les conservateurs et les sociaux-démocrates pourront s’entendre sur une formule de compromis, avant de chercher l’aval du parlement. Faute de quoi le peuple autrichien pourrait être sollicité par référendum dès cet été, afin de choisir entre deux modèles: celui d’une armée de métier s’appuyant sur une milice de volontaires, ou le maintien du service obligatoire.
Dans les cercles militaires, la réforme Darabos dispose de relais de poids. L’ancien responsable de la stratégie de la Bundesheer, Gerald Karner, assure qu’une telle réforme permettrait d’économiser beaucoup d’argent. «Actuellement, relève-t-il, nous consacrons 400 à 500 millions d’euros par an dans la formation des appelés», qui dure six mois. Or, «l’appelé, après sa formation, n’est plus jamais utilisé, renchérit un ex-haut responsable du Ministère de la défense, Erich Reiter. Tout homme politique qui affirme que le service militaire obligatoire a encore un sens n’a rien compris au problème».
Le corps des officiers reste pourtant très divisé, lui aussi: l’actuel chef de l’état-major, le général Edmund Entacher, reste farouchement opposé à tout changement, convaincu qu’une armée de métier, sur le long terme, coûterait plus cher que le service obligatoire.
Maurin Picard