Clé de bras démocratique autour des médecines complémentaires
Cinq médecines complémentaires seront donc à nouveau remboursées par l’assurance de base durant une période de probation de cinq ans (LT du 13.01.2011 ). Pourquoi pas? Didier Burkhalter a pris une décision politique: ne rien répondre au vote de 70% de la population n’était plus tenable. Dans le même temps, il a supprimé le remboursement des lunettes, dispositif pourtant clairement efficace. Pas davantage que ses prédécesseurs, il n’envisage de rembourser la médecine préventive, à l’efficacité elle aussi archi-prouvée. La population lui tord le bras pour qu’il considère en priorité les médecines complémentaires: que voulez-vous qu’il fasse?
Certes, notre ministre a voulu sauver à tout prix la LAMal et son exigence que l’efficacité soit le critère cardinal (à côté de l’adéquation et de l’économicité) du remboursement d’une prestation. Comme les médecines complémentaires, par définition, ne remplissent pas cette exigence (sinon elles cesseraient d’être complémentaires), plutôt que de modifier la loi, il a décidé leur remboursement immédiat en leur donnant – joli prétexte diplomatique – cinq ans pour prouver qu’elles y satisfont.
Mais pourquoi ces cinq-là et pas d’autres? En raison de la puissance de leurs lobbys? Ensuite, comment, durant ces cinq ans d’évaluation, les indications et limitations de ces thérapies seront-elles définies? Puisque les manières scientifiques de faire, celles qui ont cours en médecine, n’ont, par décision démocratique, pas à donner leur avis, qui devra se prononcer? Le rôle des approches alternatives de la souffrance, non contrôlées, non scientifiques, est incontestable. Mais la population veut à tout prix les institutionnaliser, ce qui ne change rien au fond: elles relèvent de la croyance, non de la science.
Les médecines complémentaires garantissent l’efficacité. La médecine scientifique donne l’efficacité pour statistique et grevée d’effets secondaires. Dans les premières, les principes sont facilement compréhensibles, les causes des pathologies claires, les remèdes définis une fois pour toutes. Dans la seconde, rien n’est assuré, les théories sont falsifiables, les traitements changent sans cesse, jusqu’à la contradiction. Les premières n’ont pas besoin de preuves, la seconde repose sur leur quête.
On comprend que la population fasse des premières une vérité. Seulement son pouvoir n’est pas sans limites: elle ne peut pas changer les lois de la nature ni adapter la science à ses désirs. Décréter par votation que les médecines complémentaires sont efficaces, c’est un peu comme voter contre le réchauffement climatique. C’est croire que la réalité est la chimère rassurante et obéissante que nous aimerions qu’elle soit.
* Rédacteur en chef
de la «Revue médicale suisse».
Bertrand Kiefer