Diclofénac, ibuprofène, naproxène et quatre autres analgésiques exposent quatre fois plus les patients âgés à l’infarctus du myocarde ou à l’accident vasculaire cérébral. C’est ce qu’ont établi des chercheurs de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne. Parmi les substances les plus dangereuses, on trouve le diclofénac vendu sous le nom de Voltaren et l’étoricoxib, commercialisé sous l’appellation Arcoxia. Ce dernier fait polémique en France où l’on demande son retrait.
Le plus connu a pour nom Voltaren. Et sa substance analgésique, le diclofénac, a déjà soulagé les douleurs de millions de patients en Suisse et dans le monde. Pourtant, avec cette molécule ainsi qu'avec six autres anti-inflammatoires, la plus grande prudence est de mise, si l'on en croit une étude de l'Institut de médecine sociale et préventive de l'Université de Berne. Menées par l'équipe du professeur Peter Jüni, ces recherches concluent à la dangerosité de ces médicaments pour les personnes âgées en cas de prise régulière (lire interview ci-dessous). Comparés à un placebo (comprimés de farine), ces anti-inflammatoires multiplient par quatre le risque d'infarctus du myocarde ou d'accident vasculaire cérébral (AVC).Le professeur Peter Jüni et ses chercheurs se sont concentrés sur les anti-inflammatoires les plus courants: naproxène, ibuprofène, diclofénac ainsi que quatre nouvelles substances dérivées des «coxib», que l'on nomme dans le jargon «anti-inflammatoires non stéroïdiens» (AINS). Inhibiteurs d'une enzyme responsable des inflammations, ils sont censés agir de manière plus spécifique et causer moins d'effets indésirables que leurs «ancêtres». Ce que contredit toutefois la présente recherche.
Patients âgés surtout
Ces médicaments sont souvent administrés à des patients âgés qui, en plus de souffrir de problèmes aux muscles et aux articulations, ont également des soucis cardiovasculaires. Comme l'ont établi les travaux de l'équipe bernoise portant sur les données de 116 429 patients et englobant 31 études préexistantes, la prise de diclofénac et d'étoricoxib expose au risque le plus important. Sous certaines formes et dosages, le premier est cependant en vente libre et le second, vendu sous l'appellation Arcoxia, a été autorisé en Suisse l'an dernier.Travaillant sur le sujet depuis 2006 déjà, les scientifiques bernois ont vu juste. En France, en plein scandale du Mediator qui a débouché sur 116 plaintes, l'Arcoxia vient d'être dénoncé par la revue indépendante «Prescrire». Le député socialiste Gérard Bapt, cardiologue de formation, s'est associé à cette dénonciation à cause des risques cardiovasculaires auxquels il expose les patients. Ce remède est malgré tout encore remboursé dans l'Hexagone, comme en Suisse d'ailleurs. La molécule de l'Arcoxia est proche d'un autre anti-inflammatoire à scandale, le Vioxx. Son fabricant Merck avait été contraint de le retirer en quatrième vitesse en 2004 pour les mêmes risques cardiovasculaires qu'il faisait courir aux patients. Tiens, tiens: la molécule du Vioxx était un AINS de la famille des «coxib», le rofécoxib... également épinglé par l'équipe du professeur Jüni.
Naproxène: c'est mieux, mais...
Parmi les molécules évaluées par les chercheurs de l'Institut de médecine de l'Université de Berne, le naproxène présente «le profil de risque le plus avantageux», mais les effets secondaires sur l'estomac sont considérables. Mal aux articulations ou à l'estomac, il faut donc choisir...Et les autres anti-inflammatoires existant sur le marché? Les données fiables concernant la sécurité cardiovasculaire - notamment sur les AINS de nouvelle génération - sont hélas trop peu nombreuses ou inexistantes. Selon l'équipe de Peter Jüni, il serait erroné d'en conclure que les autres analgésiques sont sans effets secondaires. La retenue est donc de mise pour tous les médicaments de la classe des AINS.