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samedi 12 février 2011

«Un plastique à partir de sucre, qui évite complètement le pétrole»

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Ton Büchner, directeur général de Sulzer


Le Temps: Vous avez récemment publié que vos commandes ont grimpé de 9% en 2010. Est-ce un bon signal pour cette année?

Ton Büchner: L’an dernier a certainement été meilleur que ce que nous avions anticipé. Les facteurs économiques fondamentaux sont plus positifs qu’il y a quelques mois. Pour 2011, nous prévoyons que les secteurs de début de cycle continueront de croître, même si cela risque d’être à un rythme moins élevé. Cela concerne l’automobile, l’industrie des pâtes et papiers, ainsi que l’aviation. Les secteurs de fin de cycle, comme les hydrocarbures et l’énergie, resteront dans une situation difficile. En revanche, les industries gazière et pétrolière pourraient légèrement se redresser.

– Le prix du pétrole a passablement augmenté récemment. Quel est l’impact sur vos clients et vos affaires?

– Les décisions d’investir deviennent plus faciles quand le prix du pétrole est élevé. Cela signifie pour nous que les commandes augmentent. Mais cela ne se produit pas du jour au lendemain. Entre un prix élevé du pétrole et la décision de construire une plate-forme, il faut compter sur un délai de six à douze mois au minimum. En revanche, pour les raffineries, lorsque le prix du pétrole augmente, cela provoque une hausse des prix des matières premières et de leurs coûts de production. Elles sont alors plus réticentes à faire des investissements. Au final, pour Sulzer, un prix élevé du pétrole n’est pas mauvais.

– Comment voyez-vous l’évolution du prix du pétrole?

– Je ne peux pas faire de prédiction, mais plusieurs tendances se juxtaposent. Les gros puits de pétrole commencent à devenir vieux, ils meurent petit à petit. La demande de pétrole de la Chine, de l’Inde et d’autres pays émergents continuent de croître. Du coup, même si de nouveaux puits sont trouvés, cela ne signifie pas que les capacités augmentent. Elles compensent au mieux le déclin de la production des vieux puits de pétrole.

– Vous ne voyez donc pas le prix de l’or noir diminuer.

– Non, pas de manière significative à court terme, au vu de la conjoncture actuelle. Cela peut toutefois changer en cas de récession.

– Le pire désastre pétrolier s’est déroulé l’an dernier avec BP. Qu’est-ce que cette catastrophe a changé dans l’industrie des équipements pétroliers dont vous êtes un acteur?

– Aucun équipement de Sulzer n’était impliqué dans cette catastrophe. Lorsqu’elle s’est produite, beaucoup de nos clients ont estimé que les règlements en vigueur allaient changer. Du coup, ils ont fait des commandes plus rapidement. Cela a été positif pour nous. D’autres clients ont préféré attendre les nouveaux règlements. Nous voyons aujourd’hui que les changements majeurs concernent principalement le forage. Pour Sulzer, l’impact est donc très limité.

– Investissez-vous encore dans les économies matures ou privilégiez-vous complètement les BRIC?

– Nous sommes très bien établis au Brésil, en Russie, Inde et en Chine et poursuivons nos investissements. Quand nous choisissons d’investir dans les pays occidentaux, c’est pour augmenter l’efficience énergétique, protéger davantage l’environnement et améliorer les compétences. Il ne s’agit jamais d’augmenter les capacités de production, contrairement à ce que l’on fait dans les pays émergents.

– Comment voyez-vous le développement des BRIC?

– La Chine veut accroître la consommation intérieure et réalise des investissements pour la stimuler, afin de devenir moins dépendante des exportations. Elle s’attache désormais à développer l’ouest du pays. En même temps, ce pays est en proie à une forte poussée d’inflation et le gouvernement doit la maîtriser.

En Inde, il existe une forte activité pour construire davantage d’infrastructures, comme les centrales électriques. Ce pays n’est pas au même stade que la Chine, mais il investit très agressivement pour sa croissance. Quant au Brésil, sa situation est particulière: il dispose de plus de ressources naturelles que l’Inde et la Chine, d’un secteur manufacturier et d’une agriculture développés, ainsi que d’une consommation intérieure en plein essor. De son côté, la Russie est très dépendante des ressources naturelles, contrairement à la Chine. Son secteur manufacturier est peu développé et le gouvernement fait des efforts pour le stimuler, afin de diminuer sa dépendance aux ressources naturelles.

Pour Sulzer, tous ces marchés sont importants, car ils sont en croissance. Ils ont besoin d’électricité, de raffineries, de plastique, d’équipements automobiles et d’avions, soit des secteurs dans lesquels nous sommes actifs.

– Ne craignez-vous pas un ralentissement de l’économie chinoise?

– La Chine restera le moteur de la croissance mondiale durant les prochaines années, tout comme l’Inde, le Brésil et la Russie. Mais le gouvernement se trouve face à deux défis: développer un marché de consommation intérieure et la partie ouest du pays. La manière avec laquelle il y parviendra déterminera si la croissance est durable ou non.

– Beaucoup d’entreprises suisses souffrent en raison du franc fort pour exporter leurs produits. Est-ce un problème pour Sulzer?

– Non, nous sommes naturellement protégés contre les fluctuations de change, dans la mesure où nous vendons ce que nous produisons dans la même devise. Nous ne ressentons pas réellement de pression sur les marges, contrairement aux entreprises qui vendent en euros et produisent en francs suisses, par exemple.

– Lors de l’entrée de Viktor Vekselberg dans le capital de Sulzer, tout ne s’est pas déroulé de la plus belle des manières. Récemment, votre principal actionnaire a accepté de payer 3,3 millions de francs pour éviter un procès. Est-ce un problème pour vous en tant que directeur général d’avoir ce genre d’actionnaire?

– Sulzer n’était pas impliquée directement. Ce cas concerne Ronny Pecik, Georg Stumpf et Viktor Vekselberg. Le gouvernement suisse a réglé cette affaire, elle est donc terminée. Pour Sulzer en tant qu’entreprise, Viktor Vekselberg constitue un actionnaire qui en détient 31%. Nous respectons le fait qu’il possède une partie de l’entreprise. Il compte aussi deux représentants très qualifiés au conseil d’administration et nous travaillons ensemble de manière constructive. De mon côté, je m’occupe avant tout de diriger les activités de l’entreprise.

– A plusieurs reprises, Viktor Vekselberg a dit vouloir ouvrir les portes de la Russie à Sulzer. Pour l’instant, cela ne semble pas être le cas. Pourquoi?

– Renova (ndlr: entreprise détenue par Viktor Vekselberg) et Sulzer ont progressé ensemble sur le marché russe. Sulzer a investi davantage dans ce pays pour ouvrir de nouveaux sites et avons envoyé des experts. Nous avons enregistré des résultats. En 2010, nous avons bénéficié de la collaboration de Renova pour certains projets, notamment dans le domaine des turbines. Cela a été positif pour Sulzer. Mais la Russie est un marché difficile et nous ne pouvons pas en attendre une croissance très rapide.

– ABB, un de vos clients, a rencontré des problèmes en Russie en raison de pratiques commerciales particulières. Quelles difficultés rencontrez-vous dans ce pays?

– Il s’agit d’une combinaison de facteurs. Tout d’abord, il existe un nombre important de concurrents russes locaux très bien établis sur leur marché. Ils ont l’habitude de traiter avec leurs clients et possèdent des connexions avec toutes les parties prenantes depuis longtemps. Dans toutes nos divisions, nous devons faire face à des acteurs russes difficiles à concurrencer. Ensuite, le second pro­blème concerne les pratiques commerciales. Nous avons notre propre règlement de conduite qui est en vigueur dans tous les pays où nous sommes actifs. Parfois, en Russie, comme dans d’autres pays, nous avons refusé de participer à des appels en raison de pratiques commerciales que nous ne pouvons pas cautionner. Cela n’a pas posé de problème à Viktor Vekselberg.

– Parlez-vous ici de corruption?

– Je parle ici de compliance en général.

– Le succès de l’industrie suisse réside souvent dans son portefeuille d’innovations. Quelles sont celles, récentes, qui marchent le mieux pour Sulzer?

– Nous avons inventé un revêtement de carbone pour les bagues de synchronisation qui se place dans les boîtes à vitesse des automobiles. Quand vous changez de vitesse, le boîtier doit rester stable pendant une seconde afin de synchroniser la vitesse avec les roues. Ainsi, nous sommes parvenus à améliorer la synchronisation. La consommation d’essence diminue et le poids des bagues de synchronisation peut être divisé par deux. Notre revêtement de carbone a rencontré un succès incroyable dans le marché, non seulement auprès de grands fabricants allemands, mais également auprès de sociétés asiatiques comme Tata. Par ailleurs, nous avons mis au point l’an dernier un nouveau processus de production de plastique biologique à partir de sucre qui résiste à une température de 200 degrés. Il permet
de se passer complètement de pétrole.

*Interview réalisée fin janvier

Daniel Eskenazi
Le Temps