En politique, quand la duplicité se voit trop, elle n’est plus que de la bêtise. La preuve par les débats sur l’UE, les rémunérations abusives ou la sortie du nucléaire.
On ne sait pas si c’est du lard ou du cochon, pardon, du soja ou du concombre, s’il faut en rire ou grincer des dents. Mais certains jours, le théâtre politique montre plus crûment son insignifiance foncière, sa misérable insincérité.
Avec, par exemple, le débat exigé au Conseil des Etats par l’UDC sur la nécessité tellement urgente de retirer la demande d’adhésion de la Suisse à l’Union européenne. Sauf évidemment, comme l’a rappelé Micheline Calmy-Rey, à la manière sèche qui est la sienne, que «formellement il n’y a jamais eu de demande d’adhésion» et que d’ailleurs à Bruxelles, «plus personne ne s’en souvient».
On ajoutera dans la foulée qu’il ne reste en Suisse plus qu’un ramassis de braves — 18% — à souhaiter encore intégrer l’UE. Une déroute qui doit moins sans doute à l’UDC qu’à l’Europe elle-même. N’empêche, retirer une demande qui n’a pas été faite, dont personne ne se souvient et que plus personne ne souhaite, il faut s’incliner devant ce tour de force. Est-on plus bête? Est-on plus faux? Est-on plus lourd?
Ou prenez Eveline Widmer-Schlumpf dont il apparaît de plus en plus que son vote pour la sortie du nucléaire fut motivé d’abord par sa volonté de s’attirer les sympathies de la gauche, à l’orée d’une réélection périlleuse en décembre 2011. Ce qui s’appelle avoir des convictions aussi épaisses qu’une feuille de laitue et une vision aussi vaste qu’un germe de soja.
Ou alors cette Suisse qui a mal à ses PEP (politically exposed persons), les dictateurs ou hauts fonctionnaires corrompus déposant le produit de leurs rapines dans nos belles banques. Sans parler — c’est nouveau, ça vient de sortir, merci Cohn-Bendit — des noisettes cachées chez nous par des citoyens d’Etats parfaitement démocratiques mais quasiment en faillite comme la Grèce.
Pourtant, entre la place financière et le pouvoir politique, on se joue des valses à deux, trois et mille temps, suivant la conjoncture. On ferme les yeux tout en faisant mine de les rouvrir au gré du vent — quand le dictateur est à terre. Sinon, on se réfugie derrière un droit international au dos large qui empêche toute action, fut-ce contre le pire des dirigeants. Et l’on on va répétant que l’on a compris la leçon, reçu le message, qu’on ne le refera plus, et que l’argent sale finalement est plus dangereux qu’autre chose pour la Suisse.
Des salades bien sûr. Dans la réalité l’argent continue à n’avoir ni odeur ni provenance. La seule consolation c’est que les accusateurs de la Suisse ne valent guère mieux. Où donc s’est tenu le Forum Mondial pour la transparence fiscale — 101 pays sous l’égide l’OCDE — et qui a fustigé la Confédération pour sa propension aux forfaits fiscaux trop généreux? Aux Bermudes! Autant, ricane le directeur de la rédaction de «Marianne» Laurent Neumann, «imaginer à Macao un forum mondial sur la mafia des jeux ou, à Bogota, un symposium international contre les trafics de drogue».
Enfin, un sport fédéral particulièrement lamentable continue de se pratiquer avec une constance qui force, si ce n’est le respect, du moins la résignation atterrée: la pratique consistant sous la coupole à repousser le plus longtemps possible une votation dont le résultat évident déplaît à la majorité.
On vient de le voir avec l’initiative Minder sur les rémunérations abusives, dont toutes les enquêtes montrent qu’elle ferait actuellement un carton dans les urnes. Les chambres ont donc tout entrepris jusqu’ici pour repousser et repousser encore les débat préliminaires et renvoyer toute la procédure à plus tard. Résultat: toujours rien à l’agenda.
Mieux vaut n’est-ce pas attendre que le peuple soit de meilleure humeur, se montre moins révulsé par les pratiques des top managers à la Ospel ou à la Vasella, bref moins vachard avec ses élites.
Ce qui s’appelle prendre les gens pour des concombres.
Nicolas Martin