Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

dimanche 27 novembre 2011

«Pourquoi je suis devenu athée à 80 ans»

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Michel Bavaud chez lui à Treyvaux: «On nous dit que la terre et le ciel chantent la gloire de Dieu. Mais alors pourquoi les tsunamis, les tremblements de terre qui tuent des milliers de personnes?» Vincent Murith




Engagé toute sa vie dans l’Eglise, l’écrivain Michel Bavaud s’est découvert une vocation d’incroyant sur le tard. L’aboutissement d’un long cheminement qu’il raconte dans son ouvrage «Dieu, ce beau mirage».

«Je n’ai pas envie d’être un renégat, mais de dire ce en quoi je crois actuellement.» A presque 80 ans, l’écrivain Michel Bavaud s’est senti «obligé» de partager ce qu’il avait sur le cœur: il ne croit plus en Dieu! Son dernier ouvrage «Dieu, ce beau mirage»1, qui paraît cette semaine, lui a permis de «sortir du brouillard», même s’il a longtemps hésité à le publier, vu ses nombreux engagements passés dans l’Eglise. «J’ai extirpé un souci qui me rongeait. Je l’ai fait pour moi. Je ne me sens pas missionnaire, je n’ai envie de convertir personne, ni de critiquer ceux qui croient encore», souligne-t-il. Rencontre à son domicile, une ancienne ferme sur les hauts de Treyvaux.

Toute votre vie, vous avez été très engagé dans l’Eglise. Et voilà que vous doutez de Dieu?

Michel Bavaud: Il y a longtemps que je me sentais mal à l’aise. Cela a commencé quand Rome a affirmé que les prêtres ouvriers faisaient fausse route et que le pape Pie XII les a condamnés, en 1954. Cela m’a paru complètement scandaleux, dans la mesure où l’Eglise acceptait les prêtres professeurs, journalistes et même directeurs de banque, mais pas ouvriers d’usine. Pour une fois que des prêtres s’engageaient dans ce milieu prolétaire, et qu’ils donnaient la parole aux plus petits, Rome s’y opposait. Mon père avait lui-même été chômeur, ce souvenir est resté en moi une blessure. Depuis cette affaire, j’ai eu des doutes sur l’Eglise. Je me suis dit que l’Eglise se trompait, mais que Dieu me restait, intact. Cette espérance et cet amour m’importaient.

Est alors arrivé le Concile Vatican II. Un espoir pour vous?

Un immense espoir! On parlait des fidèles comme du «peuple de Dieu». Le pape lui-même devenait le «serviteur des serviteurs de Dieu». J’ai lu les textes du concile avec admiration. Il y avait vraiment du changement. J’ai imaginé que dans quelques années, on aurait des femmes prêtres, que l’œcuménisme serait réalisé, qu’on ne se bagarrerait plus pour quelques dogmes que personne ne comprend. Je croyais que l’Eglise, porteuse d’un message extraordinaire, allait s’ouvrir, se magnifier. Que cela allait avancer, même si c’était au pas de procession. Or c’est le contraire qui est arrivé.

Vous vous êtes alors senti peu à peu trahi?

J’ai vu que l’Eglise se trompait lourdement sur les décisions qu’elle prenait. Que les avancées promises ne venaient pas, ni avec Jean-Paul II, qui avait été pourtant autrefois un homme plein d’entrain, plaisant, sportif, n’hésitant pas à embrasser les filles, ni avec Benoît XVI, qui avait été un ami de Hans Küng dans sa jeunesse et dont certains textes ouverts m’avaient fait vraiment plaisir. Ce sont surtout leurs encycliques qui ne me convenaient pas, sur le plan dogmatique. On y trouvait des références bibliques qui ne veulent plus rien dire à notre siècle. J’ai presque eu envie de dédier mon livre à Joseph Ratzinger pour le remercier de m’avoir aidé à devenir incroyant!

Vous dites ne plus croire en Dieu. Mais en fait, on peut être en désaccord avec l’Eglise sans perdre la foi pour autant…

Pour moi, c’est une conviction. Si je vais plus loin que divorcer de l’Eglise, et que je renonce à croire en Dieu, c’est parce que l’Eglise se cramponne à des textes qui n’ont plus le sens d’une «vérité» pour moi. On dit aux offices: «Parole du Seigneur.» Non! Ce ne sont que des paroles d’hommes, aussi respectables soient-elles. Les Ecritures, je les lis toujours avec amitié et passion. Comme je lis Socrate ou Montaigne. «Le Cantique des cantiques», c’est magnifique. Peut-être que Baudelaire s’en est inspiré. Je relis aussi volontiers les Psaumes. Je reste de la bande à Jésus. Ce qu’il a dit est formidable. Mais comment l’Eglise peut-elle continuer à dire, par exemple, que le baptême nous lave du péché originel? Ces petiots qu’on baptise, qu’ont-ils fait de mal? Faut-il qu’ils soient condamnés d’avance? On nous dit que le mal est arrivé par la faute des hommes. J’aime bien les explications d’autrefois, avec Adam et Eve… Mais c’est de la poésie! Le mal existait bien avant l’homme. Il est dans la nature. On nous dit que la terre et le ciel chantent la gloire de Dieu. Mais alors pourquoi les tsunamis, les tremblements de terre qui tuent des milliers de personnes? Pourquoi mon gentil chat bouffe les oiseaux?

Pour vous, l’Eglise devrait donc revoir ses textes saints?

Dans la Bible, tout peut être gardé, mais alors comme paroles des hommes. Rome devrait nous dire que ce sont des histoires d’hommes, des histoires révolues et parfois même odieuses! Quand on pense que le plus grand génocide a été voulu par Dieu: le déluge! Dieu, mécontent de la vie des hommes, a décidé de tuer tout le monde, sauf Noé et quelques autres. Il n’y a que les poissons qui s’en sont sortis. C’est de la mythologie. Pourquoi les prêtres ne nous le disent-ils pas en chaire? Cela ne me gêne pas de savoir que Guillaume Tell est un mythe. La symbolique n’en reste pas moins valable pour expliquer la volonté de libération d’un peuple. Bien sûr, parler de mythologie, c’est une remise en question totale, pour l’Eglise… A la messe, on parle de Dieu sauveur, de Dieu rédempteur, comme s’il s’agissait d’une divinité de l’Antiquité. Demandez, vous recevrez… Moi j’ai toujours demandé, il ne m’a jamais répondu.

Faute de croire en Dieu, vous croyez en l’homme, en la nature?

Comme la nature, l’homme est merveilleux quand il est tendresse, amour et bienfaiteur, mais terrible, quand il propose la mort. Qu’il y ait une force supérieure – appelez-la nature –, c’est possible. Mais dans tous les cas, malgré la science, la nature va me tuer. Au fond, c’est pour innocenter le Dieu que j’ai aimé, que j’affirme qu’il n’existe pas. Et je le quitte en bons termes. Si je me trompe, ce sera formidable. Je vais retrouver tous les croyants à ma mort!

Cet athéisme n’est-il pas lourd à porter?

La majuscule, je l’enlève à Dieu pour la mettre à Idéal. La vie n’est pas absurde sans Dieu. C’est fantastique, cette liberté. Mais c’est aussi une responsabilité. Quand j’ai des soucis, je ne peux plus prier Dieu. Ce n’est pas simple. Je pense à ces prêtres âgés, qui ont suivi peut-être le même cheminement que moi, mais qui doivent rester prêtres parce qu’ils ne peuvent faire autrement. Ou à ces religieux, qui perdent la foi avec l’âge, mais ne savent plus où aller. Pour eux, l’athéisme doit être bien lourd à porter. I

1«Dieu, ce beau mirage», Michel Bavaud, Editions de L’Aire, 2011. L’auteur dédicacera son ouvrage le samedi 13 décembre à 17h30 à la librairie Albert le Grand. A 18h30, lecture et rencontre.

Repères

Toute une vie en l’Eglise

> Michel Bavaud est né en 1932 dans une famille catholique en terre vaudoise. Il a accompli 2 ans de séminaire avant de se lancer dans l’enseignement, devenant d’abord directeur de l’ancienne Ecole normale des filles à Fribourg, puis professeur à l’Ecole normale, à la rue de Morat. Il y a été même professeur de religion par intérim. Il a aussi défendu des objecteurs de conscience, ce qui lui a valu d’«avaler pas mal de couleuvres»!

> Engagé dans l’Eglise, il a été conseiller de paroisse à Fribourg et à participé étroitement au projet de construction de l’église Sainte-Thérèse. C’est lui d’ailleurs qui a composé le texte des cloches, gravé dans l’airain. Plus tard, il a aussi été membre du Conseil de communauté de la paroisse de Treyvaux.

> Modérateur du Synode des catholique du diocèse, Michel Bavaud a «tutoyé» plusieurs évêques. Il a beaucoup travaillé avec Mgr Pierre Mamie. Il a été membre d’un conseil pour la catéchèse et de la Constitution ecclésiastique fribourgeoise.

> Membre de la Constituante, il s’est battu pour que l’impôt ecclésiastique soit transformé, souhaitant, mais en vain, qu’une partie de l’impôt puisse être versée à l’œuvre caritative de son choix. «Je suis un Vaudois qui a souffert de l’emprise protestante et j’ai milité pour l’égalité», se souvient-il.

> Depuis sa retraite, Michel Bavaud s’est peu à peu distancié de l’Eglise. Mais il n’en est toujours pas sorti. «Je vais continuer à payer mon dû pour bien montrer que ce n'est pas une affaire de cet ordre-là qui me fait quitter. Je pense d’ailleurs que la paroisse de Treyvaux rend des services. Je continue d’aller parfois à la messe et même de communier. Je n’y vois pas un blasphème: je tends la main aux autres», confie le romancier. Il fêtera ses 80 ans l’anprochain. PFY

«C’est pour innocenter le Dieu que j'ai aimé, que j’affirme qu'il n'existe pas»

Pascal Fleury
La Liberté