Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mercredi 11 janvier 2012

«Take The Money And Run»

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Il n’aura fallu que quelques jours au président de la BNS pour mesurer sa faute, tandis que les élus, garants des institutions, en étaient encore à l’absoudre. Un comble.

Prends l’oseille et tire toi («Take The Money And Run»). Ce titre d’un des premiers films de Woody Allen est devenu un peu le mot d’ordre d’une vilaine pratique dont on pensait notre paysage politique plutôt épargné. A savoir, considérer les hautes fonctions publiques non comme un comme un honneur, non comme une responsabilité, mais comme une occasion de s’en mettre plein les fouilles.

Laisse l’oseille et tire-toi. C’est évidemment aujourd’hui, après tout de même quelques jours d’hésitation peu glorieuse, ce que le président de la BNS Philipp Hildebrand avait de mieux à faire. Lui dont l’épouse, la bien prénommée Kashia, comme on sait, a peut-être profité de sa position pour réaliser une juteuse transaction sur le marché des changes.

Il a été assez rappelé, en long et en large, partout, qu’à ce degré de responsabilité, le soupçon suffit pour que la confiance indispensable à l’exercice du mandat soit irrémédiablement détruite.

On ajoutera ne pas se souvenir, durant le pourtant long règne du précédent président, Jean-Pierre Roth, que semblable soupçon ait jamais ne serait-ce qu’affleuré. C’est donc bien qu’il y avait un problème Hildebrand.

Notons aussi que ce genre de pratiques, profiter de sa fonction pour s’enrichir ou permettre à ses proches de s’enrichir, certes à des échelles autrement considérables, est caractéristique des administrations de type maffieux. C’était par exemple la femme de l’ex-maire de Moscou Iouri Louchkov, utilisant la situation de son mari pour bâtir un empire immobilier colossal.

Dans ces circonstances, que le délateur, ici, n’ait pas été un monsieur quelconque mais le chevalier noir Blocher, n’y change pas grand-chose. Il est assez ahurissant de constater que les partis politiques ont laissé le monopole de la vertueuse indignation à l’UDC. Plus qu’une faute, un cadeau.

On pourra attribuer le pompon de la légèreté à la socialiste Maria Roth-Bernasconi, trouvant «joliment dit» le pourtant plutôt misérable argument, avancé certes sur un ton badin, par Hildebrand: «Nous nous sommes mariés assez tard, elle est économiste et ma femme a une forte personnalité». Mariés tard, cela veut dire quoi? Pas tellement mariés que ça? Pas si proches l’un de l’autre? On était presque prié de faire comme si au fond, Philipp et Kashia avaient peu avoir entre eux et qu’ainsi le conflit d’intérêt, la collusion, l’atteinte à la «compliance», n’étaient finalement pas si avérés.

Quant à «forte personnalité » et «économiste», fallait-il comprendre que ce titre et ce trait de caractère suffisent à justifier l’injustifiable? Comme si aux économistes et fortes personnalités tout était permis? «C’est un couple moderne, il la laisse vivre et ca me plaît», ajoutait pourtant encore Maria Roth-Bernasconi.

Plus sérieusement, l’attitude des politiques avant la démission de Hildebrand, semble aujourd’hui désolante. Personne ou quasi, sous la coupole, en dehors d’une UDC d’ailleurs même pas unanime, ne l’a réclamée franchement cette démission. On trouvait plutôt, à l’image du radical Jean-René Germanier que «ce ne sont pas en soi les faits reprochés à Philipp Hildebrand qui paraissent graves mais plutôt l’hyperpolitisation de l’affaire qui fragilise l’institution». Bref, l’important, ce ne sont pas les doigts dans la confiture, mais de ne pas casser le pot.

Pire, le PDC Dominique de Buman, estimant que «si nous sommes persuadés qu’il n’y a rien d’autre, il faudra passer à un deuxième chapitre sur l’attitude de Christoph Blocher et de sa crédibilité devant le parlement». Ce qui s’appelle arroser le pompier pour éteindre l’incendie, dégommer le messager pour effacer la mauvaise nouvelle.

Cette apathie, pour ne pas dire cette molle indulgence du monde politique, aura en tout cas bêtement permis à une UDC K.O. debout fin décembre, après une mémorable série d’échecs et de basses manœuvres avortées, de se refaire, Blocher en tête, une vraie santé. Il peut sembler navrant que l’accusé dans cette affaire ait, pour finir, montré plus de lucidité sur l’ampleur de sa faute que les prétendus garants du système.

Nicolas Martin