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mardi 14 janvier 2025

La voiture électrique va-t-elle bientôt disparaître des routes suisses ?

 

La Suisse perd du terrain en matière d'électromobilité en Europe. En comparaison avec les marchés leaders de Scandinavie et du Benelux, la Suisse creuse est à la traine. En cause: une baisse de 11% des ventes de voitures électriques neuves en 2024. Le marché helvétique se fait même dépasser par le Portugal. Pire encore, il sort pour la première fois du top 10!

Pourquoi, après une première vague d'euphorie et de curiosité, les ventes de voitures électriques neuves en Suisse ne répondent-elles plus aux attentes? Pour Krispin Romang, directeur de l'association Swiss eMobility, cette situation n'a rien de surprenant.

«La taxe d'importation introduite en 2024 et la situation toujours difficile au niveau des bornes de recharge à domicile freinent le développement de la mobilité électrique dans notre pays», explique-t-il. «Malgré d'excellents produits et le meilleur réseau de recharge public d'Europe, le passage de la mobilité fossile à la mobilité électrique en Suisse n'est toujours pas gagné.»

Punir au lieu d'inciter

Pour comprendre la réticence des Suisses à acheter des voitures électriques, il faut d'abord se pencher sur le manque d'incitation. Si certains pays ont encouragé les ventes de voitures électriques en mettant en place des subventions et en taxant le carburant des voitures à combustion, il ne s'est (presque) rien passé en Suisse à cet égard.

Au début, certains cantons ont fait quelques gestes, comme des réductions sur les frais d'immatriculation ou un soutien à l'achat et à l'installation de stations de bornes domestiques. Mais il n'y a jamais eu de stratégie nationale visant à promouvoir la mobilité électrique de la part de la Confédération.

Bien au contraire. Le 1er janvier 2024, le Conseil fédéral a introduit une taxe supplémentaire de 4% sur les importations de voitures électriques. Ce faisant, il «a rendu un mauvais service (...) à l'automobile électrique», déplore Peter Grünenfelder, président de l'association des importateurs Auto Suisse.

Un achat coûteux pour les consommateurs

Ce qui nous amène à la question du prix d'achat. Même si les constructeurs n'aiment pas l'entendre, les voitures électriques coûtent actuellement en moyenne 20% de plus qu'une voiture à essence comparable. Et l'industrie a peut-être commis l'erreur, au début de cette transition, de ne proposer que des véhicules électriques puissants – et donc chers – afin de démontrer leur potentiel, et de négliger ainsi les voitures moins chères.

Cette thèse est également étayée par un sondage réalisé par Axa Assurances l'automne dernier. De nombreuses personnes interrogées avaient alors déclaré que la prochaine voiture neuve qu'elles achèteraient ne serait pas électrique. Et 50% d'entre elles avaient fait savoir que ce choix était motivé par un prix trop élevé.

Autrement dit, pour que la voiture électrique soit réellement adoptée par le grand public, l'offre doit augmenter pour les modèles bon marché. Toujours est-il que cette prise de conscience commence à atteindre les constructeurs cette année, quelques nouveaux modèles électriques à moins de 25'000 francs seront lancés sur le marché.

Une revente incertaine

Mais l'achat est une chose, la revente en est une autre. Aujourd'hui encore, le scepticisme est grand quant à la durée de vie et à la durabilité d'une batterie de voiture électrique, ce qui explique la lenteur du développement du business des voitures électriques d'occasion.

Si aujourd'hui, presque une voiture à essence sur deux est une occasion, ça n'est même pas le cas d'une voiture électrique sur dix. De nombreux consommateurs estiment manifestement que le risque de se retrouver avec une voiture électrique quasi neuve est grand, même avec de la seconde main. Ils ont aussi en tête la capacité décroissante de la batterie de leur téléphone portable après de nombreux de cycles de charge. 

En revanche, de nombreux commerçants d'occasion et revendeurs proposent des certificats de batterie qui renseignent sur l'état actuel de l'accumulateur du véhicule. Les fabricants offrent en outre de longues garanties, allant parfois jusqu'à huit ans.

Une situation de charge insatisfaisante

Mais une autre raison – et pas des moindres – pour laquelle les Suisses ne sont pas plus nombreux à acheter une voiture électrique est le manque de possibilités de recharge à domicile ou sur le lieu de travail. Et ce, même si le réseau de bornes de recharge publiques ne cesse de s'étendre au point qu'il couvre presque l'ensemble du territoire, faisant de notre pays l'un des leaders en la matière.

Or, la plupart des conducteurs de voitures électriques souhaiteraient avoir la possibilité de recharger confortablement leur voiture pendant la nuit ou pendant la journée au bureau. Mais comme nous, les Suisses, sommes un peuple de locataires, ce n'est souvent pas possible.

Il n'est donc pas étonnant que, contrairement à 14% des propriétaires, seuls 3% des locataires possèdent actuellement une voiture électrique. Pour de nombreux locataires, il est trop compliqué, voire impossible, d'obtenir de leur propriétaire l'installation ou au moins l'autorisation de mettre sur pied d'une borne de recharge. C'est pourquoi, en ville, où l'électromobilité a le plus de sens, mais où peu de gens disposent d'une place de parc, beaucoup renoncent à une voiture électrique.

Des solutions communes sont nécessaires

Il y a donc plusieurs raisons pour lesquelles l'électromobilité ne progresse pas en Suisse comme on le souhaiterait. Le fait est que l'incertitude reste grande au sein de la population quant à la place de l'électrique dans la mobilité de demain. De ce fait, de nombreux Suisses reportent l'achat d'une nouvelle voiture et continuent à rouler avec leur vieux véhicule à essence.

En réalité, un tournant énergétique ne peut être réalisé qu'ensemble. Les constructeurs et les importateurs de véhicules doivent proposer des véhicules électriques à des prix encore plus avantageux, avec une plus grande autonomie et une charge plus rapide.

Au lieu de faire flamber les prix des voitures électriques par des taxes d'importation, les politiques devraient quant à eux soutenir la mise en place d'infrastructures de recharge privées et publiques – en proposant, par exemple, des prix plus bas pour l'électricité à l'aide d'entreprises d'électricité publiques et d'une révision du droit actuel.

Raoul Schwinnen

blick.ch