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vendredi 27 janvier 2012

Un dessin relance l’affaire Luca

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Rendu tétraplégique par le drame, Luca était à Sion hier, avec sa mère et son frère Marco, pour expliquer sa version des faits. keystone



La justice a désigné quatre experts italophones pour faire la lumière sur le drame qui a rendu Luca tétraplégique en 2002, à Veysonnaz. Un dessin de son frère sera examiné.

Dix ans après les faits, l’émotion est encore vive en Valais autour de l’affaire Luca. «Pas de justice, pas de paix», «La vérité pour la dignité de Luca»: banderoles à l’appui, une cinquantaine de personnes, dont la présentatrice Lolita Morena et l’UDC Oskar Freysinger, sont venues manifester leur soutien à l’adolescent et à sa famille devant le Ministère public, hier matin à Sion. A son arrivée, une nuée de journalistes a fondu sur le jeune homme de 17 ans, cloué sur une chaise roulante depuis son agression le 7 février 2002 à Veysonnaz.

Un comité d’accueil à la hauteur de «l’événement»: C’est la première fois dans l’histoire du Valais que le Ministère public organisait une conférence de presse. En plein tapage médiatique de ces dernières semaines en Suisse et en Italie, les procureurs ont fait le point. Histoire d’annoncer que le dossier avait été «rouvert implicitement» le 15 novembre 2010. Le principal intéressé, Luca, n’était pas invité. Il a donné sa version des faits, aux côtés de sa maman et de son frère Marco, un peu plus tard dans un café.


Les nouveaux éléments

L’affaire est relancée à la faveur d’un dessin réalisé par le petit frère Marco en avril 2005, trois ans après le drame. Il met en scène l’agression de Luca par trois personnes. La famille l’a transmis à la justice seulement en octobre 2010, quelques jours avant le dépôt d’une pétition munie de plus de 10000 signatures demandant la réouverture du dossier. Pourquoi avoir attendu si longtemps? «On en a parlé à la justice bien avant mais ils disaient que Marco pouvait être influencé», répond la maman.

Le Ministère public va faire expertiser le dessin afin de déterminer sa crédibilité. Une pédopsychiatre et un psychologue tessinois, ainsi que deux psychologues italiens s’en chargeront. De quoi satisfaire la famille de Luca qui s’était opposée au mandat de trois experts nommés en novembre 2010, qui ne parlaient pas l’italien. La Fondation Luca avait alors demandé la récusation des experts. Deux recours plus tard, le Tribunal fédéral a donné raison à la famille en octobre 2011.

Elle pourra contester l’expertise si les conclusions ne lui conviennent pas, a relevé le procureur général Jean-Pierre Gross. Et de préciser que la prescription n’interviendrait qu’aux 25 ans de la victime, soit le 22 novembre 2019.


Le chien comme auteur

Les procureurs valaisans n’en démordent pas: Rocky, le berger allemand de la famille, est l’auteur de l’agression. Traces d’ADN, morsures, habits déchirés: tout renvoie au chien. Patrice Mangin, directeur du Centre universitaire de médecine légale de Lausanne et expert dans ce dossier, a encore accrédité hier cette thèse officielle, photos de blessures à l’appui. Des ecchymoses évoquent une empreinte de mâchoire du chien sur le corps de Luca.

Mais des doutes subsistent sur des griffures irrégulières. Comme si c’était des traces de coups de baguettes ou de branches. «Je m’insurge quand j’entends dire qu’on a flagellé Luca», décoche Patrice Mangin. Qui ne parle pas d’agression, mais plutôt d’«interaction excessive et non maîtrisée du chien»... «Mais je n’écarte pas la possibilité de l’intervention d’un tiers», tempère-t-il. Et les habits enlevés? L’enfant s’est dévêtu pour faire lâcher prise au chien, réplique-t-il.


La version de Luca

Luca a donné hier après la conférence de presse sa version des faits. Cette nuit froide du 7 février 2002, sur une pente enneigée, à deux pas de chez lui, il jouait avec son frère Marco et son chien. «Des gens sont arrivés», raconte-t-il. «Ils ont commencé à me déshabiller et à me frapper. J’ai tout de suite compris qu’ils n’étaient pas venus en amis.» Il se sent pris au piège, sans défense. «Ce sont ces gens qui m’ont fait tout ça. Je ne comprends pas qu’après dix ans, je dois répéter toujours la même chose et qu’on ne me croit pas encore. Ce n’est pas le chien qui a fait ça.»

La justice n’a toujours pas validé le témoignage de la victime. «Mais Luca peut être entendu», a insisté sa maman. «Il va à l’école et est intelligent. Pourtant, le procureur ne le connaît pas et n’a jamais parlé avec lui.»


L’intervention d’enfants

Qui est l’auteur de cette agression qui a laissé Luca aveugle et tétraplégique? Si le Ministère public s’en tient à la thèse du chien, le procureur général adjoint Nicolas Dubuis avoue avoir «douté tout au long de l’enquête». D’autres pistes ne sont pas exclues. A commencer par celle de jeunes qui seraient protégés, selon ce qu’on peut entendre. Leurs alibis ont toutefois été contrôlés. Nicolas Dubuis: «Malgré vingt mois de recherches, nous n’avons pas réussi à déterminer si une tierce personne était impliquée.»


La justice en question

L’image de la justice valaisanne a été sérieusement écornée dans ce dossier. Les critiques fusent: couacs dans la procédure, lenteur, témoins non auditionnés... «Cette affaire est une succession d’erreurs, pour certaines malencontreuses. La justice devrait le reconnaître», estime Sébastien Fanti, un avocat de la famille. Des zones d’ombre demeurent. Il y a cette substance verdâtre, du genre «slim», qu’un médecin a assuré avoir vue entre les fesses de la victime. Pour Patrice Mangin, ce sont des selles. Ou ce médecin qui a pris en charge Luca le soir de l’agression et qui n’a jamais été entendu. Cette affaire n’a pas fini d’empoisonner le Valais. I


L’Italie se mobilise

La famille de Luca Mongelli attend beaucoup de l’ouverture d’une enquête officielle en Italie pour faire avancer le dossier. C’est que les voisins transalpins s’enflamment pour l’histoire tragique de l’adolescent d’origine italienne. L’affaire est remontée jusqu’au sommet de l’Etat: l’ambassadeur d’Italie en Suisse a rencontré il y a une semaine la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga pour lui demander que la lumière soit faite sur cette affaire.

Tout a commencé avec une émission sur Rai Uno qui a ému le pays il y a trois mois. Invitée pour parler du thème des cellules souches, la maman de Luca a évoqué le cas de son fils. La machine médiatico-politique s’est rapidement emballée dans un pays qui s’indigne du sort réservé en Suisse au jeune tétraplégique.

Des juristes, comme le ténor du barreau Nino Marazzita, ont pris en main le dossier. Ils vont demander via le procureur de Rome, l’ouverture d’une procédure de collaboration judiciaire avec la Suisse. «Nous leur rendrons les services qu’ils demandent», affirme le procureur général Jean-Pierre Gross.

En attendant, la justice a déjà réalisé l’expertise du dessin et l’audition de Luca et Marco. En huit jours... Résultat? «Ils le gardent pour eux, pour l’instant», glisse Fred Reichenbach, président de la Fondation Luca.



Chronologie


7 février 2002 Luca Mongelli est retrouvé à demi nu et dans le coma près de chez lui, à Veysonnaz.
26 février 2004 Le dossier est classé. La famille ne fait pas recours.
28 février 2004 Le chien Rocky est euthanasié par sa nouvelle propriétaire.
4 octobre 2010 Les parents de Luca transmettent le dessin de Marco à la justice.
13 octobre 2010 Remise d’une pétition avec 9300 signatures demandant la réouverture de l’enquête.
15 novembre 2010 Le juge d’instruction décide de faire examiner le dessin du frère par des experts. Dans le mois qui suit, la famille s’oppose à la désignation de deux des trois experts.
18 octobre 2011 Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours.
20 janvier 2012 Le Ministère public valaisan propose à la famille Mongelli un panel de quatre experts italophones.

Thierry Jacolet
La Liberté