Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mercredi 1 février 2012

Mark Müller, Hildebrand et Al Capone

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Faut-il absoudre, comme le pensent les milieux immobiliers genevois et la presse financière, les peccadilles des responsables publics sous prétexte qu’ils sont des as dans leur domaine?

Moins de crimes, plus de vices. Il avait le nez creux, Tocqueville (1805-1859), avec ce pronostic sur les apports probables de la démocratie naissante. Le politique ne guillotine ni n’embastille plus guère aujourd’hui, du moins sous nos aimables latitudes. Il se contente plutôt de petits forfaits masqués, bien humains, bien mesquins, et somme toute très ordinaires.

L’as fumant du barreau genevois Marc Bonnant avait ainsi raison de souligner, ce dimanche dans Le Matin, le comportement tout à fait «ordinaire» du cogneur Mark Müller, mais tort de s’étonner qu’on s’offusque d’un comportement aussi banal, aussi «démocratique». N’est-ce pas justement parce qu’elle porte au pouvoir l’homme ordinaire que la démocratie ne peut tolérer de la part de ses élus le moindre travers humain, trop humain?

Ainsi les Müller, les Zuppiger, les Hildebrand: tous tombés, ou sur le point de tomber, pour des peccadilles qui ne vaudraient même pas la mention d’une ligne, sans les fonctions importantes de leurs auteurs.

Un patron de la BNS n’a pas le droit de spéculer ne serait-ce que sur un centime, un conseiller d’Etat de faire le coup de poing dans les toilettes d’un établissement nocturne, quelles que soient les circonstances et motifs de sa colère. Comme, aussi, on l’a vu cet automne, un candidat au Conseil fédéral ne peut tout simplement plus l’être après s’être montré au privé, ne serait-ce qu’une fois, indélicat. Même après avoir été présenté pendant des jours comme le seul de son parti à posséder l’envergure pour le poste.

Ceux qui aujourd’hui défendent ou ont défendu Philipp Hildebrand et Mark Müller mettent en avant, alternativement, deux choses. L’insignifiance des faits, d’abord, aggravés pourtant parce que commis dans de lourds costumes de responsables publiques, que personne d’ailleurs n’oblige jamais personne à enfiler.

La mise en avant ensuite des qualités propres des fauteurs, vantés comme des des êtres terriblement irremplaçables. De la même manière que largement les médias, et tout particulièrement la presse spécialisée, se sont montrés inconsolables de la terrible perte que représenterait pour le pays la démission du super banquier Hildebrand, ce sont aujourd’hui les milieux immobiliers genevois qui lancent leurs cris d’alarme et volent au secours de Mark Müller.

Sans lui, pleurnichent les promoteurs, c’est tout le marché de la construction ou quasi qui s’effondrerait au bout du lac: «Si une personne nouvelle devait reprendre les dossiers, cela mettrait inévitablement un frein.» Bref un type, un seul, dans tout le canton serait apte à diriger avec efficacité le département des constructions, et cela tombe bien, c’est Mark Müller, qui vient justement du sérail. Un sérail comme on sait peu suspect d’ingratitude, qui loge le conseiller d’Etat à un prix de bon copain.

On fait difficilement plus arrogant, plus esprit de corps et de classe. «Beurk», comme le dit le plus poli des commentaires apparus depuis sur le site de la Tribune de Genève. On bute, en fait, toujours sur la même entêtée évidence: être le meilleur ne donne aucun droit, ne constitue pas une excuse. On pourrait même au contraire considérer que cela créerait plutôt des devoirs supplémentaires et constituerait une circonstance aggravante. Si vraiment Hildebrand et Müller avaient été les meilleurs à leur place, leurs petits dérapages en seraient d’autant plus inexplicables et moins excusables.

Enfin, il est bien rare que même les plus irremplaçables le soient vraiment, qu’une institution, un pays, ne survive au départ de son chef, fut-il la perle des perles, le king, le capo dei capi. La mafia s’est remise de la chute d’un Al Capone, le meilleur dans son domaine, tombé lui aussi pour une broutille et le moindre de ses crimes: fraude fiscale.

Nicolas Martin