Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mercredi 7 mars 2012

Grecs cherchent Grecs

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Fallait-il répondre par l’ironie aux assertions anti-romandes de la Weltwoche? A voir, surtout que tout n’était pas faux. Sur certains points, comme l’asile, nous savons nous montrer aussi «bourbines» que les autres.

Daigner répondre, même avec ironie, à une attaque, même stupide, n’est-ce pas montrer, dans le fond, qu’on n’a pas la conscience tout à fait tranquille? Que la flèche, pour moisie qu’elle semble, n’est pas passée si loin de la cible?

Accusés donc, les Romands, d’un éventuel penchant pour la bouteille et d’une tout aussi éventuelle tendance atavique au manque de productivité, pour ne pas dire à la petite délinquance. Quoi que ce mot-là — les Romands — puisse bien recouvrir, dans un pays qui se fiche désormais à peu près des découpages administratifs et qui pratique, non sans bonheur, la multiplicité des langues et des origines, rendant caduque toute considération globale à caractère ethnique.

Pour cette seule raison déjà, les «Romands» auraient sans doute mieux fait de faire comme s’ils n’avaient rien entendu.

Surtout qu’il n’y a rien de vraiment infâmant à être qualifier de Grecs, particulièrement de la part d’un journal, la Weltwoche, qui se pique volontiers d’indépendance et d‘une infinie liberté d’esprit, tout en demeurant assez strictement le bulletin paroissial de l’UDC.

Plutôt que les réactions indignées ou lourdement ironiques, le silence aurait eu une autre allure, pour au moins deux autres raisons encore. Parce que le style — la grosse caisse — et le motif — un coup médiatique facile — de l’attaque étaient d’une puérilité qui ne méritait pas plus. Parce qu’ensuite, tout n’était peut-être pas complètement faux dans ce tir de barrage.

Dans le même temps, UBS — encore un gros machin très suisse-allemand, certes — publiait un classement de la compétitivité des cantons, où les Alémaniques se partageaient juste les huit premières places.

Le quotidien «Le Temps» fut alors un peu seul pour rappeler que peut-être, effectivement, nos belles régions francophones pouvaient faire preuve de certaines carences: «Il existe bien en Suisse une exception romande faite de chômage plus élevé, de dettes publiques massives et de recours plus systématique aux prestations sociales».

Cette image enfin du Suisse allemand sérieux jusqu’au caporalisme et bosseur forcené, c’est aussi nous les Romands qui la propageons, la fortifions en nous en moquant à journée faite. En nous glorifiant, en creux, de n’être pas comme ces gens-là, n’est-ce pas? En nous félicitant de ce prétendu art romand de la dolce vita. Et puis Peter Rothenbühler, prototype de l’agent double, si pas triple, donnant des leçons de journalisme à la Weltwoche, c’était un peu Staline exhortant Lénine à plus de modération.

Pas Grecs quand même les Romands au point d’oublier les bons vieux réflexes confédéraux de peur et de replis. Ces gais lurons, ivres de liberté, de latinité joyeuse et de farniente magnifique, savent en effet vite se muer en blancs moutons frissonnants, éperdus, que l’UDC ne renierait pas.

On a vu par exemple ces jours, en Valais comme à Fribourg, à Grolley comme à Conthey, des responsables politiques se montrer «dépités», et le dirent tout net, comme ils le pensaient: «Nous refusons que s’installent chez nous des demandeurs d’asile». Ou encore: «Nous sommes absolument contre l’ouverture d’un centre de la Confédération en Valais».

Loger des requérants dans des baraquements militaires mis à disposition par l’armée? Vous n’y pensez pas. Pas chez nous, pas ici. Pas en Suisse romande. «Sur les 220, il y en a toujours certains qui vont poser problème. Ces requérants n’ont pas la même mentalité que nous», note un syndic fribourgeois bien renseigné et aux abois. Nous qui? Les Suisses ou les Romands? Les mêmes mots, à la virgule, ont été prononcés dans une commune du canton d’Argovie.

On voit qu’à ce petit jeu, nous savons nous montrer au moins aussi «bourbines» que nos voisins. Et que ce qui nous sépare, dans le fond, c’est l’identité de ceux dont nous avons peur. Eux plutôt des Balkaniques, nous des Maghrébins et des Africains.

Bons vivants et soiffards, les Romands? Pétochards plutôt, comme de vrais Suisses allemands.

Nicolas Martin