Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

lundi 5 mars 2012

Un plébiscite pour Estavayer

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Le Fribourgeois Hans-Peter Pellet et son fils ont apporté leur soutien à la candidature d’Estavayer-le-Lac. alain wicht




L’Association fribourgeoise accueillera la Fête fédérale en 2016. La candidature broyarde a obtenu 150 voix, contre 27 pour Colombier et 22 pour Genève.

D’abord les sonneurs de cloche. Puis ce fut au tour des couronnés fédéraux fribourgeois de faire leur entrée sur la scène de la salle des Glariers, à Aigle. A leur tête, Hans-Peter Pellet – ou doit-on plutôt dire Pellet Hans-Peter? – dont la cote de sympathie est toujours aussi haute, accompagné de son jeune fils, «qui lutte déjà mais qui n’est pas encore aussi fort que papa.» Rires dans l’assemblée, déjà conquise. Place ensuite aux discours. Conseillère d’Etat en charge de l’Education, de la culture et du sport, Isabelle Chassot abattit notamment la carte du bilinguisme. Une bonne idée. Car si la lutte suisse est un sport apprécié de tous les Confédérés, elle est plus fortement ancrée outre-Sarine qu’en Romandie. Albert Bachmann, syndic d’Estavayer-le-Lac, prit lui aussi la parole, avant que les Armaillis de la Gruyère dirigés par Michel Corpataux n’entonnent un solennel et vibrant «Ranz des vaches».

«Par des lutteurs, pour les lutteurs.» Le slogan de l’Association fribourgeoise, dont la présentation officielle dura trente minutes, a touché le cœur des garants de ce sport typiquement helvétique. Le résultat fut en effet sans appel. Avec 150 voix contre 27 pour Colombier et 22 pour Genève, Estavayer s’est vu confier hier, au 1er tour et à la majorité absolue, l’organisation de la Fête fédérale et des Jeux alpestres 2016. Celle-ci aura lieu les 27 et 28 août, sur l’aérodrome de la Broye. Un plébiscite qui concrétise un travail de quatre ans. Un soulagement pour le canton, qui avait mal vécu ses deux échecs précédents (face à Sion et Nyon) et qui n’avait plus récolté pareil honneur depuis 1958.

Contexte folklorique

«Notre stratégie a été la bonne: nous avons joué sur les émotions, car la lutte n’est pas qu’un sport. Elle englobe aussi tout un contexte folklorique», résume Guido Sturny, président du comité de candidature. La pression était grande, avoue le colosse. «Nous ne voulions surtout pas nous voir reprocher une troisième défaite, c’est pourquoi nous avons mobilisé tout ce qui était possible de mobiliser.» Terroir et tradition: deux valeurs sur lesquelles Fribourg a bâti son succès. Genève? Plus que les grenadiers, c’est le bagout de Michel Pont, sélectionneur assistant de l’équipe de Suisse de football, et le charisme de Hans Leutenegger, champion olympique de bobsleigh en 1972 à Sapporo, qui ont porté le projet, alors que Neuchâtel avait lui aussi fait le pari des personnalités: Lolita Morena au micro et Didier Cuche en tête de gondole.

250000 spectateurs

Pas de véritables «people» dans le dossier broyard, mais la volonté de ne pas répéter les erreurs du passé. «Quand nous avons été battus par Nyon, c’est clairement notre très faible présentation qui nous avait desservis», se souvient Gaby Yerly, dont le carnet d’adresses s’est révélé précieux. «Nous avions connu des problèmes techniques», reprend-il, «et j’avais entendu des gens qui disaient que, si nous n’étions même pas capables de projeter un film, nous ne méritions pas d’accueillir une Fête fédérale. Aujourd’hui (dimanche), notre présentation ne pouvait mieux se dérouler.» Un avis que partage Emmanuel Crausaz, bras droit de Guido Sturny. «Nous sommes de solides gaillards, mais beaucoup d’entre nous avaient des larmes dans les yeux.» Si la mise en scène a été particulièrement soignée, le travail de lobbying fourni en amont ne doit pas être dénigré. «Nous sommes allés sur toutes les fêtes d’associations pour présenter notre projet. Samedi soir, lors de l’assemblée de l’association suisse, c’est plus un combat de corps à corps que nous avons livré», ajoute Crausaz, un sourire en coin.

Estavayer2016, c’est 250000 spectateurs qui ingurgiteront jusqu’à 200000 litres de bière et 80000 saucisses. C’est aussi un budget de 20 millions, qui comprend notamment la construction d’une arène de 50000 places. C’est enfin un comité d’organisation qu’il faudra former, ceux qui ont porté la candidature, Guido Sturny et Emmanuel Crausaz en tête, ayant émis le vœu de passer la main. I

Au-delà de la polémique

Que le site choisi par Estavayer2016 soit une aérodrome militaire n’a pas manqué de faire débat. Et même de créer la polémique. D’abord, par sa situation géographique elle-même, sur territoire vaudois et non fribourgeois. Faux, répond Isabelle Chassot, qui confirme le «caractère intercantonal» du lieu. Puis ce fut au tour des Genevois d’exiger dans la presse dominicale des comptes au Département fédéral de la défense (DDPS). Céder un terrain jugé stratégique, soit, mais à quel prix? Et pour quelles conséquences sécuritaires? Emboîtant le pas de leurs alliés de circonstance, les Neuchâtelois s’étonnèrent, eux, de voir Ueli Maurer accorder son soutien sur le site officiel d’Estavayer2016. Dernière fronde en date, révélée par «Le Matin»: l’armée accepterait de prêter son aérodrome comme «compensation» pour les nuisances sonores subies par les riverains fribourgeois.

Bref, autant de griefs face auxquels le comité de candidature fribourgeois a choisi de faire la sourde oreille. «J’avoue que nous nous sommes réunis en petit comité de crise, dimanche passé, mais nous avons décidé de ne pas donner suite, explique Manu Crausaz. La lutte est un sport noble, qui doit se tenir à l’écart de toutes considérations politiques. Et puis, je ne vois pas où est le problème: que ce soit pour des courses de skis ou même pour la Patrouille des glaciers, l’armée est un soutien incontournable.»


TROIS QUESTIONS À...

Albert Bachmann, syndic d’Estavayer-le-Lac

> Albert Bachmann (54 ans) n'est pas qu'un politicien, membre du comité de candidature d'Estavayer 2016. Il est aussi un agriculteur, dont les valeurs terriennes sont proches de celles des lutteurs.

Albert Bachmann, êtes-vous surpris par la clarté du résultat?

J’y vois la preuve que nous avons visé juste. Les lutteurs sont des gens de terrain, nous avons su les prendre aux tripes en leur proposant une présentation avec beaucoup d'émotion. Le Lyoba de la fin a agi comme un coup d'assommoir.

Estavayer est-il prêt à organiser un événement d'une telle ampleur?

Estavayer a l'habitude des grands écarts. La ville compte 5000 habitants, mais jusqu'à 10 ou 12000 l'été, grâce aux sports nautiques. Cette Fête fédérale, c'est un gros plus pour la promotion de la ville et de la région. Pas seulement auprès des amateurs de lutte suisse, mais aussi grâce aux médias qui seront tous tournés vers Estavayer. Il y aura des retombées économiques, mais je n'oublie pas que le citoyens staviacois ont accepté de libérer une manne financière de 650000 francs en cas de déficit.

Au fait, comment cette aventure a-t-elle commencé?

Un jour, Manu Crausaz, vice-roi de la lutte à Coire en 1996, est venu me voir pour me demander si un telle organisation pouvait m'intéresser. J’ai promis d’y réfléchir mais j’ai tout de suite posé une condition: que l'Association fribourgeoise ne présente pas trois (Romont et Granges-Paccot étaient aussi sur les rangs, ndlr) mais une seule candidature. Pour moi, c'était clair: on ne pouvait pas être divisé sur notre propre terrain. Il a fallu convaincre mes collègues lutteurs broyards. Ils sont sympas, mais ce sont des lutteurs. Donc parfois un peu têtus (rires)...

Pierre Salinas
La Liberté