La consommation de certains acides gras oméga-3 réduirait le risque de souffrir d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge.
La DMLA est la principale cause de perte de vision irréversible dans les pays industrialisés. © NIVIERE / SIPA
Une étude réalisée au centre hospitalier intercommunal de Créteil (banlieue est de Paris) a permis de démontrer "une réduction de 68 % des risques de développement d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) dans sa forme dite humide, après une augmentation significative d'acide docosahexaénoïque (DHA) dans les cellules". Chaque mot du communiqué émis par cet hôpital, à l'occasion de la publication de ses travaux sur le site de la revue Ophtalmology, mérite d'être pesé pour bien comprendre de quoi il s'agit.
Premier point : la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) est la principale cause de perte de vision irréversible dans les pays industrialisés. Son incidence augmente avec l'espérance de vie. Il s'agit d'une maladie multifactorielle, avec des facteurs de risque environnementaux comme le tabagisme, les habitudes alimentaires, l'obésité ainsi que des déterminants génétiques. Il en existe deux formes, l'une dite sèche (atrophique), qui évolue lentement, l'autre dite humide (exsudative), bien plus fréquente et plus sévère.
Deuxième point : le DHA est l'un des acides gras oméga-3 nécessaires au bon fonctionnement de l'organisme. Chez l'homme, alors qu'il est très peu présent dans les différents tissus, il représente la moitié des lipides composant la membrane des cellules visuelles de la rétine. Il a un rôle protecteur vis-à-vis de ces cellules. C'est pourquoi l'équipe du professeur Éric Souied, chef du service ophtalmologie à Créteil, a voulu savoir si le fait de donner une supplémentation orale en DHA pouvait prévenir ou ralentir le développement de la DMLA dans sa forme humide.
Le DHA a facilement pénétré les cellules
C'est ainsi qu'a démarré l'étude NAT2 (pour Nutritional AMD Treatment-2). Elle a concerné 300 patients présentant des lésions précoces au niveau de la macula (la partie de la rétine où l'acuité visuelle est maximale). Les uns ont reçu des gélules contenant les précieux acides gras, les autres un placebo (à base d'huile d'olive). Tous ont été suivis pendant trois ans. Les spécialistes ont ainsi pu observer : "Les niveaux membranaires en oméga-3 étaient augmentés de 70 % dans le groupe DHA, ce qui démontre que le DHA a facilement pénétré les cellules."
Comme il a déjà été prouvé que le DHA est associé à un risque réduit de la forme humide de DMLA, les auteurs pensent qu'une "modification du métabolisme des lipides dans la DMLA pourrait réduire le taux de développement de la DMLA exsudative." D'ailleurs, les patients qui avaient les taux en oméga-3 les plus élevés ont bénéficié d'une diminution de 68 % du risque de DMLA. Un chiffre qui a évidemment été mis en avant dans le titre du communiqué de presse.
Et pourtant, "le moment d'apparition et l'incidence de la DMLA exsudative n'étaient pas significativement différents entre le groupe DHA et le groupe placebo", note le professeur Souied. Ce résultat global, somme toute assez décevant, s'expliquerait par le fait que près de 10 % des membres du groupe sous placebo ont pris des oméga-3 naturels (on en trouve dans les poissons gras) ou en capsules pendant l'étude. De quoi fausser la donne. Malgré cela, l'équipe conclut : "NAT2 ouvre la voie à de nouvelles pistes préventives pour la DMLA néovasculaire." Si seulement.
Anne Jeanblanc