Une fois par an, la Saint-Valentin donne l'occasion à tous de parler d'amour, ou d'y penser, ou de le faire, et aux fleuristes, chocolatiers et autres vendeurs de philtres érotiques l'occasion d'accroître leur chiffre d'affaires.
Si l'amour occupe généreusement nos pensées et nos vies, il n'est guère présent dans les colonnes des journaux, sauf à cette occasion. A Courrier international, nous la saisissons, nous aussi - avec un cadeau : cet extrait de Cyrano de Bergerac, d'Edmond Rostand, qui reste l'un des plus beau textes jamais écrit sur le baiser.
Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ?
Un serment fait d’un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,
Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer ;
C’est un secret qui prend la bouche pour oreille,
Un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille,
Une communication ayant un goût de fleur,
Une façon d’un peu se respirer le cœur,
Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme !
Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le baiser
Universel, le baiser ? Aujourd'hui peut-être, mais de nombreuses cultures l'ont ignoré. Les fonctions qu'il remplit sont aussi particulièrement disparates. La philématologie, ou science du baiser, étudie ce comportement sous tous ses angles.
Judas l'a fait à Jésus, Britney Spears à Madonna, le Prince charmant à La Belle au Bois dormant. Les oiseaux font quelque chose d'approchant, pas les abeilles, et on a observé des singes bonobos s'y appliquer pendant 12 minutes d'affilée (ils préfèrent le faire avec la langue). A la Saint-Valentin, vous vous y mettrez peut-être, vous aussi.
Le baiser est le langage universel. On le retrouve dans le royaume animal et chez les humains, il est le comportement le plus expressif que nous manifestions vis-à-vis des autres. Des études montrent que les gens se souviennent plus précisément de leur premier baiser que de n'importe quelle autre première fois dans leur vie, y compris leur première expérience sexuelle.
Mais en réalité, le bouche-à-bouche que nous connaissons est un phénomène relativement récent. Il y a à peine un siècle, dans de nombreuses cultures de la planète, les bisous étaient inconnus. Les explorateurs du 19ème siècle ont découvert plusieurs civilisations qui ignoraient tout du baiser depuis toujours et qui avaient en revanche leurs pratiques amoureuses particulières. Dans son livre de 1864, Savage Africa (L'Afrique sauvage), l'explorateur britannique William Winwood Reade rapporte qu'une princesse africaine dont il était tombé amoureux crut qu'il essayait de la dévorer quand il s'approcha d'elle pour l'embrasser. "Les Africains ne savent pas ce qu'est le baiser", conclut-il. Dans les années 1970, ces contrées isolées où l'on ne s'embrasse pas avaient quasiment disparu. D'après une étude de l'époque, dans 90 % des cultures dans le monde, on s'embrassait à pleine bouche. Ce chiffre devrait approcher maintenant les 100%.
Selon les philématologues, les personnes qui étudient le baiser, la première référence au comportement de type baiser remonte aux textes sanskrits védiques de 1500 av.J.-C en Inde. Bien qu'à l‘époque, aucun terme n'existât pour désigner le "baiser", les documents hindous évoquent l'acte de "se renifler avec la bouche".
Au fil du temps, le baiser a mis au défi de grands penseurs, de Jonathan Swift à Charles Darwin, pour qui se picorer les lèvres était un acte inné, encodé dans nos gènes. Aujourd'hui, on estime plutôt que le baiser est un mélange de nature et de culture, et qu'il a évolué au cours de l'histoire humaine. D'après Sheril Kirshenbaum, la reine de la science du baiser, "nous ne savons pas exactement quand et où on a commencé à s'embrasser, mais c'est probablement quelque chose qui est apparu et a disparu tout au long de l'histoire de l'humanité pour diverses raisons. Les humains semblent avoir une envie instinctive de se lier de cette manière, mais le style et la forme dépendent de la culture et de l'expérience. A la naissance, les premières expériences du bébé en matière d'amour, de réconfort et de sécurité comportent une forme ou une autre de baiser. Aussi, du point de vue de la neuroscience, nous sommes programmés dès le plus jeune âge pour associer ces émotions positives avec le contact labial."
Avant l'apparition du lait maternisé, le contact le plus prolongé entre un nourrisson et sa mère se faisait généralement par le bais de la tétée. Par ailleurs, dans de nombreuses cultures, les parents mâchaient au préalable la nourriture avant de la transférer dans la bouche de l'enfant avec leur langue.
A l'âge adulte, le baiser remplit aussi plusieurs fonctions. Ainsi, le contact permet à la femme de recueillir les marqueurs hormonaux de l'homme qu'elle embrasse et de juger s'il ferait un partenaire acceptable. Les endocrinologues ont découvert que par le baiser, les femmes peuvent essayer une section du génome d'un possible partenaire appelée complexe majeur d'histocompatibilité (CMH). Il s'agit de codes pour le système immunitaire et les femmes sont attirées par l'odeur des hommes qui possèdent un CMH différent du leur. "L'avantage est que si on se lie avec quelqu'un au CMH différent du nôtre, nos enfants seront en meilleure santé et auront de plus grandes chances de survie", précise Mme Kirshenbaum.
Le baiser dit français, à savoir la bouche grande ouverte, comporte des avantages différents pour les hommes. La salive contient de petites quantités de testostérone et on pense que si un homme embrasse une partenaire à maintes reprises en ouvrant la bouche, avec le temps il transmettra à la femme une certaine quantité de l'hormone. Les femmes sont plus sensibles à la testostérone que les hommes, et au fil des semaines et des mois, ce niveau accru de testostérone augmentera leur libido et les rendra plus réceptives sur le plan sexuel.
Mais pourquoi donc l‘acte de s'embrasser donne-t-il un tel sentiment de bien-être ? Sur le plan biologique, lorsque nos lèvres s'unissent, nos deux corps explosent dans un cocktail de neurostransmetteurs réconfortants tels que les endorphines, la dopamine, la sérotonine, l'adrénaline et l'ocytocine, également surnommée l'hormone de l'amour. C'est également une activité qui fait appel à tous les sens. "Les gens se souviennent de leur premier baiser plus que de leur première expérience sexuelle, estime Mme Kirshenbaum, probablement parce que le baiser constitue une processus tellement actif. Notre cerveau est totalement sollicité pendant que nous embrassons."
Saint-Valentin : en Thaïlande, 60 millions de préservatifs gratis
Le sexe, d’accord. Le Sida et autres MST, non merci. Pour promouvoir le "safe sex" et lutter contre les maladies sexuellement transmissibles, le ministère de la Santé thaïlandais distribuera gratuitement 60 millions de préservatifs à l’occasion de la Saint-Valentin. Ces condoms seront remis aux populations à risque - adolescents, jeunes adultes et travailleurs du sexe -, rapporte le Bangkok Post. Une distribution bienvenue : les prostitué(e)s n’ont droit qu’à 16 capotes gratuites par an, et selon une étude citée par le quotidien thaïlandais, 15,4 % des 16-18 ans, 12,5 % des 19-22 ans et 16 % des 23-29 % ans comptent bien perdre leur virginité le 14 février.
Les fondamentalistes pètent les plombs
Des extrémistes religieux à travers le monde dénoncent la fête des amoureux et s'insurgent contre sa célébration dans leurs pays. De l'Inde à l'Egypte, en passant par le Pakistan, voici un florilège de leurs agissements.
A l'occasion de la Saint-Valentin, les conservateurs religieux hindous ont prévu de marier de force les couples d'amoureux. Cet acte s'inscrit dans la ligne des brutalités dont ont été victimes cinq filles, le 24 janvier, à Mangalore, dans le sud de l'Inde. Les assaillants, appartenant à l'Armée du seigneur Ram, ont battu les jeunes filles parce qu'elles étaient en train de boire dans un pub accompagnées de garçons. En réaction à cette offensive religieuse qui a ému l'ensemble du pays, un groupe a été créé sur le site de Facebook, rapporte le quotidien Indian Express. "Le consortium des femmes libérées, allumeuses et allant dans les bars" regroupe déjà plus de 25 000 membres. Sous le slogan "Le pouvoir aux femmes ! Allez les filles, allez ! Montrez à l'Armée de Ram qui est le patron !", il s'est lui aussi assigné une mission pour la Saint-Valentin : aller dans les pubs et envoyer des centaines de culottes roses aux membres de l'Armée du seigneur Ram. De leur côté, les religieux ont interdit aux magasins et aux pubs du Karnataka de célébrer la fête des amoureux et promis d'envoyer, en réponse aux culottes, des saris roses.
Les conservateurs hindous ne sont pas les seuls à s'opposer à la Saint-Valentin, considérée comme le symbole de l'Occident décadent. Au Pakistan, le Daily Times s'insurge contre la Brigade morale des musulmans fondamentalistes, qui récusent cette fête "non islamique". Alors que le pays fait face à des nombreuses tragédies, le quotidien de Lahore trouve admirable que la population arrive à se réjouir et condamne ces "casseurs de joie".
Au Moyen-Orient aussi, la fête des amoureux est honnie. "En Egypte, le cheikh égyptien Hazem Choumane met en garde les jeunes musulmans contre le ‘virus de la Saint-Valentin', plus dangereux, selon lui, que le sida ou le choléra", rapporte le site du Middle East Media Research Institute (MEMRI). Le cheikh s'est exprimé sur la chaîne satellitaire égyptienne Al-Rahma. "Dans quelques jours, la planète bleue virera au rouge. Nous deviendrons la planète la plus rouge de l'univers. Tout ce qui est rouge sera plus coûteux. Les oursons rouges, les bougies rouges, les stylos rouges… Leur prix augmentera. Une seule chose rouge verra son prix diminuer : le sang des musulmans. Tout cela est la conséquence des péchés commis par les jeunes musulmans. Dans quelques jours, un virus très dangereux attaquera le corps de la nation. Quel virus ? Est-ce le sida ? Non, quelque chose de plus dangereux. Quelque chose de plus dangereux que l'ébola, qui se dissout dans le corps humain, plus dangereux que le choléra, qui a rasé la moitié de l'Europe il y a quelques siècles. C'est le virus de la Saint-Valentin. Je suis venu aujourd'hui mettre en garde garçons et filles contre ce virus extrêmement dangereux, qui est sur le point d'attaquer les cœurs des jeunes de la nation et de détruire notre relation à Dieu. Nous devons affronter ce virus de la Saint-Valentin. Plus vous fêtez la Saint-Valentin, plus les juifs et les chrétiens sont contents et plus le prophète Mahomet est triste", a-t-il notamment déclaré.
Les conservateurs hindous ne sont pas les seuls à s'opposer à la Saint-Valentin, considérée comme le symbole de l'Occident décadent. Au Pakistan, le Daily Times s'insurge contre la Brigade morale des musulmans fondamentalistes, qui récusent cette fête "non islamique". Alors que le pays fait face à des nombreuses tragédies, le quotidien de Lahore trouve admirable que la population arrive à se réjouir et condamne ces "casseurs de joie".
Au Moyen-Orient aussi, la fête des amoureux est honnie. "En Egypte, le cheikh égyptien Hazem Choumane met en garde les jeunes musulmans contre le ‘virus de la Saint-Valentin', plus dangereux, selon lui, que le sida ou le choléra", rapporte le site du Middle East Media Research Institute (MEMRI). Le cheikh s'est exprimé sur la chaîne satellitaire égyptienne Al-Rahma. "Dans quelques jours, la planète bleue virera au rouge. Nous deviendrons la planète la plus rouge de l'univers. Tout ce qui est rouge sera plus coûteux. Les oursons rouges, les bougies rouges, les stylos rouges… Leur prix augmentera. Une seule chose rouge verra son prix diminuer : le sang des musulmans. Tout cela est la conséquence des péchés commis par les jeunes musulmans. Dans quelques jours, un virus très dangereux attaquera le corps de la nation. Quel virus ? Est-ce le sida ? Non, quelque chose de plus dangereux. Quelque chose de plus dangereux que l'ébola, qui se dissout dans le corps humain, plus dangereux que le choléra, qui a rasé la moitié de l'Europe il y a quelques siècles. C'est le virus de la Saint-Valentin. Je suis venu aujourd'hui mettre en garde garçons et filles contre ce virus extrêmement dangereux, qui est sur le point d'attaquer les cœurs des jeunes de la nation et de détruire notre relation à Dieu. Nous devons affronter ce virus de la Saint-Valentin. Plus vous fêtez la Saint-Valentin, plus les juifs et les chrétiens sont contents et plus le prophète Mahomet est triste", a-t-il notamment déclaré.
Hoda Saliby
Charlotte Thomas