L'écrivain et résistant est mort cette nuit à l'âge de 95 ans.
Portrait d'un enfant du siècle, devenu l'idole de trois générations.
Stéphane Hessel, mort ? On peine à le croire. Il semblait qu'il fût devenu éternel, ce grand et beau vieillard. On l'aurait juré sorti du siècle avec lequel il avait "dansé" pour entrer directement dans l'histoire, avec la panoplie complète : une voix tout droit sortie de la TSF, une politesse surannée, une élégance d'un autre âge. Et puis, lorsqu'à 95 ans on court le monde et les plateaux de télévision, lorsqu'on écrit des best-sellers, lorsqu'on baptise un mouvement de mobilisation international, est-ce que l'on meurt encore ?
L'indigné le plus célèbre de France s'est pourtant éteint mercredi. Le 15 avril 2012, il avait été rapatrié d'Italie, où il séjournait, pour être hospitalisé quelques jours. Rien de bien grave : une grosse fatigue. "Il ne sait pas dire non, il ne sait pas se ménager", déplorait alors son épouse, Christiane Hessel Chabry, sa cadette de dix ans. Il n'y avait pas moyen de le faire tenir en place, pas plus à l'approche de ses 100 ans qu'à 20 ans. Depuis, le grand homme avait eu toutes les peines du monde à retrouver sa légendaire énergie. Il avait pourtant accepté de promouvoir à la télévision et à la radio À nous de jouer, sous-titré "Appel aux indignés de cette terre", un livre qui devait sortir le 13 mars prochain. Mais la vie, ou plutôt la mort, en a décidé autrement.
Jules et Jim
Stéphane Hessel, c'est vrai, avait de qui tenir. La vie de ses parents valait comme la sienne une page d'histoire. Ou un scénario : François Truffaut en a directement tiré le cultissime Jules et Jim. Sa "Kathe" est inspirée d'Helen Hessel, flamboyante Berlinoise née dans la bonne bourgeoisie antisémite, qui épousa Franz Hessel, un écrivain juif, traducteur de Proust. Avec lui et son meilleur ami, Pierre-Henri Roché, elle noua une relation à trois passionnée, tumultueuse. Polyglotte, humaniste, impertinente, elle appela les femmes allemandes à l'insoumission, tira son mari des camps et traduisit en allemand l'impudique Nabokov...
La bougeotte et la fronde comme traditions familiales. La poésie, aussi. Tout jeune, Stéphane apprend des pages entières de poésie allemande et française : Hölderlin, Baudelaire, Goethe, Rimbaud, Apollinaire. En France, où il s'est installé avec sa mère en 1927, il étudie à l'École alsacienne et fréquente Marcel Duchamp, Man Ray, Philippe Soupault, André Breton. Il obtient son baccalauréat en 1933, puis intègre l'École normale supérieure, où il étudie la philosophie auprès de Merleau-Ponty. En 1937, il obtient la nationalité française et, à l'automne 1939, se trouve mobilisé. Deux ans et une drôle de guerre plus tard, il rejoint Londres et la Résistance.
Résistance
La suite ? Un combat pour la France libre digne, lui aussi, des grands écrans : débarqué en France en 1944 avec d'autres combattants, il est arrêté par les Allemands, torturé, puis déporté à Buchenwald, où il échappe à la pendaison en prenant l'identité d'un camarade prisonnier mort du typhus. Il rate une tentative d'évasion, est transféré à plusieurs reprises d'un camp à un autre et parvient finalement à s'échapper du train qui l'emmène à Bergen-Belsen. Le 8 mai 1945, il arrive à Paris.
Après la guerre, Stéphane Hessel passe le concours du quai d'Orsay et devient diplomate. Nommé au secrétariat général de la toute jeune Organisation des Nations unies, il participe aux côtés de René Cassin à la rédaction de la Charte universelle des droits de l'homme. Ce seront ensuite l'Afrique noire, l'Asie et une préoccupation constante pour les questions de solidarité internationale, avant que, à l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand, il soit nommé ambassadeur de France. Cette histoire, qui traverse les grandes dates de son époque, Stéphane Hessel la raconte en 1997 dans son autobiographie, Danse avec le siècle (Seuil).
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Il semblait donc, à l'horizon des années 2000, que le chapitre Hessel fût clos, à peu de choses près, et que le vénérable vieillard dût prendre une retraite méritée. C'était compter sans un petit livre gris, pas plus gros qu'une brochure, au titre en forme d'injonction. Par un phénomène curieux, conjonction d'un marketing réussi (le format, le prix, une disposition toute trouvée près des caisses des librairies) et d'une captation de l'air du temps (au moment où le livre paraissait, Mohamed Bouazizi s'immolait par le feu en Tunisie), Indignez-vous ! devient dès sa parution un véritable phénomène. Le livre est vendu à des millions d'exemplaires, traduit dans des dizaines de langues, et le mot "indigné" devient l'emblème de l'année 2011.
Ce succès, Stéphane Hessel en a toutefois payé le prix. D'abord, parce que, non sans raison, il semblait outré au regard du livre lui-même : quelques dizaines de pages prônant la non-violence et l'exigence d'un monde plus juste. Ensuite, en raison de la cause privilégiée par Hessel : la Palestine, ce qui lui a valu certaines volées de bois vert, comme les critiques véhémentes de Pierre-André Taguieff ou de Gilles-William Goldnadel. Il en aurait fallu davantage, cependant, pour déboulonner l'ancien ambassadeur. En décembre 2010, le titre du documentaire que lui consacrait le magazine Empreintes, sur France 5, était tiré de la fameuse phrase de Camus, "il faut imaginer Sisyphe heureux". De fait, Hessel n'aurait sans doute pas renié l'idée d'une lutte toujours à recommencer et toujours neuve, capable, comme l'écrivait le philosophe, de "remplir un coeur d'homme".
La première apparition télévisée de Stéphane Hessel, en 1973 :
Loin des tribunes de la gauche indignée, l'ancien résistant était toujours honoré par les services secrets français.
Stéphane Hessel (au centre) avec Daniel Cordier et Gérard Longuet, alors ministre de la Défense, en janvier 2012 aux Invalides.
Pour l’occasion, la cour d’honneur des Invalides avait été interdite au public. C’était le 17 janvier 2012 et les services secrets français (DGSE) célébraient en grande pompe le 70ème anniversaire du BCRA (Bureau central de renseignement et d’action), les services secrets de la France libre. Il y avait deux invités d’honneur, deux vieux messieurs emmitouflés dans leur manteau et souriants : Daniel Cordier, le secrétaire de Jean Moulin et Stéphane Hessel – désormais plus coutumier des meetings de la gauche bien pensante que des prises d’armes du Service Action ! Mais tous les présents, fonctionnaires ou militaires de la DGSE, étaient fiers de la présence de ces deux hommes – deux anciens du BCRA.
Dans le livre d’entretien avec Jean-Michel Helvig (1), Stéphane Hessel revenait longuement sur « sa » guerre et son rôle dans la Résistance. S’il ne fut pas Compagnon de la Libération, contrairement à Daniel Cordier, c’est que son rôle ne fut pas exceptionnel. Faut-il, comme le faisait Pierre-André Taguieff, le juger « secondaire » ? Hessel a tenu sa place quand d’autres s’accommodaient… C’est déjà beaucoup. Et il en a payé le prix lourd, avec la torture et la déportation.
De nationalité allemande, il est naturalisé français en 1937, et il mobilisé en 1939, comme officier dans l'infanterie. La défaite ne l'abat pas: «C'est tout simple. On s'est battus et on a été battus, mais on n'a pas fini la guerre : il faut continuer à se battre», racontait-il à Jean-Michel Helvig. Il rejoint l'Angleterre dès qu'il peut, en mars 1941, pour reprendre le combat. Il a 24 ans. On pense à lui pour devenir navigateur dans l'aviation, mais sitôt sa formation terminée, il est récupéré par les services secrets de la France libre, le BCRA. Pendant deux ans, il organise des réseaux depuis Londres, puis se porte volontaire pour une mission en France occupée, où il arrive fin mars 1944 – débarquant de nuit à bord d’un petit avion Lysander (mission Greco). Il s’agit de mettre en place les réseaux – et notamment les transmissions – en vue du Débarquement de Normandie.
Il est malheureusement arrêté par la Gestapo, le 10 juillet 1944 à Paris. «Je serai soumis par deux fois à la torture. Les claques, ça fait plus mal qu'on ne le pense. Quand elles pleuvent, on s'irrite, on se sent humilié, et cet homme qui me frappait m'a plus marqué que ceux qui m'ont mis dans la baignoire. A part quelques moments, le reste n'était pas une question de douleur physique mais plutôt une contrainte intellectuelle : Que dire ?» Avec les gestapistes, il dialogue en allemand, leur expliquant qu'ils sont en train de perdre la guerre... Un mois plus tard, Paris est en effet libéré, mais Hessel est déjà déporté, d'abord à Buchenwald puis à Dora. «Un prisonnier ne peut avoir qu'un objectif en tête : s'évader». Il y parvient en avril et regagne finalement Paris le 8 mai 1945. Une autre vie commence alors. A l'heure de vérité, le futur « indigné » a été digne.
le défenseur opiniâtre des droits des Palestiniens
De tous les combats auquel Stéphane Hessel, a prêté son enthousiasme et sa hauteur de vues, celui pour les droits des Palestiniens occupe une place à part dans son parcours. Au mois d'octobre, il avait manifesté une dernière fois sa fidélité à cette cause, en présidant la quatrième session du tribunal Russel sur la Palestine, une juridiction citoyenne, réplique de celle bâtie par le philosophe britannique Bertrand Russel et son homologue français Jean-Paul Sartre, qui avait jugé en 1966 les crimes américains au Vietnam.
Clin d'œil du destin, cette séance, consacrée aux responsabilités des Etats-Unis dans la poursuite de l'occupation israélienne et aux défaillances des Nations Unies, s'était tenue à New York, là même où le jeune Hessel avait débuté sa carrière, comme diplomate à l'ONU.
En hommage à son engagement pro-palestinien, qui l'avait mené à de multiples reprises en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, l'auteur d'Indignez-vous (éditions Indigène, 2010) avait été fait en novembre citoyen d'honneur de ce pays sans Etat. "C'est vraiment très triste, réagit le poète Elias Sanbar, ambassadeur de la Palestine à l'Unesco. Stéphane était quelqu'un d'extrêmement chaleureux, animé d'une énergie vitale, d'une foi inébranlable dans le droit. C'est une perte énorme, et pas que pour la Palestine."
"IL EN EST REVENU BOULEVERSÉ"
Dans un livre de dialogue, publié en 2012, Le Rescapé et l'Exilé (éditions Don Quichotte), les deux hommes, uni par un même amour de la poésie, avaient évoqué leur rapport à la question palestinienne. Hessel y racontait qu'à la sortie de la seconde guerre mondiale, marqué par l'expérience de la déportation, il était favorable à la création d'Israël. "Mais il racontait aussi qu'à cette époque-là, il était, comme beaucoup, totalement ignorant de ce qu'était la Palestine, précise Elias Sanbar, coauteur du livre. C'est par la question du droit qui lui était si chère, et de son non respect par Israël, qu'il a rejoint notre cause."
Son premier voyage dans les territoires occupés, qui remonte aux années 1990, l'incite à transformer ses convictions en actions. "Il en est revenu bouleversé, quasiment habité par le sentiment qu'il avait le devoir de parler, se remémore Leïla Chahid, la représentante de la Palestine auprès de l'Union européenne, qui était alors en poste à Paris. Il en était d'autant plus convaincu, qu'à cette époque, l'image d'Israël, qui prévalait dans les milieux intellectuels, était celle de la seule démocratie du Moyen-Orient."
Dans les années 2000, le fringant octogénaire multiplie les déplacements dans une région en pleine ébullition. On le croise dans le camp de réfugiés de Jabaliya, dans la bande de Gaza, où il vient épauler un projet de l'association La Voix de l'enfant, à Bil'in, le village de Cisjordanie, emblème de la résistance contre la barrière de séparation israélienne, et en Israël aussi, où il rencontre des refuzniks, ces jeunes qui refusent la conscription, au nom de la lutte contre l'occupation.
La notoriété venant, il ne peut éviter quelques invitations officielles, par les représentants du Fatah comme du Hamas, ce qui lui vaut des critiques du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), avant d'en revenir à son goût pour les gens et le terrain. "Ce qui est beau chez lui, c'est qu'il n'appréhendait pas le droit comme une matière froide et technique, mais comme une éthique de comportement, se souvient Leïla Chahid. Qu'il défende le sans-papier qui dort sur une bouche de métro ou le Palestinien qui n'a pas de pays, il n'était pas dans l'idéologie, mais dans le vécu, dans l'empathie."
BÊTE NOIRE DES MILIEUX PRO-ISRAÉLIENS FRANÇAIS
En 2009, l'infatigable Hessel s'insurge contre l'opération "Plomb durci", qui coûte la vie à plus d'un millier de résidents de Gaza, qualifiant les bombardements israéliens de "crimes contre l'humanité". Il milite pour la libération de Salah Hamouri, le jeune Franco-Palestinien condamné par Israël à sept années de prison, pour son implication supposée dans un improbable complot visant à assassiner un rabbin. Il joint également sa voix à la campagne BDS (boycottage, désinvestissement, sanctions), qui lutte de façon non-violente contre l'impunité d'Israël, en appelant notamment à un boycottage des produits fabriquées dans les colonies juives de Cisjordanie.
Ce ralliement achève d'en faire la bête noire des milieux pro-israéliens français, qui, à l'instar de l'écrivain Pierre-André Taguieff, martèlent qu'il appelle à la "haine d'Israël " et qu'il s'est rangé dans le camp des "pires antijuifs". En janvier 2011, le CRIF obtient même l'annulation d'une conférence à laquelle il devait participer à l'Ecole normale supérieure, rue d'Ulm à Paris.
"Toutes ses tentatives pour le salir ne l'ont pas affecté, assure Leïla Chahid. Sa défense des droits des Palestiniens ne s'est jamais faite aux dépens des droits des Israéliens. Il élargissait les frontières de la Palestine à une cause humaniste, universelle." Le sachant rattrapé par l'âge, la diplomate palestinienne l'incitait ces derniers mois à ralentir le rythme de ses interventions. "Comme une vraie mamma arabe", confie-t-elle, dans un rire traversé de chagrin. Mais en vain. Hessel avait prévu de participer à l'ultime session du tribunal Russel, programmé mi-mars. Le vieil indigné refusait de raccrocher. "Il nous laisse un message, conclut Elias Sanbar, c'est qu'il faut se battre sur le front du droit, encore et encore. C'est ça ou le bain de sang."
"Un maître à ne pas penser"
Stéphane Hessel a été "un maître à ne pas penser", a jugé mercredi le président du CRIF, Richard Prasquier, qui dénonce notamment la "volonté obsessionnelle" de l'ancien diplomate et résistant "de faire de Gaza l'épicentre de l'injustice" dans le monde.
"Il est de notoriété publique que nous étions très opposés à ses prises de position, notamment à sa volonté obsessionnelle de faire de Gaza l'épicentre de l'injustice dans ce monde et du Hamas un mouvement pacifique", écrit le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, dans un texte transmis à l'AFP.
Stéphane Hessel, pionnier de l'ONU et Européen convaincu, auteur du livre «Indignez-vous» qui a inspiré le mouvement «Occupy Wall Street» et rencontré un succès phénoménal, est mort dans la nuit de mardi à mercredi, a annoncé son épouse. L'ancien diplomate, déporté, résistant et activiste était âgé de 95 ans.
Homme de gauche et européen convaincu, Stéphane Hessel était connu pour ses prises de position engagées. Depuis sa retraite en 1983, il était resté très actif en publiant nombre d'ouvrages dont «Engagez-vous» (2011), livre d'entretiens avec Gilles Vanderpooten ainsi qu'un appel contre l'arme atomique dans «Exigez! Un désarmement nucléaire total».
Stéphane Hessel par lui-même, entretien accordé à France Info en janvier 2013
Il y a un peu plus d'un mois, Stéphane Hessel se confiait longuement à France Info, à l'occasion des cinquante ans de l'amitié franco-allemande. L'ancien résistant racontait notamment l'Allemagne de l'entre-deux-guerres, la montée du nazisme, les camps de concentration. Retrouvez ce long entretien ci-dessous.
L'an dernier, l'écrivain avait sorti en France «Déclarons la Paix! Pour un progrès de l'esprit», reprenant des entretiens avec le dalaï lama. Mais c'est son petit manifeste «Indignez-vous!» qui en a fait une star. Ce livre défendant l'esprit de résistance s'est vendu depuis octobre 2010 à quelque 4,5 millions d'exemplaires dans le monde et a été traduit en 30 langues.
Affable et élégant
Cet ouvrage a coïncidé avec le Printemps arabe qui a vu la chute de plusieurs régimes dictatoriaux. Le terme d'»indignés» a été repris en Occident par des manifestants, notamment en Espagne et en Grèce. Son pamphlet avait aussi inspiré le mouvement «Occupy Wall Street» à New York.
Toujours prompt à se mobiliser, cet homme affable, à l'extrême courtoisie et d'une élégance parfaite, avait suivi avec passion le Printemps arabe. «Ce qu'ont démontré Tunisiens et Egyptiens, c'est que l'islam moderne est parfaitement compatible avec une démocratie laïque», assurait-il en mars 2011.
Enthousiaste comme à vingt ans, il se réjouissait que son message recueille le soutien des jeunes en Espagne ou en Grèce, où beaucoup de protestataires brandissaient son ouvrage. Ce succès foudroyant «est encore un étonnement pour moi mais cela s'explique par un moment historique. Les sociétés sont perdues, se demandent comment faire pour s'en sortir et cherchent un sens à l'aventure humaine», confiait-il en mars 2012.
Droits de l'homme
Né le 20 octobre 1917 à Berlin, arrivé en France à 7 ans, Stéphane Hessel était le fils de Franz et Helen Hessel, née Grund. Naturalisé français en 1937, diplômé d'études supérieures de philosophie et d'une institution d'élite française, il est mobilisé en 1939 et rejoint les Forces françaises libres en 1941. Arrêté par la Gestapo, il est déporté en 1944 à Buchenwald puis à Dora.
A la Libération, il devient détaché au secrétariat général de l'ONU (1946-1951) et participe à l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme, sans en être rédacteur. Après des postes de conseiller diplomatique à Saïgon au Vietnam et Alger, il échoue en 1975 dans sa mission pour faire libérer l'otage française Françoise Claustre, détenue au Tchad.
Représentant permanent de la France auprès de l'Office des Nations-Unies en 1977, il était revenu en France pour s'occuper, de 1981 à 1983, de questions de coopération et d'aide au développement.
Le président du Parlement européen, le social-démocrate allemand Martin Schulz, a salué mecredi la mémoire de l'intellectuel. Il l'a qualifié de «grand Européen, toujours engagé, jamais satisfait, mu par un esprit de combat et de liberté».
Homme de gauche et européen convaincu, Stéphane Hessel était connu pour ses prises de position engagées. Depuis sa retraite en 1983, il était resté très actif en publiant nombre d'ouvrages dont «Engagez-vous» (2011), livre d'entretiens avec Gilles Vanderpooten ainsi qu'un appel contre l'arme atomique dans «Exigez! Un désarmement nucléaire total».
Il y a un peu plus d'un mois, Stéphane Hessel se confiait longuement à France Info, à l'occasion des cinquante ans de l'amitié franco-allemande. L'ancien résistant racontait notamment l'Allemagne de l'entre-deux-guerres, la montée du nazisme, les camps de concentration. Retrouvez ce long entretien ci-dessous.
L'an dernier, l'écrivain avait sorti en France «Déclarons la Paix! Pour un progrès de l'esprit», reprenant des entretiens avec le dalaï lama. Mais c'est son petit manifeste «Indignez-vous!» qui en a fait une star. Ce livre défendant l'esprit de résistance s'est vendu depuis octobre 2010 à quelque 4,5 millions d'exemplaires dans le monde et a été traduit en 30 langues.
Affable et élégant
Cet ouvrage a coïncidé avec le Printemps arabe qui a vu la chute de plusieurs régimes dictatoriaux. Le terme d'»indignés» a été repris en Occident par des manifestants, notamment en Espagne et en Grèce. Son pamphlet avait aussi inspiré le mouvement «Occupy Wall Street» à New York.
Toujours prompt à se mobiliser, cet homme affable, à l'extrême courtoisie et d'une élégance parfaite, avait suivi avec passion le Printemps arabe. «Ce qu'ont démontré Tunisiens et Egyptiens, c'est que l'islam moderne est parfaitement compatible avec une démocratie laïque», assurait-il en mars 2011.
Enthousiaste comme à vingt ans, il se réjouissait que son message recueille le soutien des jeunes en Espagne ou en Grèce, où beaucoup de protestataires brandissaient son ouvrage. Ce succès foudroyant «est encore un étonnement pour moi mais cela s'explique par un moment historique. Les sociétés sont perdues, se demandent comment faire pour s'en sortir et cherchent un sens à l'aventure humaine», confiait-il en mars 2012.
Droits de l'homme
Né le 20 octobre 1917 à Berlin, arrivé en France à 7 ans, Stéphane Hessel était le fils de Franz et Helen Hessel, née Grund. Naturalisé français en 1937, diplômé d'études supérieures de philosophie et d'une institution d'élite française, il est mobilisé en 1939 et rejoint les Forces françaises libres en 1941. Arrêté par la Gestapo, il est déporté en 1944 à Buchenwald puis à Dora.
A la Libération, il devient détaché au secrétariat général de l'ONU (1946-1951) et participe à l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme, sans en être rédacteur. Après des postes de conseiller diplomatique à Saïgon au Vietnam et Alger, il échoue en 1975 dans sa mission pour faire libérer l'otage française Françoise Claustre, détenue au Tchad.
Représentant permanent de la France auprès de l'Office des Nations-Unies en 1977, il était revenu en France pour s'occuper, de 1981 à 1983, de questions de coopération et d'aide au développement.
Le président du Parlement européen, le social-démocrate allemand Martin Schulz, a salué mecredi la mémoire de l'intellectuel. Il l'a qualifié de «grand Européen, toujours engagé, jamais satisfait, mu par un esprit de combat et de liberté».
Egger Ph.