Utilisation abusive de pesticides, sols contaminés par des métaux lourds, ou jardins placés sur d'anciennes décharges: les potagers urbains ne sont pas toujours garants de pureté.
Mauvaise nouvelle pour les agriculteurs du dimanche: les légumes de jardin cultivés en ville sont tout sauf biologiques. Certains contiennent plus de métaux lourds que ceux achetés en supermarché, à en croire les conclusions de chercheurs de l’Université de Berlin qui ont traqué les traces de métaux dans les plantations de la capitale allemande.
Si les scientifiques appellent à ne pas céder à la panique, les résultats ont de quoi donner envie de laisser tomber la bêche. «Certains produits analysés dépassaient même les limites de l’Union européenne pour être considérés comme consommables», précise l’étude parue en juin dernier dans la revue Environmental Pollution.
Les axes routiers très fréquentés sont jugés responsables de ces valeurs par le scientifiques allemands. Dans une autre étude de 2002, le chercheur français Olivier Massounie avait déjà révélé que certaines carottes plantées dans des potagers situés près d’autoroutes accumulaient de fortes concentration en plomb et en autres substances nocives libérées par les pots d’échappement, jusqu’à une distance de 60 mètres à l’intérieur des jardins.
«Dans les agglomérations où la circulation est dense, il est vrai qu’il peut y avoir des résidus de plomb, de métaux lourds, relève Roland Von Arx, chef de la section Sols auprès de l’Office fédéral de l’environnement. Des cendres ou des composts du passé peuvent aussi créer des soucis encore aujourd’hui. Et il faut être conscient que les métaux lourds ne s’éliminent presque pas.»
Le comportement des jardiniers privés est également en cause, estime Jean-Luc Pasquier, consultant et chroniqueur horticole. «Ils ont tendance à ajouter une couche d’engrais ou d’insecticide pour protéger les plantations.» La plate-forme energie-environnement.ch relevait ainsi en 2009 que «chaque année en Suisse, environ 130 tonnes de pesticides sont utilisés dans les jardins privés et les espaces verts ouverts au public. Or, une trop grande part de ce qui est versé dans les jardins et autour des villas et des immeubles va directement dans la nature. (…) Ainsi, les scientifiques constatent une augmentation inquiétante de nombreuses substances chimiques dans les lacs et les nappes phréatiques.»
Des propos corroborés par une étude de référence publiée par le canton de Bâle en 2010, qui s’intéressait à la présence de pesticides résiduels dans les sols cultivés et les potagers. «Les jardins familiaux offrent des surfaces qui sont généralement assez petites, relève Pierre-André Magnin, responsable de cette plate-forme d’information des services cantonaux de l’énergie et de l’environnement. Cela incite les jardiniers à chercher le meilleur rendement possible et à produire leurs végétaux dans des conditions climatiques peu idéales — d’où les maladies et le recours aux produits phytosanitaires. De plus, la proximité des carrés de culture pousse à la compétition entre certains jardiniers et fait que les traitements des uns débordent sur les parcelles des autres.»
Certains exemples historiques montrent que les espaces de verdure ne sont pas garants de pureté. «Dans le cas désormais bien connu de la commune genevoise d’Onex, des jardins familiaux avaient été placés sur une ancienne décharge», rappelle Christiane Wermeille, de la section Sites contaminés auprès de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Pendant 40 ans, des particuliers ont ainsi cultivé des jardins sur des tonnes d’ordures déversées par la voirie de 1957 à 1962. On pulvérisait chaque année 5000 kilos d’insecticide sur le site pour lutter contre les mouches.» Un cas similaire a été recensé dans le canton de Soleure, à Dornach.