Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

samedi 13 avril 2013

La banque qui rend fou


Affaire Cahuzac, Offshore Leaks, intimidations contre la Suisse: l’angoisse monte d’un cran. Le bon moment pour rire jaune des paradoxes intemporels du monde bancaire.

C’est un semi bien trompeur. Les échanges d’informations bancaires avec les Etats-Unis, dans le cadre du projet de loi fiscale Fatca, peuvent bien être qualifiés de «semi-automatiques». Ce n’est en réalité une consolation que pour ceux, de plus en plus rares, qui s’acharnent en ces matières à voir le verre systématiquement à moitié plein. Les mines en réalité se montrent majoritairement inquiètes et pointent avec désolation le verre à moitié vide. Semi-automatique, ce serait déjà trop et la marge de manœuvre négociée par la Suisse s’avère infiniment faible, avec des aménagements légers qui ne concerneront guère que les banques cantonales et les caisses de pension.

Surtout que de leurs côtés, les voisins, amis et quasi frères autrichiens et luxembourgeois jouent les gâche-métiers en promettant, eux, l’automaticité des délations, pardon des échanges, dès 2015.

Si le semi de l’automaticité n’est qu’une aimable forme de politesse, à quoi donc se raccrocher? Une partie de la classe politique veut entrevoir une lueur qui semble bien vacillante: heureusement, disent ouvertement certains, qu’il existe encore des vrais paradis fiscaux, des off-shore durs de durs et qui en ont dans le coffre, légitimant ainsi les pratiques quand même moins douteuses de la Suisse. Tel le président du PDC Christophe Darbellay qui «observe» comme avec gourmandise que «l’échange d’informations n’est pas un standard international. La Suisse s’y pliera lorsque ce sera un standard mondial valable pour toutes les places financières de Londres à Singapour en passant par les Etats-Unis». Son homologue radical Philippe Müller tient à peu près le même langage et défend tout aussi crûment le fromage bancaire suisse au motif que l’automaticité «n’est de loin pas un standard pour les places off-shore». Ce qui revient un peu à justifier la petite délinquance par l’existence de la mafia.

En gros, c’est tout de même la résignation inquiète qui prédomine. Les uns n’imaginent pas Britanniques et Américains laisser longtemps la Suisse concurrencer à armes égales leurs propres paradis fiscaux. Et soutiennent que le lest lâché ne sera compensé par aucune mansuétude, y compris de la part de nos plus proches voisins englués dans leurs déficits.

Les autres, à l’image du blogueur patriote Philippe Barraud, n’ont pas mieux et pronostiquent qu’à force de cahuzaqueries, entraînant des répliques globales et incontrôlées, genre «Offshore Leaks», ainsi que la rancune des Etats taxateurs roulés dans la farine de l’évasion, on file tout droit à un seul résultat: l’avènement de la prophétie orwellienne, le triomphe de Big Brother, au nom de sainte Transparence.

Devant de telles angoisses protéiformes, trouvera-t-on quelque profit à méditer sur le principe même du système bancaire qui accumule les paradoxes et a toujours fasciné les plus beaux esprits? Ainsi, à propos des cachoteries inhérentes à un tel univers, ce conseil de l’avisé Marshall McLuhan, premier vrai théoricien de la communication: «Seuls les petits secrets doivent être protégés. Les grands sont gardés secrets par l’incrédulité du public.» Si Cahuzac a fini par sombrer, c’est peut être bien parce que chacun pensait que la somme de ses entourloupes ne se montait qu’à 600′000 misérables euros. Si, comme certains le suggèrent désormais, ça avait été 15 millions, le ministre aurait pu maintenir plus longtemps, les yeux dans les yeux, l’énormité de son mensonge. Même les teigneux journalistes à moustache auraient hésité à y croire.

On pourra goûter aussi la stupéfaction de l’économiste John Kenneth Galbraith devant d’aussi peu fines manigances: «Le procédé par lequel les banques créent de l’argent est tellement simple que l’esprit en est dégoûté.» A moins, à la fin des fins, que las à la fois de tant d’argent et de cette moraline à deux sous qui entend le faire passer d’une poche à l’autre, on s’accorde avec l’humoriste américain Ambrose Bierce pour ramener les choses à ce que, tout bonnement, elles sont: «Un dépôt est une contribution charitable à l’avenir de votre banque.»