Depuis plus d'un siècle, cette croyance populaire a la vie dure. Longtemps décriée par les scientifiques, elle pourrait finalement être avérée...
"C'est bien connu, on n'utilise que 10 % des capacités de notre cerveau." Qui n'a jamais entendu cette phrase, édictée telle une loi, qui ferait croire que 90 % de nos compétences ne sont pas exploitées ? Cette idée reçue, que l'on prête - sans doute à tort - à Albert Einstein, date de la fin du XIXe siècle. Depuis, elle a été alimentée et entretenue par divers mouvements vantant des méthodes capables de développer l'intégralité du potentiel de notre cerveau. Les notions de télépathie, de télékinésie ou autres capacités paranormales sont souvent mentionnées comme preuves d'un vaste champ de compétences inexplorées.
À la lumière des connaissances actuelles, il semble que cette expression soit en fait une image plus ou moins exacte selon la manière dont on l'interprète. En effet, 100 % de nos neurones nous sont bel et bien utiles tout au long de la journée, ou tout au moins de la semaine, mais nous ne les utilisons pas tous en même temps. Cependant, notre intelligence est aussi le fait de connexions entre nos neurones, et ces dernières sont illimitées, d'où l'idée vraie d'un vaste potentiel dormant à exploiter. Selon les activités que nous pratiquons, différentes zones du cerveau "s'allument" et sont mises en action. Ainsi, pendant que vous lisez ces lignes, les aires de la vision, du langage, de la compréhension et du jugement sont mises en marche en différentes parties cérébrales. De même, quelques aires motrices se sont aussi activées comme les paupières. Quand vous changerez d'activité, d'autres aires seront mises en mouvement et s'animeront, un peu comme quand on passe d'une pièce à l'autre, éteignant et allumant des lumières. Pourtant, il ne nous viendrait pas à l'idée de dire que seuls 10 % des éclairages de notre maison sont utiles sous prétexte qu'ils ne sont pas tous allumés en même temps ! Les différentes techniques d'imagerie ont ainsi démontré qu'environ 5 % des neurones fonctionnent simultanément, mais que 100 % sont bien utiles et utilisés régulièrement !
Immense réseau
Les études sur les dommages cérébraux apportent d'ailleurs une autre preuve du caractère indispensable de chaque parcelle de nos méninges. En effet, la moindre lésion entraîne immanquablement une baisse de nos capacités, ce qui montre bien que toute notre matière grise est active et que l'on ne peut pas se permettre de se passer d'une partie ou que l'activité ne se limite pas à quelques zones.
Ce constat est rassurant mais peut décevoir ceux qui voyaient là un nouveau territoire à explorer. Devons-nous pour autant abandonner toute perspective de découvertes inédites ou de trésors enfouis au sein de nos 100 milliards de neurones ? Non, bien au contraire : le potentiel du cerveau est chaque jour à explorer et à améliorer, expliquent les scientifiques. Les découvertes récentes ont d'ailleurs ouvert un nouveau champ des possibles sur la plasticité neuronale : nous pourrions développer en permanence des connexions supplémentaires et, surtout, fabriquer de nouveaux neurones, ce que l'on croyait impossible il y a encore quelques années.
Au fil des découvertes, il apparaît que ce qui définit notre intelligence, ce ne sont pas tant nos neurones, mais les milliards de connexions que ceux-ci créent entre eux, telle une immense toile. Un réseau d'autant plus performant qu'il est en permanence capable d'évoluer, de se transformer et de s'entraîner. C'est en fait l'activation régulière de certaines connexions qui facilite leur ancrage et leur réactivation ultérieure. À l'image d'un chemin que l'on trace et que l'on balise après plusieurs passages...
Sophie Bartczak