Le député des Pyrénées-Atlantiques a entamé un tour de France des exclus. Une démarche pure, honnête et courageuse qui a enthousiasmé Claire Gallois.
Le député des Pyrénées-Atlantiques Jean Lassalle. © DENIS CHARLET / AFP
Le 10 avril, le député des Pyrénées-Atlantiques Jean Lassalle, 58 ans, prend son bâton de pèlerin au départ de l'Assemblée nationale. On ne connaît pas la date de son retour. Jean Lassalle, c'est l'homme qui croit à ce qu'il fait et ne fait pas de promesses qu'il ne tiendra pas. En 2006, il mène une grève de la faim de cinq semaines pour sauver une usine de sa circonscription. Hospitalisé d'urgence, il cesse sa grève après l'intervention du gouvernement pour le maintien de l'usine. Il a gagné. Au péril de sa vie. Cette fois, il va traverser toute la France, à raison de 20 kilomètres à pied tous les jours, à la rencontre des citoyens. Il veut lancer "Les cahiers de l'espoir", cousins des "cahiers de doléances" précédant les États généraux de 1789, pour en appeler à la créativité du peuple, et non à la Révolution.
Prendre la mesure du "niveau de désespoir"
Haute silhouette de berger, grand manteau noir, écharpe rouge et béret basque, il garde cependant sa cravate, car c'est en tant qu'élu qu'il se présente aux Français. Il ne croit plus dans le théâtre de marionnettes auquel nous assistons au quotidien. Hollande à la une des médias tous les jours, entre tristes records et désastre des chiffres du chômage. Entre annonces prometteuses, comme la loi sur la sécurisation de l'emploi, aussitôt démentie par les syndicats sur ce leurre : la création de nouveaux emplois. Mélenchon qui croit rassembler le peuple en agitant un balai rouge. Duflot qui imagine résoudre le problème du logement en ajoutant des étages modernes aux immeubles haussmanniens. Un paquet de nantis dont on nous déballe sans fin les corruptions. Entre une droite décomposée et une gauche ahurie qui peine à reconnaître les siens, Jean Lassalle a le courage de chercher les vérités, et non les petits arrangements de chacun pour nous rassembler.
Il a entendu les obscurs, les sans-grade, ceux qui lui ont confié : "S'il me prenait trop fort l'envie de mourir, je suis si seul que personne ne s'en rendrait compte avant des semaines. Parce que je n'aurais pas payé mon loyer." Ou bien cet autre : "Pas encore gratteur de guitare dans le métro. Pas encore aux Restos du coeur. Pas encore parqué par certaines municipalités. Je me demande, où sont les limites ? Existe-t-il des charters France-France ?" Et cet ancien informaticien en fin de droits : "J'ai enfin trouvé le moyen de me procurer ce qui me manque trop, je vole chez Carrefour. Comme j'ai encore mon look de bureaucrate, les agents de surveillance me donneraient le bon Dieu sans confession."
Une force colossale
Au 38e jour de sa marche, dans la région de Dunkerque, Jean Lassalle reconnaît : "Le niveau de désespoir que j'ai rencontré se situe à une hauteur que moi-même je n'avais su mesurer. Nous n'avons pas su éviter le piège de l'hégémonie financière. Cette crise génère une angoisse telle que nos liens sociaux les plus intimes se distendent." À travers routes et chemins, il est à l'écoute des anonymes, des découragés, de tous ceux qui prédisent que "ça va péter", mais pas de leur fait, pas de leur propre volonté, ils n'en ont plus la force, le seuil de la pauvreté est trop souvent un barrage à l'action. Sur son site ledeputequimarche.fr, chacun peut remplir un formulaire et faire état de sa situation, de ses espoirs, des projets qu'il est prêt à soutenir. Il y a même un numéro de téléphone (le 06 07 36 77 49) pour ceux qui souhaitent le rencontrer à une étape, marcher avec lui, échanger.
Pour Jean Lassalle, si les cinq millions d'exclus parviennent à se faire entendre, c'est une force colossale qui fera comprendre aux hommes politiques, qui vivent sur une autre planète, d'arrêter la création d'emplois bidon, de structures qui ne servent à rien, de missions, d'études, de réflexions qui ne débouchent sur rien. Jean Lassalle sait très bien de quoi il parle, il a voté en 2012 contre le traité européen instituant une règle d'or des finances publiques. Il veut encourager le peuple à trouver les portes de l'échange et du dialogue. "Je crois de toutes mes forces qu'il y a beaucoup à espérer. Ensemble, nous pourrions régénérer la démocratie et revivifier la République. Le jour où l'Homme retrouvera l'Homme, chemin faisant, paisiblement, ils reconstruiront un destin partagé".
Il manque beaucoup de Jean Lassalle dans notre vie politique actuelle.
Claire Gallois