Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

vendredi 14 juin 2013

Tous anti-américains, tous blochériens?


Finalement acceptée aux Etats, trouille au ventre, avant d’être soumise au National, la Lex USA a donné lieu à des déferlements de colère pas toujours justifiés.

Les banquiers avaient prévenu: ce serait «un bain de sang». Si les élus des Etats ont finalement pris peur et approuvé la Lex USA, ceux du Conseil National pourraient se montrer plus coriaces. D’autant que la classe politique reste largement arc-boutée contre — UDC, radicaux et socialistes confondus.

Ce rejet souvent viscéral des propositions américaines paraît largement partagé par la population. Avec la résurgence du grand fantasme de big brother, affaire Snowden oblige, l’anti-américanisme sous nos cieux semble désormais la valeur la mieux partagée.

Il est tout de même assez piquant d’avoir vu la gauche et les médias défendre la fraude fiscale au seul vrai motif que le fisc était américain. Pas moins que d’entendre les partis bourgeois faire chorus contre des Etats-Unis qu’autrement ils présentent volontiers comme le modèle de la liberté d’entreprise et des libertés démocratiques, et parler de «trahison», «capitulation sans conditions», «arrogance néocoloniale», «chantage», «violation de la souveraineté nationale». Eux qui n’ont cessé des années durant de défendre le secret bancaire, et surtout la distinction entre fraude et évasion fiscale, à défendre donc effectivement la fraude, pour s’étonner aujourd’hui que le gendarme veuille taper sur les doigts des voleurs.

Une Amérique ainsi vilipendée de toute part. Alors que les Suisses tout au long de l’année, politiciens et journalistes compris, s’y précipitent en foule pour y jouer les touristes ébahis, consommant à très haute dose sa culture cinématographique, musicale et littéraire, adoptant ses habitudes alimentaires. Comme si ce que ce pays avait produit de mieux n’était pas sa constitution. Les mêmes grands voyageurs nous expliquaient tout au long de la campagne de 2007 qu’évidemment, jamais ces lourdauds racistes d’américains n’éliraient un président noir.

Relevons encore, comme le note dans Le Temps le professeur de droit Jean-Claude Delley, que ce n’est pas la première fois que la Suisse est en bute à la vindicte américaine, et que chaque fois dûment et longtemps prévenue, elle a dû finir par plier et par plier au prix fort. Que chaque fois aussi les raisons de la colère américaine étaient loin de s’avérer indéfendables: «Ainsi, les Etats-Unis exigèrent, en 1943 déjà, que la Suisse cesse de blanchir l’or de l’Allemagne nazie. En vain. En 1946, Berne doit accepter une amende de 250 millions de francs pour solder ce différend, un accord qualifié alors de diktat et d’humiliation». Rebelote avec les avertissements américains concernant les fonds juifs en déshérence. Sourde oreille pendant des décennies jusqu’à ce que, le capital patience étant épuisé, UBS et Credit Suisse se voient contraints de verser 1,25 milliard dans un fonds pour dédommager les ayants droit des comptes bloqués depuis la fin de la guerre.

Enfin, c’est le vieux Blocher qui résume à lui seul les sentiments de tous et de chacun dans cette affaire. Que dit le seigneur d’EMS? Qu’avec le projet du Conseil fédéral, les banques livreront aussi «les données concernant les fiduciaires, les avocats d’affaires et les gestionnaires de fortune». Que bref c’est toute la Suisse qui va se faire dépecer de ses meilleurs morceaux. Qu’après l’acceptation de la Lex USA «tous les pays, l’Allemagne, la France, l’Italie, demanderont la même chose». Que les banques qui défendent l’accord ont «eu tort de céder aux pressions américaines». Que ce n’est pas aux politiques de payer les pots cassés mais aux établissements qui se sont mis dans cette panade, et pour le sauvetage desquels il serait aberrant de «mettre entre parenthèse le droit suisse». Et enfin, qu’«il appartient aux propriétaires des banques qui ont commis des actes illicites de préparer leur plan B et de payer des amendes». On dirait du Christian Levrat dans le texte.

Comme si, rappelant un fameux slogan des années 70 «plutôt rouge que mort» on basculait cette fois dans un guère moins niais «plutôt blochérien qu’Américain».