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mercredi 31 juillet 2013

Coca-Cola, c’est moi




La dernière opération de la firme, avec ses bouteilles qui affichent des prénoms, montre l’essor spectaculaire du marketing personnalisé. Une campagne qui profite des avancées de l’impression numérique.

Ce fut l’un de ces émouvants moments de camaraderie et de partage à la rédaction. Un matin, une graphiste a amené à son cher voisin d’open space une bouteille de Coca-Cola estampillée «Sandro», que son père lui avait offerte la veille. Il l’avait vue par hasard en faisant ses courses et avait pensé au collègue de sa fille. Il n’avait pas pu s’empêcher de l’acheter.

Depuis quelques semaines, les clients de la marque peuvent acquérir des bouteilles et canettes personnalisées. La multinationale a défini les 150 prénoms les plus répandus dans chaque pays et les a imprimés sur ses produits. L’opération s’accompagne d’une campagne publicitaire intitulée «Partagez un Coca-Cola».

Marketing one-to-one

Testé en Australie en 2011, ce marketing personnalisé avait permis au leader mondial des sodas d’augmenter ses ventes de 4%. Aucun chiffre encore sur l’action de cet été, mais la campagne a d’ores et déjà créé du buzz sur la page Facebook de la marque et sur un site dédié où les clients se montrent en photo avec une bouteille à leur nom. L’opération s’inscrit dans la tendance du marketing one-to-one.

Les multinationales standardisées tentent de créer des relations de proximité comme le boulanger ou l’épicier de quartier. «Nous sommes passés de l’ère de la publicité de masse à la relation de l’entreprise à l’individu, analyse Michelle Bergadaà, professeur de marketing à l’Université de Genève. Le marketing personnalisé tente de répondre à un besoin de cocooning tout en jouant sur la valorisation de l’individu face à la grosse machine mondiale.»

Nike fait figure de pionnier de cette segmentation du marché. Outre une série de produits différenciés pour ses diverses cibles, la marque propose depuis longtemps de personnaliser soi-même ses baskets sur le site internet NIKEiD. Le «marketing ethnique», surtout utilisé dans l’industrie cosmétique, permet pour sa part de fabriquer puis de distribuer de manière ciblée des produits selon la prévalence ethnique de chaque quartier.

En appelant ses clients par leur prénom, Coca-Cola pousse un cran plus loin ce déterminisme tout en restant fidèle à ses valeurs. «Depuis près de cent trente ans, Coca invite simplement à partager un bon moment en famille ou entre amis. Ils n’ont jamais dérogé à cette idée de partage dans toutes leurs publicités», explique Giovanni Tammaro, directeur du cours de technicien en marketing au SAWI.

Opération complexe

Chez Coca-Cola Suisse, on affirme que cette opération marketing est la plus lourde jamais mise en œuvre. «C’était extrêmement complexe à gérer en termes de logistique, notamment pour assurer un mix de bouteilles dans chaque point de vente», explique Matthias Schneider, responsable de la succursale suisse du groupe à Brüttisellen (ZH).

Au niveau technique, cette opération a été rendue possible grâce au système d’impression numérique. Cette technologie existe depuis trente ans mais, récemment, la concurrence dans le domaine a fait baisser les prix et le secteur a gagné en vitesse et en qualité. Contrairement à l’imprimerie offset classique, elle ne nécessite pas de créer des plaques d’impression. Les fichiers passent directement de l’ordinateur à l’imprimante, qui peut programmer ce qu’on appelle des données variables sans faire augmenter les coûts.

L’idée de Coca-Cola fait des émules. Nutella propose ainsi des étiquettes personnalisées à commander sur son site internet, tandis que M&M’s vend des paquets siglés de nos initiales. A quand des garde-manger entièrement à notre effigie?