En juin, le taux de chômage a chuté à 2,9 % dans la Confédération et à 2,8 % chez les jeunes. Résultat : des places à prendre pour les frontaliers.
Les Suisses aiment répéter : "Il n'y en a point comme nous", histoire de rappeler que ce petit pays au centre de l'Europe a échappé à deux guerres mondiales et, quoique dépourvu de matières premières, offre à ses huit millions d'habitants un niveau de vie supérieur à celui de ses voisins, Allemands, Français et Italiens.
Le secrétariat d'État à l'Économie (Seco) ne reprend pas cette expression, mais la très longue énumération de chiffres donnée dans le document "La situation sur le marché du travail en juin 2013" parle d'elle-même. Le taux de chômage est descendu à 2,9 %. Il était à 3 % en mai et à 3,1 % en avril. Le pays ne compte plus que 126 500 personnes inscrites aux "offices régionaux de placement".
La bonne santé des banques suisses
Avant même de se pencher sur ce "miracle" suisse, retenons que dans ces offices régionaux de placement un chômeur est pris en charge, reçu régulièrement, et peut voir ses droits rognés s'il ne recherche pas suffisamment un nouvel emploi. La Suisse ne plaisante pas avec les prestations : un étranger qui frauderait peut dorénavant être expulsé ! Selon le Seco, le taux de chômage atteint 2,1 % chez les Suisses et 5,5 % chez les étrangers.
Mais l'essentiel est dans l'excellente santé de l'économie suisse, et notamment de sa principale "industrie" : l'activité bancaire. À l'étranger, la lutte intense contre l'évasion fiscale et les paradis fiscaux peut donner le sentiment que la Confédération ne serait plus qu'un îlot assiégé. Il n'en est rien. En mai dernier, Le Point.fr révélait que les banques suisses n'avaient jamais accueilli autant d'argent. Les fonds propres de la banque Pictet ont ainsi grimpé de 20 %, ceux de Lombard Odier de 15 %. L'UBS, le plus grand établissement, affiche une hausse de 6,8 %. Les riches, prudents, préfèrent placer leurs économies dans un pays qui respecte les équilibres budgétaires. Le quotidien Le Temps de Genève souligne que les banques proposent fin juin 1 190 postes vacants, soit une hausse de 17 % depuis le début de l'année. Au total, "le secteur financier dispose de quelque 3 506 postes vacants (+ 14 %), soit son plus haut depuis juin 2011".
Emplois indirects
Mais on ne doit pas limiter l'activité économique de la Suisse aux seules banques, qui ne rentrent que pour 12 ou 13 % dans le PIB. Il faut aussi tenir compte de tout ce que la place financière a généré, comme les compagnies d'assurances et de réassurances, les sociétés de négoce de matières premières, les fiduciaires, les cabinets de notaires, d'avocats d'affaires, d'établissements financiers spécialisés dans les financements commerciaux. Ajoutons un éventail de spécialistes dans des domaines très pointus, informaticiens, experts-comptables, transporteurs, logisticiens.
Si l'on ajoute les chauffeurs, les gardes du corps, les convoyeurs de fonds, les concierges, les huissiers, les hôteliers et même les animatrices de bars à champagne qui distraient les étrangers fortunés, tout ce petit monde gravite autour de l'activité des banques suisses... La Confédération se porte bien, d'autant qu'elle a pu freiner la hausse du franc suisse, qui, un temps, flirtait avec l'euro, pénalisant les exportations (chimie, horlogerie, machines-outils). Aujourd'hui, un franc suisse ne vaut que 0,8 euro. Au final, selon le secrétariat d'État à l'Économie, près de 15 000 emplois ne trouvent pas preneurs : la Suisse va donc continuer à recruter des frontaliers.
Autre spécificité suisse : les 15-24 ans sont moins affectés que leurs aînés par le chômage. En juin, il n'y avait dans tout le pays que 15 566 jeunes inscrits dans les offices régionaux de placement, soit 5,5 % de moins qu'en mai. Les Suisses alémaniques demeurent les bons élèves de cette situation exceptionnelle, avec un taux de chômage à 2,4 %, contre 4,3 % pour les francophones et les italophones. La lanterne rouge, depuis des décennies, reste Genève avec 5 % de sans-emploi.
Ian Hamel