Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

dimanche 17 novembre 2013

Saint Nicolas de Flüe, le saint patron de la Suisse


Statue de Nicolas de Flüe à Flüeli-Ranft


Saint Nicolas de Flüe, en allemand : Niklaus von Flüe, né le 25 septembre 1417 et mort le 21 mars 1487 à Sachseln est un ascète suisse qui est le saint patron de la Suisse. Il est parfois invoqué comme « Frère Nicolas. » Les principales caractéristiques attribuées à la pensée de Nicolas de Flüe – esprit de paix, non-intervention dans les affaires étrangères, modération - ont aujourd'hui encore des répercussions sur la manière dont certains Suisses perçoivent leur pays et envisagent sa politique.

Nicolas de Flue est né à Sachseln, dans la municipalité de Flueli dans le canton d'Unterwald. Il est le fils de Heinrich von Flue et Hemma von Ruobert, paysans aisés. Il mène initialement une vie de modestie, pieusement identique à celle des paysans de sa région2. Il se distingue ensuite en tant que soldat dans la lutte contre le canton de Zurich, qui s'était rebellé contre la confédération. Vers l'âge de 30 ans, il épouse Dorothy Wiss, la fille d'un fermier, avec laquelle il a cinq fils et cinq filles, qu’il entretient avec aisance, grâce à son travail acharné. Il continue dans l'armée, et à l'âge de 37 ans il atteint le grade de capitaine. Il aurait été connu pour se battre avec une épée dans une main et un chapelet dans l'autre. Après avoir servi dans l'armée, il devient conseiller et juge de son canton en 1459 et sert comme juge pendant neuf ans. Il refuse la possibilité de servir comme Landamman (gouverneur) de son canton.



Un mystique politique

Après avoir reçu une vision mystique d'un lis mangé par un cheval, qu'il reconnut comme indiquant que les soucis de sa vie mondaine (le cheval de trait tirant une charrue) avalait sa vie spirituelle (le lys, symbole de pureté) il décide de se consacrer entièrement à la vie contemplative. En 1467, il quitte sa famille avec le consentement de sa femme, et s'installe comme ermite à Ranft en Suisse, tout en établissant une chapelle et un prêtre sur ses fonds propres, afin de pouvoir assister à la messe quotidienne. Selon la légende, il a survécu pendant dix-neuf ans, sans autre nourriture, que l'eucharistie. La rumeur de son prodigieux jeûne se répercute jusqu'aux oreilles de l'État qui décide de vérifier si l'écho est bien juste, mais en vain car les autorités cèdent après un mois d'observation. Les témoignages se rapportant à son absence d'alimentation matérielle ou inédie, sont peu fiables et s'expriment en ces termes : « Dieu seul le sait ».

Sa réputation de sagesse et de piété était telle que les grands de toute l'Europe sont venus chercher ses conseils. Il était alors connu de tous comme « Frère Nicolas. » En 1470, le pape Paul II accorde une indulgence au sanctuaire de Ranft et il devient un lieu de pèlerinage, car il était sur le chemin de Compostelle.

Nicolas intervient au cours de la diète de Stans en 1481 qui résulte des guerres de Bourgogne et où des conflits apparaissent, notamment concernant l'admission de Fribourg et de Soleure dans la Confédération, entrées redoutées par les cantons ruraux. Un des témoins du Convenant, Heini am Grund, va chercher auprès de Nicolas de Flue un message dont le contenu exact demeure inconnu mais qui établit les bases d'un compromis juridique qui règle la situation.

Des lettres de remerciements qui lui furent adressées par Berne et Soleure ont été conservées.

En dépit d'être analphabètes et ayant peu d'expérience avec le monde, son art de la médiation et son sincère amour de la paix on fait de lui un conciliateur entre protestants et catholiques et un des principaux unificateurs de la Suisse. À une époque où la réforme aurait pu entrainer l'éclatement de la Confédération, son opiniâtreté a contribué à l'unité nationale.

Son culte prend un nouvel essor lors des deux conflits mondiaux qui, au XXe siècle, épargnent la Suisse. La ferveur populaire, qui ne se limite pas aux seuls catholiques, trouve un écho lors de la canonisation de l'ermite en 1947, quand bien même la gauche suisse reproche à Nicolas de Flue d'avoir favorisé la classe dominante.

Canonisation

Il a été béatifié en 1669. Après sa béatification, la commune de Sachseln construisit une église en son honneur où son corps a été enterré. Nicolas de Flue a été canonisé le 15 mai 1947 par le pape Pie XII. Il est Saint-patron mondial de la paix depuis cette date. Il est également, de même que Saint Martin et Saint Sébastien, le saint-patron de la Garde Suisse Pontificale au Vatican. Il est aussi le patron des familles nombreuses, des médiateurs et le protecteur des épouses qui vivent séparées de leur mari.

Il est fêté le 25 septembre en Suisse et le 21 mars ailleurs

Le nouveau Catéchisme de l'Église catholique cite une brève prière personnelle de saint Nicolas de Flue8. Cette prière quotidienne de Saint Nicolas de Flue, Mein Herr und Mein Gott, est encore activement utilisée aujourd'hui.

En sa mémoire, un musée a été fondé dans le village de la commune de Sachseln (OW), où se trouve également l'église de pèlerinage de ce saint.

Une église à Lausanne est également placée sous son patronat: il s'agit de la paroisse de Saint-Nicolas-de-Flue, à Chailly.

«Que le nom de Jésus soit votre salutation. Nous vous souhaitons beaucoup de bien et que le Saint-Esprit soit votre ultime récompense»

C’est en ces termes que nous salue un mystique et politique qui vécut il y a plus de cinq cent ans et qui, en Suisse, est vénéré depuis ce temps comme un artisan de paix et un saint. Nous venons de nommer Nicolas de Flüe (1417-1487). Jusqu’à l’âge de cinquante ans, il vécut comme un citoyen honorable d’Obwalden parmi les membres de la communauté de son village et prit part activement à la vie du village. Après une profonde crise intérieure, il se retira et passa les vingt dernières années de sa vie comme ermite dans la prière et le jeûne. Des compatriotes et des gens venus de l’étranger allaient lui demander conseil. Ils l’appelaient affectueusement frère Nicolas. Ainsi le mystique devenait-il de plus en plus un conseiller politique et son nom se répandit dans toute l’Europe.

Son époque

Au XVe siècle, la Suisse était arrivée dans une phase mouvementée de son développement: la guerre à l’intérieur comme à l’extérieur, la corruption et des affaires de «pots de vins» ébranlaient le pays. Même au sein de l’Eglise, il régnait une situation scandaleuse qui devait conduire, par la suite, à la Réformation. A Sachseln, dans la paroisse de Nicolas de Flüe, il n’y eut, de 1415 à 1446, ni de curé ni de messe. Il n’y avait même pas d’école dans la campagne. La formation de Nicolas de Flüe fut le fruit d’une expérience pratique. Les grandes stations de sa vie étaient jalonnées de rêves, d’images, de visions qui lui ouvraient la voie intérieure et à travers lesquelles il interprétait de façon prophétique les misères de son époque. – Dans le registre paroissial de Sachseln datant de 1488 (illustration), des amis, des voisins et des connaissances ont fait figurer au procès-verbal leurs témoignages sur la vie de Nicolas de Flüe. En outre, des centaines de témoignages datant de son époque nous ont été transmis par d’autres sources littéraires. (Ouvrage de référence: Durrer / Amschwand.)

Sa vocation

Nicolas naquit en 1417 de Heini de Flüe et de Hemma Ruobert et fut baptisé dans le village voisin de Kerns. Il racontera plus tard qu’il se souvenait de sa naissance et de son baptême. Il dit avoir vu, dans le ventre maternel, une étoile qui éclairait le monde entier et un grand rocher ainsi qu’un récipient d’huile. Cette vision nous rappelle Jérémie 1,5: «Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu; avant même que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré; comme prophète des nations, je t’ai établi». A l’âge de seize ans, Nicolas vit une grande tour à l’endroit où se situera plus tard sa cellule et sa chapelle. C’est pourquoi il a voulu depuis sa jeunesse chercher un «être uni» (Registre Paroissial, 1488). L’«être uni» constituait en même temps la devise de Nicolas de Flüe: Unir le monde et Dieu, c’est ce qu’il voulait. Et comme une tour vivante, il donnera plus tard au peuple une orientation et un soutien.

Vie de laïc



Maison familiale de Nicolas et de Dorothée de Flüe-Wyss.Nicolas devint paysan. Dans sa jeunesse il alla également à la guerre. Cependant, il dit avoir toujours aimé la modération, puni l’injustice et causé peu de dommage à ses ennemis pendant les guerres, il les a protégés au besoin (Registre paroissial, 1488). A l’âge de trente ans environ, il se construisit une maison et il épousa Dorothee Wyss alors âgée de seize ans. Cinq garçons et cinq filles naîtront de ce mariage. Nicolas devint membre du conseil municipal et juge. Il avait ce talent particulier d’être le médiateur entre des parties qui se disputaient. Pourtant, il ne prenait pas de faux égards. En 1457, il intenta avec les habitants de son village, un procès contre le curé du village parce que celui-ci exigeait trop de redevances. En 1462, il servit de médiateur entre le peuple de Stans et le couvent d’Engelberg et se prononça pour le droit du peuple à élire le curé. Nicolas devait faire l’expérience de ce que les juges et les conseillers municipaux sont aussi corruptibles. Il démissionna de son poste politique et sombra dans une profonde crise. Il chercha de plus en plus la solitude et pratiqua le jeûne.

Regarder la vérité en face

Nicolas savait très bien ce dont souffrait son époque. Il comprenait le cœur des hommes qui, dans la vie privée comme publique, n’avaient présent à l’esprit que leurs avantages. Il vit, une fois, le Mont Pilate s’enfoncer dans la terre: «La terre entière s’était ouverte et tous les péchés se sont révélés. Une grande foule apparut, et derrière elle, la vérité. Tous avaient les yeux détournés de la vérité et ils portaient dans leur cœur une infirmité aussi grande que deux poings. Et cette infirmité n’était que l’avantage personnel qui séduisait les gens». – Cette vision garde pour nous aujourd’hui toute son actualité. Le Mont Pilate qui s’effondrait tiendrait lieu aujourd’hui de l’environnement menacé, de l’écart sans cesse grandissant entre les pauvres et les riches, des millions d’apatrides. Sommes-nous prêts à regarder en face la vérité qui transparaît sous ces phénomènes ?

Crise et adieu

Nicolas luttait pour la voie qu’il avait choisie. D’une part, il se sentait lié à sa famille; d’autre part, le désir de renoncer à tous les biens terrestres grandissait en lui. Après deux années de doutes accablants, Dorothée lui accorda son oui libérateur pour un futur incertain. Habillé d’un vêtement de pèlerin, Nicolas quitta, le jour de l’anniversaire de saint Galles (le 16 octobre) 1467, sa maison, sa terre, et sa famille. Beaucoup de gens avaient de la peine à comprendre comment Nicolas pouvait se séparer de sa femme et de ses dix enfants. En effet, comme événement sans précédent, c’était à peine compréhensible. Plus tard Nicolas dira souvent que c’était une grâce divine inestimable «qu’il a pu obtenir l’accord de sa femme et de ses enfants pour mener sa vie d’ermite» (Registre paroissial, 1488). Malgré la séparation, Dorothée et Nicolas demeuraient liés par l’amour. La contribution de Dorothée à la vie de salut que mena son mari ne doit pas être sous-estimée. Elle mérite, non moins que Nicols, remerciements et vénération.

Frère Nicolas

Vêtu d’une robe brune de pèlerin, Nicolas prit la direction de Bâle. A Liestal (avant Bâle), il a été retenu. La petite ville lui parut d’un rouge vif. Nicolas parla avec un paysan qui était sur le chemin. Celui-ci lui conseilla de ne pas partir pour l’étranger mais de rester dans le pays pour servir Dieu. Nicolas passa la nuit à la belle étoile. Et là un rayon de lumière venu du ciel le toucha et lui causa une forte douleur comme si on lui entaillait la chair à l’aide d’un couteau. Nicolas s’en retourna. Sans manger ni boire il retourna dans sa patrie où il fut découvert par des chasseurs dans les montagnes. Il continua à chercher jusqu’à ce que quatre lumières lui indiquèrent le lieu où il devait s’établir: ce sera sur sa propre terre, à quelques cent mètres de sa maison, en bas près du ruisseau, au fond d’un profond ravin. Il vécut l’hiver dans la pauvreté et le froid. L’année qui a suivi, les gens de son pays lui construisirent une petite maison et une chapelle. Le paysan Nicolas de Flüe deviendra ainsi le frère Nicolas, l’ermite.

Jeûne prophétique

Depuis la nuit de Liestal, le frère Nicolas vivait sans se nourrir. Face aux curieux qui voulaient savoir pourquoi il jeûnait, il était réservé et répondait tout simplement: «Dieu le sait.» Néanmoins il dit une fois que: «Quand il assistait à la messe et que le prêtre consommait le sacrement, il en était si fortifié qu’il pouvait vivre sans manger ni boire, sinon il ne pouvait pas le supporter» (Registre paroissial, 1488). – Par son jeûne, Nicolas contrastait fort heureusement avec le Bas Moyen Age avide de miracles et de jouissances. Jeûner n’était vraiment pour lui rien d’exceptionnel. Il l’a toujours voulu. Son fils Hans disait: «Autant qu’il s’en rappelle, son père a toujours fui le monde. De plus, il avait toujours jeûné quatre jours par semaine et pendant le carême, il n’a pas mangé plus qu’un petit bout de pain et un peu de poire séchée» (registre paroissial, 1488).

Les deux fenêtres



Même en tant qu’ermite, le frère Nicolas avait les deux pieds sur terre. L’envoyé milanais Bernardo Imperiali écrivit le 27 juin 1483 à son Duc à propos du frère Nicolas: «lo trovato informato del tutto» (je l’ai trouvé informé sur tout). L’ermite était au courant de tout. Il avait un esprit éveillé et allait au fond des choses. Dans sa cellule, une fenêtre vers l’intérieur, vers les hommes. Ce que l’on emmenait du monde au frère Nicolas, il l’offrait en prière à Dieu; ce qu’il recevait de la prière, il le redonnait aux hommes. Son conseil était d’une grande profondeur. Nous, hommes d’aujourd’hui, qui sommes submergés par des informations, nous demeurons cependant superficiels et consommons constamment du nouveau. Le frère Nicolas n’a pas consommé. Au contraire, il a jeûné. C’est bien là où les hommes sont capables de profondeur que poindra, dans le monde, une nouvelle vie.

Vivre à partir du centre


«Le frère Nicolas était un pur profane qui ne savait ni lire ni écrire» (Heinrich Wölflin, 1501). Cependant l’ermite parlait de son «livre». C’était un dessin représentant une roue. Le mouvement partait du centre et revenait au centre. L’image de la roue a été publiée en 1487 par un pèlerin inconnu avec une déclaration du frère Nicolas: «C’est mon livre; c’est en lui que j’apprends et cherche l’art de cet enseignement». Il appela la roue l’image à travers laquelle il contemplait l’être de Dieu. «Au centre, il y a la divinité non divisée dans laquelle tous les saints se réjouissent. Comme les trois rayons, les trois personnes de la divinité sortent et embrassent le ciel et le monde entier.» Il existait déjà une version illustrée de cette image de la roue du vivant de l’ermite (voir au verso de cette brochure). Les deux images témoignent de la profonde sagesse et de l’intelligence de ce «simple profane».


L’homme de paix

Beaucoup de gens qui cherchaient conseil venaient consulter le frère Nicolas: femmes et hommes, jeunes et personnes âgées, pauvres et riches. Les duchés d’Autriche, de Milan et de Venise ainsi que les cantons fédérés étaient en contact avec lui. Dans une époque pleine d’intrigues, le frère Nicolas était au-dessus de toutes les parties. Sa vie d’homme de conviction lui accordait une haute autorité morale. Lorsqu’après la victoire sur la Bourgogne, les Confédérés furent au bord de la guerre civile à cause du riche butin et des rivalités politiques, le frère Nicolas a su contribuer à la paix d’une manière décisive. (Le traité de Stans, 1481.) Depuis ce moment, il faisait figure d’homme de paix dont on réclamait la médiation dans les conflits politiques et ecclésiastique; par exemple, lors de la querelle de la réformation concernant la rénovation du couvent de Klingental à Bâle (1482) ou lors du conflit entre la Ville de Constance et les Confédérés (1482).

Paix et justice

Grâce au frère Nicolas, les Confédérés alors en conflit ont pu signer un contrat fédéral durable en 1481. Dans une lettre au Conseil municipal de la ville de Berne (1482), l’ermite nous fit savoir de quoi la paix dépendait: «…l’obéissance est le plus grand honneur au ciel et sur la terre; c’est pourquoi vous devez aspirer à l’obéissance les uns aux autres. …en tout cas, la paix se trouve en Dieu parce que Dieu est la paix.» On ne peut commander la paix. C’est un don. Des conflits ne peuvent être résolus de manière fructueuse que dans le respect mutuel et entier (obéir les uns aux autres). Il n’y a pas de paix sans justice. C’est pourquoi celle-ci s’adresse à ce qui est plus profond dans l’homme et nous demande le plus grand effort. La paix se fonde en dernier lieu sur «l’être uni», sur l’union avec Dieu.

Mon Seigneur et mon Dieu

Le 21 mars 1487, le frère Nicolas mourut à l’âge de soixante-dix ans. 
Toute sa vie fut dominée par une prière composée par lui-même : 

Mon Seigneur et mon Dieu, 
éloigne de moi tout ce qui 
m’éloigne de toi. 

Mon Seigneur et mon Dieu, 
donne-moi tout ce qui 
me rapproche de toi. 

Mon Seigneur et mon Dieu, 
détache-moi de moi-même 
pour me donner tout à toi.


Un Saint œcuménique

Le frère Nicolas vécut avant la Réformation. Cependant quelques-uns de ses biographes étaient déjà des réformés. L’ermite avertissait nos Eglises de ne pas, en premier lieu, veiller sur les frontières mais de nous noyer dans le centre. Au centre, en Dieu-Trinité, se trouve l’«être uni». L’important était que nous vivions véritablement aussi du centre de la foi. Le réformateur zurichois Huldrych Zwingli s’était référé plusieurs fois au frère Nicolas. Surtout dans la lutte contre le système des mercenaires, les réformateurs trouvaient en Nicolas de Flüe un allié. Le frère Nicolas était au-dessus des parties: «il rassemblait les différentes confessions et cultures: il représente le meilleur moi de la Suisse» (comme le disait le théologien réformiste Georges Méautis, 1940). Et Karl Barth de dire lors de la canonisation (1947): «Malgré la canonisation que nous rejetons par principe, le frère Nicolas demeure également notre saint».

Le frère Nicolas appartient au monde entier

Les contemporains de l’ermite appelait celui-ci déjà de son vivant le «saint vivant». Sa réputation se répandit dans toute l’Europe. Le rapport le plus impressionnant d’un voyage chez le frère Nicolas vient de Hans Waldheim, de Halle à Sachsen. Le 25 mai 1474, il rencontra l’ermite avec sa femme Dorothée et leur plus jeune garçon. En 1487 parut un livre illustré sur l’image de la roue du frère Nicolas à Nuremberg. Parmi les premiers pèlerins qui, après la mort de l’ermite, ont visité la tombe, il y eut un pêcheur danois et un orfèvre d’Erfurt. Tous deux venaient de Saint-Jacques de Compostelle à Sachseln et se trouvèrent guéris de leur maladie. Le poète suisse Heinrich Federer écrivit en 1921: «Le frère Nicolas était trop grand pour être simplement un Suisse. Il appartient au monde entier». Il y a de nos jours sur quatre continents des centaines d’églises, de chapelles et d’écoles qui sont consacrées au saint de la paix: Nicolas de Flüe.

La famille 'von Flüe'


Le "Flüeli" est un plateau bordé des montagnes escarpées de Sachseln. Vers l’est, ce plateau est délimité par les gorges du "Ranft", vers le nord-ouest par un rocher imposant et une colline boisée. Ce rocher (Fluo) est à l’origine du nom de famille ("von Flüe") et du lieu ("Flüeli"). De plus, il protège la maison de Heini von Flüe et Emma Ruobert, qui donnent à leur fils, né en 1417, le nom de Nicolas – patron de l’église St-Nicolas qui se trouve en face du Ranft. Bien que modifiée à plusieurs reprises, la maison natale a été conservée jusqu’à nos jours.

En bonne santé, cet enfant de paysans connaît une vie heureuse avec ses parents, ses frères et sœurs, au milieu de sa parenté et dans la région qui lui devient si familière. Il monte souvent sur le Fluo, d'où il survole tout son univers – d’un côté la ferme de ses parents, de l’autre côté le pays d’Obwalden, sa plus large patrie. C’est avec son père qu’il apprend le métier de paysan: la culture des prés et des champs, l’élevage du bétail, le travail du bûcheron ; il fend le bois pour le foyer et le poêle, il coupe les poutres pour la construction.

Erny Rohrer, un ami d’enfance, raconte qu'ils avaient souvent joué et passé du bon temps avec Nicolas, qui aurait été "un garçon toujours poli, bienveillant, vertueux, pieux et honnête, sans jamais aigrir qui que ce soit." Le jeune Nicolas se distingue par son sens pratique et son caractère sérieux. Souvent il quitte ses camarades et abandonne leurs jeux. Il se cache alors derrière une remise ou dans un autre lieu solitaire pour prier et réfléchir. Plus d’une fois, il reste comme saisi par des visions qui se rapportent à ce qu'il y a de plus essentiel en lui : Le saint chrême du baptême lui rappelle la noblesse de sa vocation, une pierre symbolise la solidité et la stabilité de son être, une étoile l’encourage à être point de repert pour d’autres. Nicolas cherche sérieusement à développer une vie intérieure limpide; il renonce à beaucoup de choses et commence très tôt à jeûner. Il est en train de devenir un homme mûr, solide et capable.

Le jeune homme 

À quatorze ans, Nicolas accompagne son père pour la première fois à la Landsgemeinde. Ainsi commence la vie publique du grand Nicolas. Il est apprécié et respecté par ses compatriotes. Il a bon cœur. Ce qu’il dit est réfléchi et correspond à la réalité. Sa présence favorise la confiance. Bientôt ses concitoyens lui confieront différentes tâches.

Mais le jeune homme est aussi attiré par le silence. À l’âge de seize ans, il a la vision d’une haute tour au Ranft. Cette image est un symbole pour la conduite de sa vie : Ancré dans le sol comme une tour, il veut grandir aussi vers le ciel. Il veut unir le monde à Dieu et être au service de tous. Selon ses propres mots, il cherche "l'Un". Cet ardent désir sera la motivation de toute sa vie.

À partir de seize ans, les jeunes gens pouvaient être appelés sous les armes. Nous ne connaissons pas les campagnes auxquelles Nicolas a participé. Des amis d’enfance rapportent que même à la guerre il recherchait le silence, qu’il nuisait très peu aux ennemis, qu’il les protégeait plutôt. Avec droiture, il continue sa route alors que ses compagnons maraudent et incendient.



À la ferme, la vie suit son cours. Le marcher des céréales s’épuise alors que l’élevage du bétail s’intensifie. Il est probable que Nicolas, avec d'autres jeunes paysans, ait emprunté d’année en année les cols du Brünig, Grimsel et Gries pour rejoindre Domodossola. Il vendait des génisses sur les marchés de Lombardie. En aurait-il aussi rapporté pour sa maison les vitres en culs-de-bouteille ? Nicolas pense à sa future famille et prépare la construction de sa propre maison. Il choisit la parcelle "Schibloch-Matte". De là-haut le regard embrasse aisément toute la vallée. Parents et voisins prêtent main forte. Grâce à leur aide, une imposante maison voit le jour. Actuellement, après une reconstruction experte, cette maison se présente à peu près comme au temps de Nicolas.

En pleine activité, Nicolas ressent toujours cet ardent désir de "l'Un". Il voit des hommes qui se laissent séduire par l’argent et les plaisirs. Il découvre dans son propre cœur des tentations menaçantes. Une nouvelle vision le secoue : Alors qu’il est en train de rejoindre son bétail, un lis sort de sa bouche et monte jusqu’au ciel. Son bétail s’approche. Un cheval fait toute sa fierté. Le lis se penche alors et le cheval dévore la belle fleur. Est-ce que l’amour du bétail pourrait engloutir son amour de Dieu ? À partir de ce moment, Nicolas intensifie encore sa recherche spirituelle. Il profite de chaque instant pour se plonger dans la prière. Le boire et le manger sont réduits au strict nécessaire. 

Époux et père    
    
Habituellement, c’est autour des vingt ans qu’un jeune paysan d’Obwalden se marie. Nicolas prend son temps. Comment rencontre-t-il la jeune Dorothée Wyss, et combien de temps ont-ils préparé leur mariage ? Nous l’ignorons. Mais comme tout autre jeune homme, il la conduit à la danse. Au Ranft il se souvient bien encore de l’élan de leur amour naissant.

Nicolas a vingt-neuf ans lorsqu’il épouse Dorothée. La maison est prête, une nouvelle étape de vie peut commencer. Dorothée est une femme sympathique et efficace. On parle d’elle avec admiration. Elle s’investit pleinement dans son travail de paysanne; elle s’occupe des vêtements et de la nourriture, elle prend soin du jardin et du verger, elle soigne le menu bétail, récolte baies et fines herbes et prépare les provisions pour l’hiver. Des enfants viennent enrichir la famille et animent bientôt toute la maison. Au fil des années, Dorothée donnera à son mari cinq filles et cinq garçons. Que de travail pour cette famille nombreuse ! Mais les enfants aideront les parents. Les filles assistent la maman, les garçons travaillent avec le père. Et le travail ne manque pas à cette ferme.

 Comment vit la famille von Flüe ? Serait-elle meilleure, plus paisible que d’autres familles ? À ce sujet, nous n’avons aucun témoignage. Les parents sont certainement des exemples pour leurs enfants. Le papa, tranquille et réfléchi, sait écouter aussi bien qu’ordonner. À la punition sévère, il préfère la bonté persuasive. Depuis le Ranft, Nicolas écrira plus tard au Conseil de Constance : "Je vous conseille d’être magnanimes : Car le bien engendre toujours le bien." Nicolas en a fait l’expérience avec ses voisins, sa commune et sa famille. Mais le bon exemple n’a pas profité à tous les enfants. Quelques ombres ternissent la carrière politique de l’aîné de la famille.

Selon les témoignages de l’époque, Nicolas est un époux qui se distancie clairement des mauvaises habitudes ivrognerie, infidélité conjugale – de son époque. Il parle avec beaucoup de cordialité et de respect de sa femme. Elle est sa fidèle conseillère, aussi bien dans les affaires familiales que politiques. Dorothée est fière de son mari. Elle est heureuse de son beau foyer et de la considération croissante auprès des gens des alentours. Mais parfois elle se fait du souci. Elle reste coite; l’avenir l’inquiète. Car Nicolas s’impose une ascèse qui fait peur. Il mange à peine. En pleine nuit, il se lève et prie des heures durant, près du poêle. Après le travail, il se retire pour demeurer seul avec Dieu. Lorsqu’il rentre du travail, elle voit sur son visage les traces d’événements qu’elle ne comprend pas. Après des rencontres politiques à Sarnen ou Sachseln il est souvent déprimé et désorienté. Comment peut-elle épauler son mari ?
 
Politicien dans le pays d’Obwald 

Avant son mariage déjà, Nicolas a été appelé à des fonctions publiques. Il jouit de la considération de ses concitoyens qui lui confient des dossiers juridiques. Des écrits mentionnent Nicolas dans un procès mené par des gens de Sachseln contre leur propre curé. Il est également le représentant d’Obwald dans un litige entre le couvent d’Engelberg et la paroisse de Stans. Plus tard il fait partie du « petit conseil », l’instance politique et juridique d' Obwald. Il n’a jamais exercé la plus haute fonction du pays, celle de landammann. Aucune source fiable ne prouve qu’elle lui aurait été offerte et qu’il l’aurait refusée. Nicolas expliquait un jour à un pèlerin comment il voyait sa responsabilité politique: "J’étais puissant au tribunal et au conseil, même dans les affaires gouvernementales de ma patrie. Malgré cela je ne me souviens pas d’avoir privilégié quelqu’un et d’avoir quitté la voie de la justice."

La fonction publique n’est pas seulement un honneur, c’est aussi une charge. Nicolas doit lutter contre les us et coutumes pour rester fidèle à son propre chemin. Des intrigues malveillantes blessent son sens aigu de justice. Des juges corrompus l’empêchent un jour d’annuler un jugement partial. En tant que conseiller, il doit accepter que des personnages douteux soient accueillis pour de l’argent dans la communauté de son pays. Nicolas cherche toujours "l'Un". Mais il doute de plus en plus de ses dons et capacités.

'Un autre te conduira…'

À 48 ans, Nicolas est au comble de la reconnaissance publique. Il dispose de tout ce qui peut rendre heureux un homme : le bonheur de la famille, le succès économique et la promotion sociale. Mais tout cela ne peut le satisfaire. Il souffre beaucoup des abus politiques dans le pays d’Obwald. Un beau jour, un scandale politique éclate. Nicolas se retire de toutes les fonctions publiques. En même temps, la voix intérieure se fait insistante ; elle lui demande : "Quitte tout ce que tu aimes: ta femme, tes enfants, ton domaine et ta patrie." Une profonde dépression s'empare de lui. L'abîme était si sombre qu'il avouera plus tard: "J'étais si profondément déprimé que même ma femme et la compagnie de mes enfants m'étaient insupportables."

Dans cette détresse, Nicolas demande de l'aide au curé Heimo Amgrund. Celui-ci lui conseille de se souvenir de la passion de Jésus et lui propose d'en méditer les différentes stations à l'heure des sept moments forts de la prière canoniale. Le travail journalier de Nicolas ne facilite pas ce rythme de prière. Voilà pourquoi il se retire le plus souvent possible et recherche le silence du Ranft. Dorothée est la seule à savoir où il se trouve.

Nicolas est de plus en plus décidé à "chercher un endroit solitaire favorable à la méditation." Il en parle à sa famille. Commence alors un temps pénible de réflexion, de discussion, de recherche. Dorothée pense aux enfants. Ils auraient tellement besoin du père. Nicolas pense à l'appel de Dieu qui devient encore plus insistant. Les deux fils aînés sont adultes et connaissent leur métier de paysans, mais le souci le souci de la ferme et de leurs frères et sœurs les préoccupe. Père, mère et enfants souffrent ensemble et se demandent: "Quelle est la volonté de Dieu?" Ils essaient de se comprendre mutuellement. Ce n'est qu'après un long temps d'incertitude qu'ils peuvent accepter la volonté de Dieu. Ils laissent partir le père "à l'étranger". Nicolas en est reconnaissant. Il dira plus tard que cette permission de sa femme et de ses enfants pour la vie érémitique était une de trois grandes grâces reçues de Dieu.

Jusqu'à ce jour, Nicolas avait organisé sa vie lui-même. Désormais il se trouve dans une situation semblable à celle de Pierre auquel Jésus dit: "Quand tu seras devenu vieux, un autre te nouera ta ceinture et te mènera où tu ne voudrais pas." (Jn 21,18) Un événement banal conduit à cette conversion intérieure. Nicolas, le paysan, s'en va pour faucher. Il demande à Dieu une vie dévote. Un nuage lui parle alors: "Remets-toi à la volonté de Dieu, homme insensé. Laisse-toi faire par Dieu!"

Le Ranft, lieu de son grand désir
  

Le 16 octobre 1467, jour de la fête de saint Gall, trois mois après la naissance de son dernier-né, Nicolas prend congé de sa femme, de ses enfants, de sa ferme et de sa patrie. Il veut partir "à l'étranger et marcher comme pèlerin d'un lieu saint à l'autre." Habillé du froc du pèlerin il se dirige vers le Nord. Près de Liestal, il interrompt sa marche. Une lueur de feu, au-dessus de la petite ville, l'effraie. Un paysan lui déconseille de poursuivre sa route. Durant la nuit, un rayon de lumière pénètre dans son corps comme une épée et lui fait très mal. Maintenant il sait: "Dieu veut que je rebrousse chemin!" Immédiatement il rentre et se cache dans son alpage Chlisterli. Mais il ne pourra pas y rester. Et Dieu se tait, ne lui dit pas où aller. Finalement, quatre lumières montrent la direction du Ranft, l'endroit où le jeune homme de seize ans avait aperçu la tour. C'est là que le pèlerin Frère Nicolas – tel est désormais son nom – aboutit: lieu de son grand désir. C'est là qu'il pourra vivre "l'Un". Il passe l'hiver dans une demeure provisoire faite de torchis, de branchages avec, comme toit, des feuilles.

Ce retour au Ranft soulève les discussions. La famille est la cible des railleurs et des sceptiques. Bientôt une rumeur prétend que Frère Nicolas ne mange ni ne boit. Le gouvernement d'Obwald confirme cette nouvelle à la suite d'une enquête serrée. Durant l'été 1468, des amis et voisins construisent pour Frère Nicolas une chapelle en y ajoutant une petite cellule. Pourtant, les parents de frère Nicolas restent sceptiques. À l'occasion de la bénédiction de la chapelle en 1469, l'évêque de Constance ordonne une enquête sur le jeûne miraculeux de Frère Nicolas.

'L'Un' porte des fruits

Ce n'est pas quelque part à l'étranger, mais tout près de là où il fut paysan, père et politicien que Frère Nicolas mène sa vie d'ermite au Ranft. On parle bientôt du "saint vivant", non seulement chez les Confédérés, mais aussi dans toute l'Europe. De nombreux visiteurs viennent le trouver. Des hommes et des femmes de la région lui demandent conseil. Frère Nicolas les salue après la messe depuis la fenêtre de sa cellule: "Que Dieu vous accorde une bienheureuse journée, chers amis, chers gens." Des Évêques, des Abbés et des prêtres passent pour examiner l'authenticité de sa foi. Ils repartent pleins d'admiration. Les gouvernements des États confédérés envoient souvent des messagers au Ranft. Des princes étrangers comme l'archiduc Sigismond d'Autriche et le duc de Milan délèguent aussi des ambassadeurs. La ville de Constance demande la médiation dans un litige de jurisprudence en Thurgovie. Se présentent aussi des curieux et des farceurs pour importuner Frère Nicolas. Le gouvernement d'Obwald intervient à Lucerne pour qu'on éloigne les importuns. Frère Nicolas a fui le monde. C'est le monde qui vient vers lui maintenant.

Comment les visiteurs réagissent-ils à la vue de Frère Nicolas? Le premier biographe Heinrich Wölflin parle de gens qui "à première vue furent saisis d'un grand effroi." Frère Nicolas apparaît comme quelqu'un qui vit la réalité de Dieu non seulement dans la foi, mais la voit de ses propres yeux et la trouve dans son cœur." La plupart des hôtes s'accordent avec Hans von Waldheim de Halle qui dit après sa visite en 1474: "Frère Nicolas n'est pas triste; à travers ses paroles, sa démarche et ses gestes nous le découvrons affable, communicatif, à l'aise, joyeux et surtout aimable." En toute sa personne, Frère Nicolas unit ciel et terre.

Dans la nuit du 22 décembre1481, un messager accourt au Ranft. C'est le curé Heimo Amgrund. Ses nouvelles sont mauvaises. La Diète de Stans aurait dû apaiser les disputes à l'intérieur de la Confédération. C'est l'échec. Une guerre civile menace. Avec un message de Frère Nicolas, Amgrund retourne à Stans et convoque à nouveau la Diète. Les conseillers reçoivent le message de Frère Nicolas et concluent en peu de temps la paix. Grâce à autorité de Frère Nicolas, les cantons ruraux facilitent aussi l'admission dans la Confédération de deux cantons citadins: Fribourg et Soleure. Dans toute la Confédération sonnent les cloches. La déclaration finale relève "la fidélité, la peine et le travail dont ce pieux personnage, Frère Nicolas, a fait preuve en cette affaire."

Dorothée et toute la famille von Flüe se souviennent alors du temps angoissant d'avant le départ, des rumeurs humiliantes au village, des heures éprouvantes de solitude. Maintenant ils se réjouissent: "Notre père a sauvé la Confédération d'une guerre civile. Notre engagement aussi valait la peine."

Le message de paix du Ranft


Nous ne connaissons pas le contenu du message que Frère Nicolas destina aux conseillers à Stans. Mais presque une année plus tard, dans une lettre au Conseil de Berne, il médite sur la paix. Par des paroles simples, il dit son expérience de la paix.

La règle fondamentale, maintes fois expérimentée dans la vie pratique, se résume à une seule phrase: "L'obéissance est le plus grand honneur au ciel et sur terre. Veillez donc à vous obéir les uns aux autres". Comme juge déjà, Nicolas avait trouvé ce qui conduit à la paix: écouter l'autre (ob-audire), en tout premier lieu. Cela veut dire connaître les soucis de l'autre, découvrir ses blessures et ses préoccupations et les accepter. Cela veut dire aussi s'obéir mutuellement, faire un pas l'un vers l'autre, favoriser le dialogue, chercher une solution pour l'un et l'autre. "S'obéir mutuellement" est à l'opposé de ce qui se fait habituellement chez les Confédérés. Ils préfèrent, eux, résoudre les problèmes à coups de hallebardes plutôt que par des négociations. Très souvent les lansquenets imposent leurs manières rudes même dans leurs familles. Avec la règle "s'obéir mutuellement", Frère Nicolas inaugure un nouveau style de vie dans le milieu familial et une nouvelle culture sur la scène politique.

Homme de Dieu, mystique, Frère Nicolas fait des expériences à la fois très profondes et très concrètes. L'humble symbole de la roue lui révèle le mystère du Dieu trinitaire: Dieu surgit hors de son mystère le plus intime, embrasse ciel et terre – et retourne à l'unité, à sa paix divine. Le mystique reconnaît Dieu comme la véritable source de la paix. Fort de cette conviction, il écrit dans la même lettre au Conseil de Berne: "La paix est en Dieu, toujours; car Dieu est paix."

Frère Nicolas contemple les profondeurs de la foi tout en observant la vie concrète de tous les jours. Le saint et l'homme sont devenus un en lui. La force de cette unité lui donne du crédit auprès de ses concitoyens. Sa présence rayonne aujourd'hui encore.

Mort et toujours vivant



La dernière semaine de la vie de Frère Nicolas sera des plus dures. Une lourde souffrance affecte son corps et le martyrise jour et nuit. Chez son biographe Heinrich Wölflin nous lisons: "Il supporte les douleurs jusqu'au huitième jour avec patience et humilité. Il demande ardemment la sainte communion au corps et au sang du Christ. Couché à même le sol, selon son habitude, il expire en de grandes souffrances le 21 mars 1487, âgé de septante ans." Son corps est porté à Sachseln, où il est enterré, selon les directives de l'évêque de Constance, dans l'église paroissiale: un honneur réservé habituellement aux prêtres et aux notables.

Lorsque Dorothée se rend à la tombe, un messager lui rapporte qu'il a vu son mari sur le rocher du Flüeli, rayonnant de lumière, tenant dans sa main l'étendard avec l'acanthe, le signe de la victoire. Dans les registres de l'église de Sachseln, on inscrit les signes et miracles qui ont lieu sur sa tombe. Les pèlerins de toute l'Europe sont de plus en plus nombreux à visiter sa tombe et sa demeure. Frère Nicolas est mort, mais il vit toujours dans le cœur des hommes.

Il faut beaucoup de temps pour que l'Église reconnaisse la sainteté de Frère Nicolas. Le pape Innocent X le béatifie en 1649. 20 ans après, le pape Clément IX autorise sa vénération liturgique. Avec une grande joie, les gens d'Obwald construisent une église plus importante en l'honneur de leur compatriote. En 1679 sa tombe est transférée dans la nouvelle église. Mais c'est seulement en 1947 que le pape Pie XII canonise Nicolas de Flüe. Après deux guerres mondiales catastrophiques, le monde entier aspire à la paix. Frère Nicolas est le saint de la paix. Il en connaît la source et il sait le chemin qui y conduit. Sa vie entière est un appel à la paix, un signe de paix, également pour notre temps si tourmenté.


VISION DE LA VERITE DE SAINT NICOLAS DE FLUE


Au centre de la vision est un visage.
 
"Je suis la vérité", dit Jésus-Christ. (Jean, 14, 6.) C'est pourquoi la vérité a un visage.

Les idées n'étant jamais que des idées, pourquoi ne pas se tourner vers les images, où la vérité nous attend.

C'est dans la conscience comme une révolution. Elle doit abandonner une logique habituelle qui, entre autres, excluait réciproquement le singulier et le pluriel et, mieux encore, de l'englobé et de l'englobant. La vérité est quelqu'un et ce quelqu'un contient tous les autres. Nous savons que toutes choses ont été faites par le Verbe - Il dit et les choses sont faites (Ps. 32, 9) - et que rien de ce qui a été fait n'a été fait sans lui. (Jean 1, 3.) - et que toutes choses subsistent en lui." (Col. 1, 15-17.)

Egger Ph.