«Il est rare qu'un nouvel acteur de la scène mondiale suscite autant d'attention si rapidement, que ce soit parmi les jeunes ou les plus âgés, parmi les croyants ou les sceptiques», a expliqué la rédactrice en chef de Time, Nancy Gibbs, en présentant le gagnant sur la chaîne américaine NBC.
Arrivé le 13 mars à la tête d'une Eglise catholique en pleine crise, l'Argentin de 76 ans, successeur de Benoît XVI, est le premier non-Européen à avoir pris cette fonction suprême en quelque 1300 ans.
Avec son style modeste et proche des gens, il a fait souffler un air de changement sur l'Eglise catholique forte de 1,2 milliard de fidèles. «En neuf mois, il a su se placer au centre des discussions essentielles de notre époque: la richesse et la pauvreté, l'équité et la justice, la transparence, la modernité, la mondialisation, le rôle de la femme, la nature du mariage, les tentations du pouvoir», a énuméré Mme Gibbs.
Eglise embourbée dans des scandales
En septembre dans sa toute première interview, accordée à la revue jésuite «Civilta Cattolica», le pape recommandait ainsi la «miséricorde» pour les homosexuels, les divorcés et les femmes ayant avorté: sans changer les conceptions catholiques, il invitait à «accompagner» les personnes dans leur cheminement et leur complexité. La semaine dernière encore, le pape a décidé d'instaurer une commission d'experts pour améliorer la protection des enfants et mineurs, alors que l'Eglise catholique est embourbée dans des scandales de pédophilie.
«Pour avoir tiré la papauté hors de son palais afin de l'emmener dans la rue, pour avoir poussé la plus grande Eglise au monde à faire face à ses besoins les plus profonds, et pour avoir fait le juste équilibre entre jugement et compassion, le pape François est la personne de l'année 2013 de Time», a encore souligné Mme Gibbs.
Le Vatican s'est réjoui de cette nomination. «C'est un signe positif que l'une des récompenses les plus prestigieuses des médias internationaux revienne à une personne qui prêche des valeurs spirituelles, religieuses et morales dans le monde et prône véritablement la paix et la justice», a déclaré le porte-parole du plus petit Etat au monde, Federico Lombardi. «Si cela peut donner de l'espoir aux hommes et aux femmes, alors le pape est heureux», a-t-il assuré.
Interview exclusive
Le président américain Barack Obama, lui-même élu personne de l'année 2012 par le magazine Time, avait estimé en octobre que le pape François possède une «humilité incroyable, un sens de l'empathie pour les petits, les pauvres. C'est quelqu'un qui pense d'abord à se rapprocher des gens plutôt qu'à les repousser, à trouver ce qui est bon chez eux».
Le deuxième au classement de Time cette année est l'ancien consultant de l'agence de sécurité nationale américaine (NSA) Edward Snowden. A l'origine des révélations fracassantes sur les pratiques de surveillance des télécommunications par les Etats-Unis, le jeune homme est actuellement recherché par Washington et réfugié en Russie. Le magazine Time publie d'ailleurs mercredi une interview exclusive avec Snowden réalisée par mail.
A la troisième place, on retrouve la militante américaine Edith Windsor, la veuve octogénaire à l'origine de la décision de la Cour suprême des Etats-Unis en juin de donner aux couples homosexuels les mêmes droits au niveau fédéral que les couples hétérosexuels.
Elle est suivie par le président syrien Bachar al-Assad, qui a su montrer qu'«une cruauté absolue et continue, combinée à une intelligence géostratégique, est le meilleur moyen de rester au pouvoir au Moyen-Orient», selon Time. La désignation de la «personne de l'année» est une vieille tradition du magazine remontant à 1927. Le personne élue cette année-là avait été l'aviateur Charles Lindbergh pour son vol transatlantique historique.