Un excédent commercial de 20 milliards d'euros, 3,5 % de chômage... Il y a bien un miracle suisse, qui séduit de plus en plus d'Européens.
L'insolente santé de l'économie suisse attire les travailleurs étrangers. © Photononstop / AFP
Au moment où la France se rassure en constatant que son déficit commercial s'est réduit de 6 milliards d'euros l'année dernière, pour ne plus être que de 61,2 milliards, la petite Suisse annonce sans flonflons un excédent commercial de 19,5 milliards d'euros (23,9 milliards de francs suisses). Rien d'exceptionnel pour les Helvètes, le pays dégageait l'année précédente un excédent de 23,8 milliards de francs.
Dans le détail, les exportations suisses dans le secteur des denrées alimentaires et des boissons enregistrent une progression de 7,1 %, l'industrie des matières plastiques de 6,2 %, la chimie et la pharmacie de 2,5 %, enfin l'horlogerie de 1,9 %. Preuve que la Confédération ne doit pas sa bonne fortune qu'aux banques et à l'argent gris ou noir.
Plus d'industries qu'en France
Mais aussi à ses leaders mondiaux comme Nestlé dans l'agroalimentaire, Novartis et Roche dans les médicaments, Glencore dans le négoce, Logitech dans l'informatique. Sans oublier les grands groupes horlogers, Richemont (8,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 26 000 employés), Swatch (6,5 milliards de chiffre d'affaires et 30 000 salariés) ou encore Rolex.
La carte postale d'une Suisse pépère, avec ses vaches et ses sommets enneigés, ne tient pas. L'industrie entre à hauteur de 22 % dans le produit intérieur brut (PIB), contre 15 % pour la France. Grâce aussi à des milliers de petites et moyennes entreprises qui emploient 67 % des salariés. Certes, il est plus enviable d'être patron à Neuchâtel que de l'autre côté du Jura. La Suisse est toujours à 42 heures hebdomadaires, à quatre semaines de congés payés par an, à la retraite à 65 ans pour les hommes et 64 pour les femmes.
Salaire médian à 4 300 euros
Ajoutez que les cotisations patronales ne dépassent pas 15 % sur les fiches de paie et que les ouvriers ont rayé les mots "grève" et "contestation" de leur vocabulaire. Enfin, les cantons ne se bousculent pas pour augmenter les impôts, ils auraient même tendance à les baisser, comme Zoug ou Schwyz. Quant au budget de la Confédération, il affiche même un excédent !
De leur côté, les salariés s'y retrouvent aussi. Le salaire médian atteint 4 300 euros en Suisse, contre moins de 1 800 euros dans l'Hexagone. Le taux de chômage n'est que de 3,5 %. Motif ? Selon le département Recherche macroéconomique : "En Suisse, même les personnes moins productives sont intégrées au marché du travail, ce qui fait baisser la productivité moyenne, tout en maintenant le taux de chômage à un niveau bas."
Mieux payer les chercheurs que les footballeurs
Le mensuel Capital, qui consacrait en décembre dernier un dossier à la Suisse, donne la parole à Dominique Foray, débauché de Paris-Dauphine pour prendre la tête de la chaire d'économie de l'innovation de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) : "La Suisse est le seul pays qui paie mieux ses profs chercheurs que ses footballeurs." Certains professeurs d'université perçoivent plus de 18 000 euros par mois. Plus modestement, une caissière de supermarché débute à 3 200 euros. La gauche estime qu'aucun salarié ne devrait percevoir moins.
Doit-on vraiment s'étonner que les étrangers, Allemands, Français, Italiens, Autrichiens, se pressent pour travailler dans ce pays de cocagne, soit comme résidents, soit comme frontaliers ? À la limite, pourquoi n'y en a-t-il pas plus de 80 000 par an ? Contrairement à ce que prétend l'Union démocratique du centre (UDC), à l'origine de l'"initiative" contre l'immigration massive, la libre circulation n'a pas fait venir des hordes de profiteurs de l'aide sociale. Le taux des Européens assistés n'est que de 3,1 %, contre 2,2 % pour les Suisses.
Ian Hamel