De Rechthalten (Dirlaret) & Sankt Ursen (St-Ours), Canton de Fribourg (en Nuitonie), Suisse
lundi 17 février 2014
Pour maigrir, mieux vaut oublier les normes!
Les recherches montrent que les régimes stricts peuvent mener à une prise de poids. Les spécialistes en nutrition préconisent de moins en moins de standardisation.
Le corps et l’alimentation sont les nouvelles obsessions de la modernité. Et si l’on en croit les apôtres des régimes alimentaires, il suffirait de se conformer à la norme du «bien manger» pour atteindre la minceur athlétique, notre canon esthétique contemporain.
Qu’en est-il en réalité? Diététicienne et professeure à la Haute école de santé Genève, Maaike Kruseman s’est penchée sur les stratégies de personnes qui réussissent à maintenir une perte de poids. Elles constituent une très faible minorité parmi les personnes qui entreprennent un régime: «D’après la littérature, 95% des gens qui maigrissent finissent par revenir à leur poids de départ, voire à un poids supérieur. D’où l’impression que l’obésité est impossible à guérir. Nous voulons voir comment font ceux qui ne reprennent pas de poids.»
Et là, surprise: d’après les premiers résultats de son étude-pilote, ceux qui réussissent à maigrir ne suivent pas forcément les recommandations nutritionnelles. Au contraire, la recherche indique que les personnes qui parviennent à leur but utilisent des méthodes iconoclastes, comme se mettre au régime une semaine sur deux.
Ces premiers résultats corroborent des travaux réalisés avec d’anciens toxicomanes et alcooliques qui, lorsqu’ils reprenaient du poids, combattaient leur corpulence en alternant grignotage et restriction alimentaire… «La norme d’image corporelle crée une pression telle que les gens mangent plus mal que s’ils acceptaient leur poids de santé», résume Maaike Kruseman.
Manger sans angoisse
Pour la diététicienne, l’idéal de minceur ne correspond souvent pas à la fourchette de poids dans laquelle on est en bonne santé: «Ceux qui veulent perdre du poids sont fréquemment en quête d’une norme irréaliste, et doivent d’abord apprendre à accepter leur corps.»
Le problème, c’est qu’à l’instar de l’idéal de minceur dont les nutritionnistes cherchent à se distancer, la notion de «poids de santé» stigmatise l’obèse. Cette angoisse de la déviance par rapport à la norme se retrouve aussi chez les anorexiques: «L’anorexie commence généralement par un régime, qui tourne mal chez une jeune fille perfectionniste en quête d’une norme de minceur “anormale”, explique Isabelle Carrard, psychologue clinicienne, active dans le même projet de recherche que Maaike Kruseman. En conséquence, elle en arrive à refuser les conventions alimentaires “normales”, alors qu’au fond d’elle-même, elle cherche à être irréprochable.»
A bien des égards, l’introduction de normes, tant du côté de la corpulence que de l’alimentation, semble s’assortir d’effets toxiques: discrimination des gros, médicalisation de leur condition, mais aussi de l’acte le plus naturel qui soit manger.