Le Grand Conseil ne s’est pas (encore) déjugé. Vendredi matin, en deuxième lecture de la loi scolaire, il a réitéré ses préférences exprimées il y a trois mois en première lecture. Il a ainsi confirmé, nettement, les deux seuls amendements qui ont passé la rampe en février. Le premier concerne l’apprentissage de la langue partenaire, le deuxième concerne la filière sport-art-formation.
L’apprentissage des langues a tenu le parlement en haleine durant plus d’une heure. Après vingt-deux interventions, les députés ont tranché: par 61 voix contre 25 (5 abstentions), ils ont obligé le Conseil d’Etat à «mettre en œuvre des dispositifs particuliers pour favoriser le bilinguisme dès la première année de scolarisation». Cet amendement, proposé par Olivier Suter (Vert, Estavayer-le-Gibloux) avait passé la rampe de la première lecture par 55 voix contre 29 (8 abstentions).
Liberté aux communes
S’il y a eu à nouveau vote, c’est parce que la commission ne voulait pas «forcer les communes à instaurer des classes bilingues». Car un concept des langues existe, il a été adopté par le Grand Conseil et la loi telle que proposée suffit à mettre progressivement en œuvre ses neuf mesures, a rappelé sa présidente Yvonne Stempfel (PDC, Guschelmuth). «Il faut respecter les sensibilités et laisser la liberté aux communes», a-t-elle plaidé, pressentant «des coûts énormes» en cas contraire.
Jean-Pierre Siggen craint, lui, des «controverses». «Il ne sera pas possible d’imposer des classes bilingues», a averti le directeur de l’Instruction publique. Lequel a reçu l’appui du président des enseignants primaires francophones, Gaétan Emonet (s, Remaufens). «Il faut revenir sur notre décision, avec pragmatisme. Car l’amendement va trop loin: le bilinguisme ne se décrète pas», a argumenté l’instituteur. Son collègue et camarade moratois Hugo Raemy a cité pour sa part des études montrant que l’apprentissage précoce des langues n’est pas forcément efficace s’il est épisodique.
Antoinette de Weck (PLR, Fribourg) constate que l’apprentissage du bilinguisme ne fonctionne que si les enseignants sont motivés. «Si l’amendement Suter est maintenu, cela créera des attentes chez certains parents auxquelles on ne pourra pas répondre. On va au-devant de gros problèmes», alerte-t-elle.
«Il y a un malentendu: il n’a jamais été question pour moi d’ouvrir des classes bilingues à l’école enfantine», a rectifié Olivier Suter. Avant de rappeler que le bilinguisme est un «trésor» pour le canton. «Jouons cet atout majeur, pour ne pas être pomme avec le bour!» Pour gagner, Olivier Suter souhaite un dispositif «intelligent», à introduire progressivement. Les partisans de son amendement ont encore souligné la facilité avec laquelle un enfant en bas âge apprend une langue. Et rappelé que la HEP fribourgeoise forme des maîtres bilingues. «Parions sur l’avenir et passons du Röstigraben au Fonduebrücke», a osé le syndic de Fribourg Pierre-Alain Clément (PS).
Amendements recalés
Dans un autre registre, la commission a aussi contesté, en vain, l’amendement de David Bonny (s, Prez-vers-Noréaz) adopté en première lecture. Hier, le parlement a confirmé, par 56 voix contre 24, l’ancrage dans la loi scolaire d’un alinéa disant que l’école soutient les élèves de la filière sport-art-formation.
D’autres amendements sont revenus hier en deuxième lecture mais ont à nouveau été recalés. Cela a été notamment le cas du calendrier des vacances qu’Hugo Raemy voulait adapter au rythme des enfants. Nouveauté de la loi, le conseil des parents ne sera pas une alternative parmi «d’autres formes» de participation des parents, comme le souhaitait Bernhard Schafer (CS, Saint-Ours). Ce conseil des parents sera donc bel et bien une obligation légale.
Le foulard autorisé
Quant au foulard islamique, son port à l’école est toujours autorisé. Emanuel Waeber (UDC, Heitenried) a voulu l’interdire, avant de retirer son amendement. Ce point a donné lieu à une certaine confusion car les socialistes souhaitaient remettre au vote l’amendement de Didier Castella (PLR, Pringy) qui précise que les élèves fréquentent l’école «dans une tenue correcte et le visage découvert». Mais le vote n’a pas pu se faire pour des raisons formelles. Les chefs de groupe s’étant mis d’accord après la séance, ce vote devrait toutefois avoir lieu à la prochaine session.
En juin, deux points délicats seront abordés: la taille des cercles scolaires (huit ou dix classes) et le financement de l’école. Deux domaines dans lesquels le Grand Conseil pourrait, cette fois, revenir sur ses décisions.
Claude-Alain Gaillet