Des chercheurs néerlandais ont réussi à téléporter de l'information entre deux particules sur une distance de trois mètres.
Parmi les technologies imaginaires, la téléportation a une place à part. Pouvoir se déplacer instantanément d'un point à un autre, ça laisse rêveur... Alors lorsqu'une équipe de scientifiques de l'université de Delft (Pays-Bas) annonce qu'elle a réussi à téléporter de l'information à distance d'une particule à une autre, cela suffit pour déchaîner une vague d'enthousiasme.
Il s'agit en effet d'une réussite majeure, mais pas forcément dans le sens où les "trekkies" pourraient l'espérer.
Trois mètres de distance
Les chercheurs néerlandais ont transféré de l'information contenue dans un qbit (équivalent quantique du bit informatique) vers un autre qbit distant de trois mètres, et ce sans que l'information n'ait voyagé dans l'espace qui les séparait. L'information a donc bel et bien été téléportée, et ils relatent l'expérience dans un article qu'ils ont publié dans la revue "Science".
Albert Einstein, qui n'était pas vraiment un fan de physique quantique, qualifiait de "sinistre action à distance" le phénomène, qui n'est donc pas nouveau, tout au moins sur le plan théorique. Il s'agit de la propriété décrite par la physique quantique sous le nom d'intrication : certaines particules sont liées de telle manière qu'une modification de l'état de l'une sera transmise à l'autre instantanément, même à distance. C'est cette propriété a depuis été mise en évidence par de nombreuses expériences, et les scientifiques néerlandais l'ont utilisée pour faire passer une information d'une particule subatomique à l'autre, et avec une fiabilité de 100%.
Pour réaliser cet exploit, relaté sur le site de leur université, ils ont utilisé des qbits faits à partir d'électrons "prisonniers" dans des diamants, ce qui rend leur observation plus aisée. Ils ont alors réglé le spin (sorte de direction de rotation) de l'électron source dans un état prédéterminé, et effectué les mesures...
Téléporter l'ADN et l'imprimer en 3D ?
Alors, est-ce le premier pas vers la téléportation d'êtres humains ? Le professeur Robert Hanson, co-auteur de l'étude, répond à cette interrogation sur le site du "Telegraph" :
Ce que nous avons téléporté, c'est l'état d'une particule. Si vous pensez que nous ne sommes pas plus qu'un assemblage d'atomes reliés ensemble d'une manière particulière, alors en principe, il devrait être possible de nous téléporter d'un endroit à l'autre. En pratique, c'est extrêmement improbable, mais dire jamais est très dangereux. Je ne l'excluerai pas totalement parce qu'il n'y a aucune loi fondamentale de la physique qui l'empêche. Mais si cela se produisait, ce serait loin dans le futur".
Si on ne peut pas téléporter des êtres humains, peut-être pourra-t-on un jour transmettre les données contenues dans leur ADN. Adam Stelzner, ingénieur à la NASA, a développé une théorie selon laquelle la conquête de l'espace pourrait se faire en imprimant "organiquement" des êtres humains sur d'autres planètes. Pour transporter les données ADN, il avait envisagé d'encoder ces informations génétiques dans des bactéries pour le transport. Mais si l'on peut téléporter instantanément de l'information, il suffirait peut-être juste d'envoyer les imprimantes 3D... On ne téléporterait alors pas la matière, mais l'information nécessaire pour la reconstituer.
Premier pas vers un Internet quantique
Mais pour en revenir à la réalisation de l'équipe néerlandaise, s'il ne s'agit pas pour l'instant d'une étape pour la transmission de matière, c'est très certainement un pas de géant dans cette nouvelle branche technologique qu'est l'informatique quantique, qui utilise les propriétés de la physique quantique pour bâtir de nouveaux ordinateurs. Le fait de pouvoir transmettre ainsi à distance et instantanément des informations serait en effet une pièce maîtresse pour bâtir... un Internet quantique. Téléporter les données d'un point à un autre serait instantané, n'aurait pas de problèmes de débit (fini l'engorgement du réseau Wifi). Cerise sur le gâteau, les informations ainsi transmises seraient impossibles à intercepter.
Reste donc à perfectionner la technique. L'équipe de l'université de Delft projette une nouvelle expérience cet été, mais cette fois en plaçant les deux diamants dans des bâtiments différents du campus, à 1.300 mètres de distance.
Nouvel Obs