les populations alertées de l'arrivée imminente d'un cyclone prendraient moins au sérieux un phénomène au nom féminin qu'un phénomène identique avec un nom mâle. © Keystone
Les ouragans qui portent un prénom féminin sont trois fois plus meurtriers que ceux ayant un nom masculin, affirme une étude parue lundi aux Etats-Unis. La raison? La population aurait tendance à sous-estimer la force des cyclones avec des prénoms féminins.
Depuis les années 1970, les centres de météorologie (voir les sites du National Hurricane Center et celui de l’Organisation météorologique mondiale) ont décidé, pour éviter d'être taxés de sexisme, de baptiser les ouragans d'un prénom tantôt féminin, tantôt masculin selon un système déterminé à l'avance.
Avant cela, l'on baptisait ces dépressions avec un prénom féminin, selon la croyance populaire que les humeurs des femmes sont aussi imprévisibles que les tempêtes. Le résultat de ce changement d'appellation a eu des conséquences mortelles, affirme l'étude «Female hurricanes are deadlier than male hurricanes». Elle est parue dans les «Proceedings of the National Academy of Sciences» (PNAS) et revient sur les ouragans qui se sont abattus sur les Etats-Unis entre 1950 et 2012.
«Un ouragan avec un nom à consonance masculine cause en moyenne 15,15 morts tandis qu'un ouragan avec un nom féminin tue environ 41,84 personnes», précise l'étude. «En d'autres termes, rebaptiser en «Eloise» un ouragan portant le nom de «Charley» peut entraîner trois fois plus de victimes», constate la recherche.
Hors normes, «Katrina» exclue
Les auteurs de la recherche ont exclu l'ouragan «Katrina», qui a tué au moins 1500 personnes en 2005, et «Audrey», quelque 400 morts en 1957, à cause du nombre très élevé de victimes, qui aurait faussé le résultat de leurs calculs.
Interrogée par la rédaction du journal «Le Monde», Sharon Shavitt, l'un des auteurs de l’étude et professeur en marketing à l’Université de l'Illinois, précise que les 47 ouragans les plus destructeurs ayant frappé les Etats-Unis – 30 féminins, 17 masculins – ont provoqué au total 1745 morts (toujours en excluant «Katrina» et «Audrey», hors normes). Les 17 masculins ont causé 391 morts, soit en moyenne 23 morts par événement, dit Mme Shavitt. Les 30 féminins ont causé 1354 morts, soit 45 en moyenne par événement.»
«Alexandre» plus effrayant qu’«Alexandra»
«Quand il s'agit d'évaluer l'intensité d'une tempête, les gens ont tendance à reporter leurs a priori sur les hommes et les femmes», explique l'un des auteurs, Sharon Shavitt, professeur en marketing. «En conséquence, les tempêtes avec un nom de fille, spécialement celles qui portent des noms très féminins comme «Belle» ou «Cindy», paraissent plus douces et moins violentes».
Interrogées, des personnes ont indiqué que d'éventuelles tempêtes appelées «Christina», «Alexandra» ou encore «Victoria», leur ont paru moins dangereuses que si elles avaient été baptisées «Christopher», «Alexander» ou «Victor».
Une «découverte terriblement importante»,
«C'est une découverte terriblement importante», estime Hazel Rose Markus, une enseignante en sciences du comportement à l'Université de Stanford. «Cela prouve à quel point nos associations d'idées dirigent nos actions».
L'étude conclut qu'il est nécessaire d'«inventer un nouveau système d'appellation pour réduire l'influence des préjugés sur l'évaluation des ouragans et permettre une amélioration de la préparation».
ATS