Allergies, sommeil, alimentation… Les croyances sanitaires ont la vie dure, alors qu’elles n’ont souvent aucun fondement scientifique. Comment distinguer les superstitions des conseils réellement utiles?
Transpirer permet d’éliminer les toxines. Les enfants nourris au lait maternel développent moins d’allergies. Il est sain de boire beaucoup d’eau… De nombreuses idées reçues se perpétuent d’une génération à l’autre, alors même qu’aucune étude clinique n’a pu en démontrer la véracité de manière définitive. Pis, certaines se révèlent tout simplement fausses et s’apparentent à des superstitions. Nous les avons soumises à des spécialistes.
NUTRITION
Ne pas manger de la viande rouge plus d’une fois par semaine: faux
Plus que le nombre de rations, il faudrait plutôt contrôler la quantité hebdomadaire consommée. Les organismes de prévention du cancer recommandent de ne pas dépasser 500 grammes de viande rouge par semaine. En effet, cet aliment contient beaucoup de protéines, mais compte également des graisses et des acides aminés pouvant augmenter les risques de cancer.
Diminuer le gluten permet de se sentir plus en forme: peut-être
Le gluten est devenu depuis quelques années l’ennemi public numéro un. Les restaurants, produits et régimes certifiés «sans gluten» fleurissent un peu partout autour du globe. Cependant, aucune preuve clinique ne confirme pour l’instant les bienfaits directs d’une alimentation sans gluten. Du moins pour les personnes ne présentant pas une intolérance à cette substance.
«En revanche, des avantages indirects, notamment sur le contrôle du poids, peuvent être observés», note Vittorio Giusti, directeur du Centre métabolique intercantonal de Payerne. Manger des produits sans gluten signifie souvent consommer moins de calories, surtout si l’on limite les pizzas, les pâtes, le pain et, plus globalement, tous les types de féculents. Ou si l’on remplace le gluten par des fruits et des légumes. Selon Philippe Eigenmann, responsable de l’Unité d’allergologie pédiatrique aux HUG, il convient de distinguer trois types de réactions au gluten. La première, qui concerne moins de 1% des individus, peut se manifester sous la forme d’une allergie sévère (urticaire, difficulté à respirer, etc.). La deuxième, très rare aussi, est appelée maladie coeliaque. Elle peut notamment perturber la croissance des enfants en détruisant la muqueuse des intestins. Enfin, l’intolérance non coeliaque au gluten concerne potentiellement beaucoup plus de monde, notamment les personnes ayant l’impression de se sentir plus en forme avec une alimentation sans gluten. «Cela peut se vérifier objectivement, même si l’effet est parfois limité dans le temps», note le médecin.
Boire 1,5 litre d’eau par jour est bon pour la santé: vrai
D’une manière générale, bien s’hydrater est toujours positif pour l’organisme. «Avec moins d’un litre par jour, l’activité rénale est plus difficile», souligne Vittorio Giusti. Un test simple consiste à vérifier la couleur de son urine. Plus celle-ci est claire, meilleure est l’hydratation. Plus elle est foncée, plus elle contient de substances à éliminer (résidus d’aliments, acides aminés, électrolytes) et plus les risques de calculs rénaux, mais aussi d’infections urinaires, sont importants.
Bien sûr, la quantité de 1,5 litre doit être comprise comme une moyenne. Le niveau doit en outre être adapté selon l’activité physique et certaines spécificités physiques. On conseille par exemple 2 litres au minimum pour les individus souffrant de problèmes d’obésité ou des reins, ainsi que pour les sportifs réguliers. Ces derniers diminueront également de cette manière les risques de crampes, sans avoir besoin de consommer un surplus de magnésium. Enfin, boire beaucoup d’eau est utile pour les personnes souhaitant perdre du poids: cela permet de réduire l’appétit en remplissant sans calories l’estomac.
Le cholestérol est mauvais pour la santé: peut-être
Vaste débat que celui concernant le cholestérol. Précurseur d’hormones, de sels biliaires, de vitamines, mais aussi constituant cellulaire, le cholestérol est primordial à notre équilibre vital. D’un autre côté, à l’image d’autres lipides, il peut se retrouver dans les artères et leur faire perdre de leur élasticité ou provoquer l’apparition d’un athérome pouvant aboutir à leur obturation (athérosclérose).
Ce lipide naturellement présent dans notre organisme est au cœur de prises de position contradictoires au sein de la communauté scientifique. Diabolisé par certains, d’autres militent aujourd’hui contre le mythe du cholestérol boucheur d’artères. Pour ces derniers, rien ne prouverait, dans la littérature scientifique, l’existence d’un lien entre le niveau de cholestérol et l’athérosclérose.
L’hebdomadaire américain Time a publié, il y a quelques semaines, une enquête remettant en cause beaucoup d’idées reçues concernant le cholestérol et les graisses en général. Le beurre, les viandes rouges et les œufs ne seraient pas les ennemis jurés décrits depuis les années 80. En outre, manger moins de graisses ne réduirait pas les risques de maladies cardiovasculaires. Au contraire, certaines graisses, comme celles que l’on trouve dans le saumon ou l’huile d’olive, apportent un effet protecteur. Enfin, il convient de distinguer entre bon et mauvais cholestérol dans les graisses saturées: le premier (HDL) contribue à supprimer le second (LDL), qui s’accumule sur les parois artérielles.
Il faut manger cinq fruits et légumes de couleurs différentes par jour: vrai
C’est là un idéal, mais il est peu réaliste. «Les enquêtes montrent que le message est très bien passé au sein de la population; cependant, très peu de gens l’appliquent véritablement au quotidien, note Vittorio Giusti. Or, un tel régime permet de réduire les risques de maladies cardio-vasculaires et de cancers.» On peut associer les différents types de micronutriments aux couleurs. Par exemple, les fruits rouges contiennent des antioxydants qui, outre leurs effets bénéfiques pour la peau, permettent de diminuer les risques d’apparition de certains cancers, notamment les mélanomes.
Les aliments bios sont meilleurs pour la santé: faux
Aucune preuve scientifique ne confirme l’hypothèse selon laquelle le bio serait meilleur pour la santé que les aliments classiques. La Suisse reste malgré tout l’un des pays au monde où l’on consomme le plus de produits bios. Selon l’organisation faîtière Bio Suisse, le nombre de producteurs biologiques a continué d’augmenter dans le pays l’an dernier pour friser la barre des 6000. Le secteur a ainsi atteint un nouveau record en dépassant pour la première fois les 2 milliards de francs, en hausse de 12% sur un an.
L’agriculture biologique représente aujourd’hui une part de marché d’environ 7%. «Il faut cependant faire attention, relève Vittorio Giusti. Les fruits et légumes bios, qui ne sont pas traités avec des pesticides, sont plus fragiles et contaminables, ce qui peut favoriser les infections alimentaires.»
En ce qui concerne la viande et le poisson bio, dont la consommation a connu une très forte croissance depuis deux ans, il convient, là aussi, de prendre un certain recul: par exemple, les poissons bios élevés dans des réserves d’eau bénéficient souvent d’une alimentation artificielle sans grande variété, voire de denrées (poudres, blé, etc.) non bios.
Selon une enquête récente du magazine Bon à Savoir, le bio ne le serait pas toujours entièrement: certains producteurs utiliseraient des plants et des semences d’agriculture conventionnelle. Une méthode qui garde cependant certains avantages. Vittorio Giusti relève par exemple un aspect positif en matière de réduction des risques d’allergies aux pesticides et aux allergies croisées pesticides/ légumes ou fruits.
SOMMEIL
On récupère mieux lorsque l’on se couche avant minuit: faux
Davantage que l’heure à laquelle on s’endort, le plus important pour bénéficier d’un sommeil de qualité consiste à se coucher et à se réveiller à des heures régulières en écoutant son horloge biologique. «On récupère davantage durant les deux premiers cycles du sommeil; ceux-ci peuvent se situer avant ou après minuit», observe Raphaël Heinzer, médecin responsable du centre du sommeil au CHUV. Ainsi, contrairement à une idée répandue, les heures de sommeil avant minuit ne comptent pas «double». Génétiquement parlant, certaines personnes sont plus éveillées et aptes au travail le matin, d’autres le soir. Il convient donc pour elles d’adapter au mieux leur rythme en fonction de ces prédispositions.
L’un des moyens permettant de savoir où se situent ses horaires propres consiste à se mettre quelques jours en mode vacances, c’est-à-dire à s’endormir et se réveiller naturellement. A noter qu’il reste toujours possible de contrer la nature en modifiant, l’espace de quelques jours, ses habitudes de sommeil. Il est cependant fort probable que le naturel reviendra au galop: les personnes qui se forceraient à dormir quatre heures par nuit l’espace d’une semaine vont automatiquement rattraper ce retard durant le week-end, par exemple.
La pleine lune empêche de dormir: peut-être
Cela fait des millénaires que les hommes se posent des questions concernant l’influence des phases de la lune sur leur comportement. Pour l’heure, aucune preuve scientifique n’a pu clairement démontrer que la pleine lune empêchait de dormir. Une enquête menée l’année dernière par l’Université de Bâle sur une trentaine d’individus sous électroencéphalogramme tendrait toutefois à indiquer qu’on éprouverait davantage de difficultés à s’endormir lors des nuits de pleine lune. En outre, la durée de sommeil profond serait moins importante. Bref, objectivement et subjectivement, le sommeil serait de moins bonne qualité lors de ces phases.
L’une des explications tiendrait à nos origines animales. On sait par exemple que plusieurs animaux marins sont particulièrement sensibles aux marées, liées à la position de la lune.
Pour Raphaël Heinzer, l’étude bâloise «sème un doute» quant à l’influence de notre satellite sur la qualité de nos nuits. Il conviendrait cependant, selon lui, de la répliquer sur un plus grand nombre d’individus. «A ce jour, on n’a prouvé aucune corrélation scientifique entre la pleine lune et le nombre de suicides, de crises d’épilepsie ou d’admissions dans les hôpitaux psychiatriques, dit-il. On assiste en revanche souvent à des biais en la matière. C’est-à-dire à des souvenirs sélectifs ou des associations rétrospectives entre un réveil au milieu de la nuit et le fait que la lune soit pleine.» Le seul élément pouvant avoir une influence réelle est la lumière. Par exemple dans le cas d’une chambre à coucher dont les stores seraient mal fermés.
Les microsiestes permettent de mieux récupérer que des siestes de plus de vingt minutes: vrai
En règle générale, il vaut mieux faire une turbosieste (cinq à quinze minutes) que de dépasser les vingt minutes. Passé ce seuil, les chances d’atteindre un stade de sommeil profond augmentent et, avec elles, le risque de se réveiller en mode «groggy». Les personnes qui se plaignent d’insomnies ou d’un sommeil de mauvaise qualité devraient renoncer à n’importe quel type de sieste: «Le pire consiste à faire une sieste de plus de vingt minutes, après 16 heures», relève Raphaël Heinzer.
Il ne faut pas réveiller un somnambule: vrai
C’est vrai, mais pas pour les raisons habituellement mises en avant. «Disons que ce n’est pas dangereux, c’est juste peu sympathique de réveiller quelqu’un en sommeil profond…», résume Raphaël Heinzer. La personne réveillée ne subirait en l’occurrence aucun dommage irréversible. Elle pourrait manifester en revanche une réaction de rejet suite à ce qu’elle considérerait comme une agression. Pour rappel, 15% des enfants de moins de 10 ans peuvent occasionnellement faire du somnambulisme et 2,5% de manière fréquente. Ces proportions descendent respectivement à 2,5% et 0,4% pour les adultes.
SPORT
Les échauffements et les étirements diminuent les risques de blessures: faux
Pour Gérald Gremion, médecin du sport et responsable du Swiss Olympic Medical Center, il n’est pas indispensable de s’échauffer avant une activité physique. «Cela permet de préparer ses poumons, son cœur et ses vaisseaux à un effort à venir, mais on peut tout aussi bien commencer l’activité en douceur, puis en augmenter l’intensité progressivement.» De plus, un échauffement ne prévient aucunement le risque de blessures. Celles-ci se manifestent d’ailleurs très rarement au début, mais plutôt à la fin, lorsque le corps est chaud.
Idem pour les étirements. Pratiquer ce genre d’exercices juste après une séance de sport pourrait même favoriser les risques de blessures en contribuant à la destruction des cellules musculaires les plus fragiles et en renforçant les réactions inflammatoires. Aussi, il vaut mieux attendre au moins deux heures après la fin de l’activité physique, selon Gérald Gremion. «Les étirements ne permettent en aucun cas de lutter contre les courbatures.» Ils peuvent en revanche améliorer la mobilité musculaire et articulaire, c’est-à-dire rendre le corps moins raide.
Transpirer permet d’éliminer les toxines: faux
Voilà qui en surprendra plus d’un: on n’élimine pas de toxines en transpirant. «Dans la sueur, on trouve surtout de l’eau, un peu de sel, de chlore et de fer, et rien d’autre», relève Gérald Gremion. Suer n’a qu’une fonction essentielle: la thermorégulation, c’est-à-dire permettre à notre corps de maintenir une température entre 36 et 38 degrés.
Par ailleurs, il ne faut pas croire que transpirer lorsqu’on est malade ou qu’on souffre de fièvre permet d’éliminer les virus et les microbes. «Cela peut se révéler au contraire dangereux, note Gérald Gremion. On risque une myocardite, c’est-à-dire une inflammation du muscle cardiaque, qui, selon les cas, peut être mortelle.» Il conseille d’attendre une semaine après que les derniers symptômes d’une grippe ont disparu pour reprendre une activité sportive.
Faire de l’exercice le matin le ventre vide permet de maigrir: vrai
Pour résumer, l’idée est la suivante: au réveil, avant de prendre son petit-déjeuner, les réserves de sucre dans les muscles et dans le foie se retrouvent à un niveau très bas. En faisant de l’exercice à ce moment de la journée, l’organisme a donc davantage tendance à piocher dans les graisses. «Il faut cependant être entraîné pour que les enzymes aient l’habitude d’aller chercher les graisses là où elles se trouvent», relève Gérald Gremion.
En l’occurrence, les graisses que l’on atteint ainsi se situent surtout au niveau de l’abdomen et non du fessier, sauf pour les femmes enceintes. Et, bien sûr, il n’est pas question de courir un marathon sans rien dans l’estomac…
ALLERGIES
Les enfants nourris au lait maternel développent moins d’allergies: faux
Philippe Eigenmann, de l’Unité d’allergologie pédiatrique aux HUG, rappelle que l’allaitement ne permet en aucune façon de prévenir l’apparition d’allergies chez les enfants. En revanche, le lait maternel compte de nombreux autres avantages par rapport aux laits maternisés, notamment en termes d’apports nutritionnels et sur un plan immunologique. Les immunoglobulines présentes dans le lait maternel fournissent en effet des défenses immunitaires (anticorps) au bébé.
«En ce qui concerne les allergies, il ne faut pas culpabiliser les mères qui ne veulent ou ne peuvent pas allaiter leurs enfants, explique le médecin. D’ailleurs, beaucoup le font et ne comprennent pas pourquoi ces derniers développent malgré tout des allergies.»
Les allergies alimentaires peuvent faire apparaître de l’eczéma: faux
«Beaucoup de parents sont persuadés que l’eczéma, qui touche entre 10 et 15% des nourrissons, est toujours lié à une allergie alimentaire, par exemple au lait ou aux œufs. En fait, il s’agit avant tout d’une maladie de sécheresse de la peau n’ayant souvent rien à voir avec les aliments», note Philippe Eigenmann. Une allergie alimentaire peut en revanche aggraver un eczéma.
De la même manière, l’urticaire chronique est une sensibilité de la peau, sans lien direct avec les aliments consommés.
Colorants et conservateurs favorisent les allergies: faux
On pense souvent que les conservateurs et les colorants présents dans les aliments favorisent les réactions allergiques. Or, cela n’est pas prouvé. Ces substances peuvent en revanche favoriser des intolérances, risquant éventuellement de mener à une hyperactivité chez l’enfant, «comme le piment peut faire éternuer ou la caféine maintenir éveillés ceux qui en consomment», souligne Philippe Eigenmann.
Les enfants élevés à la ferme sont moins allergiques: vrai
Les allergies dépendent notamment de prédispositions génétiques, mais aussi du type d’environnement dans lequel l’enfant a évolué. Des études menées au sein des universités de Bâle et de Munich démontrent que les enfants ayant grandi dans des familles d’agriculteurs sont moins sujets aux allergies.
Le fait de boire du lait non pasteurisé et d’être fréquemment en contact avec des animaux jouerait un rôle important dans ce processus.«Les bactéries, les toxines et, plus globalement, la saleté stimulent le système immunitaire, explique Philippe Eigenmann. Lorsque celui-ci est moins sollicité, il a davantage tendance à réagir à des aliments ou au pollen.» En revanche, aucune corrélation n’a été établie entre le fait d’avoir été simplement élevé au grand air et la diminution des allergies.
Le rhume des foins diminue avec l’âge: vrai
Avec les années, le système immunitaire se modifie. Il devient plus tolérant, notamment au pollen. «Une partie de la mémoire immunitaire diminue également avec l’âge», ajoute Philippe Eigenmann. Ainsi, dans la majorité des cas, le rhume des foins – qui concerne entre 15 et 20% de la population suisse, contre 20 à 25% pour les allergies en général – commence entre 4 et 5 ans et tend à décliner vers 30 ou 40 ans. En revanche, il n’est pas exclu que cette réaction se manifeste tardivement selon les individus, même auprès de personnes âgées n’en ayant jamais souffert au cours de leur vie.