De toutes les "amines vitales" - puisque telle est l'origine de leur nom -, la vitamine D est celle qui génère le plus grand nombre de publications. Mais toutes ne sont pas positives, et certains spécialistes regrettent d'ailleurs son image de "panacée". Commençons néanmoins par ses bienfaits potentiels, ou plus exactement par les problèmes liés à une carence en vitamine D, qui pourraient être résolus par la consommation de poissons gras, la supplémentation ou une exposition suffisante au soleil. Selon des travaux publiés récemment dans de grandes revues scientifiques, le manque de vitamine D aurait des effets sur la progression de la sclérose en plaques, le risque de fractures non vertébrales et de chutes, l'hypertension artérielle, et diminuerait les chances de grossesse après fécondation in vitro. Et désormais, on peut ajouter à cette liste (non exhaustive) le risque accru d'Alzheimer et de démence.
Un article publié jeudi dans la revue de l'Académie américaine de neurologie Neurology conclut que des niveaux bas de vitamine D accroissent de 53 % le risque de démence. Taux qui passe à 125 % en cas de carences importantes par rapport aux personnes ayant des niveaux considérés comme normaux. Pour la maladie d'Alzheimer, le constat est encore pire avec des proportions de 69 et 122 %. "Nous nous attendions à trouver un lien entre une insuffisance en vitamine D et le risque de démence et d'Alzheimer, mais ces résultats nous ont surpris, car ce lien est deux fois plus fort", relève le Dr David Llewellyn, de la faculté de médecine d'Exeter au Royaume-Uni, principal auteur de cette recherche.
La cause ou la conséquence ?
Pour arriver à cette conclusion, les auteurs ont analysé la teneur sanguine en vitamine D de 1 658 Américains âgés en bonne santé et les ont suivis six ans en moyenne, période durant laquelle 171 ont développé une démence et 102 Alzheimer. Reste maintenant à aller plus loin et à mener des essais cliniques afin de déterminer si le fait d'augmenter les niveaux de vitamine D peut retarder l'apparition de la maladie d'Alzheimer et de la démence, voire la prévenir. Et "même si un petit nombre de personnes seulement bénéficient de cette recherche, cela aura d'importantes implications de santé publique étant donné l'impact dévastateur et les coûts de ces dégénérescences mentales", estime le Dr Llewellyn.
Mais, attention, il ne faut pas ignorer les études qui concluent à l'absence d'effet protecteur significatif de la vitamine D contre les maladies cardiovasculaires, le cancer ou encore les fractures. C'est le cas d'un travail publié en début d'année dans The Lancet Diabetes & Endocrinology par des chercheurs qui ont compulsé de nombreuses études, les unes ayant observé le taux de vitamine D de personnes souffrant de diverses maladies, les autres évaluant les effets d'un apport en cette substance. Selon ces auteurs, le déficit en cette vitamine ne serait pas la cause, mais la conséquence d'un mauvais état de santé. Il serait donc inutile, voire dangereux, de supplémenter l'ensemble de la population. En France, la vitamine D est recommandée aux femmes enceintes ou allaitantes, aux jeunes enfants et, en association avec du calcium, aux personnes âgées vivant en institution.
Anne Jeanblanc