L’institut de veille sanitaire (INVS) a publié il y a quelques jours une étude sur la surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants, portant sur les années 2007, 2008 et 2009. Les résultats sont plus qu’alarmants. En France, près de 500 suicides d’agriculteurs ont été enregistrés durant les 3 années étudiées. Autrement dit, c’est un agriculteur qui se suicide tous les deux jours dans le pays. Retour en détail sur les chiffres d’une étude qui fait froid dans le dos.
Tous les deux jours, un agriculteur se donne la mort
Toutes morts confondues, la population des agriculteurs montre une sous-mortalité par rapport à la population française. Cela peut s’expliquer, notamment, par un « healthy worker effect », par une plus faible mortalité par certaines maladies - liées à une moindre consommation de tabac -, ou encore par le fait que la rudesse du travail nécessite une meilleure santé que la population générale.
En revanche, si l’on étudie uniquement la mortalité par suicide, elle est supérieure de 20% par rapport au reste de la population générale française.
La problématique est encore plus flagrante lorsque l’on compare les chiffres avec ceux concernant les cadres. Un agriculteur exploitant présente un risque trois fois plus élevé de se donner la mort qu’un cadre (deux fois plus élevé pour les agricultrices).
Ainsi, l’étude de l’INVS confirme que la catégorie sociale des agriculteurs exploitants possède la mortalité par suicide la plus élevée parmi toutes les catégories sociales.
Cette surmortalité est particulièrement marquée chez les éleveurs âgés de 45 à 64 ans qui ont un risque de décéder par suicide respectivement de 31% et 47% plus élevé que la population générale.
L’étude de l’INVS révèle également que le suicide est la troisième cause de mort dans le monde agricole, après les cancers et les maladies cardiovasculaires.
Tous ces chiffres sont édifiants, mais comment les expliquer ?
Corrélation directe entre suicide et difficultés économiques
L’isolement social que rencontre un grand nombre d’agriculteurs et les contraintes particulières liées à l’exercice du métier -qu’elles soient physiques, climatiques, politiques ou sociales- sont avancés pour expliquer ce phénomène.
Mais il faut insister sur la corrélation directe entre suicide et difficultés économiques. Les observations de l’INVS coïncident avec la temporalité des problèmes financiers rencontrés dans ces secteurs sur la période d’étude.
Par exemple, la surmortalité par suicide chez les éleveurs bovins-lait coïncide avec la rupture en 2008 d’un accord tacite entre producteurs et acteurs économiques qui apportait certaines garanties aux agriculteurs (pas de concurrence étrangère, notamment).
Vigilance pour les mois à venir
La Mutualité sociale agricole (MSA), qui est chargée de mettre en oeuvre le plan de prévention du suicide dans le monde agricole de 2011 dont fait partie l’étude de l’INVS, insiste sur le fait que « la vigilance s’impose » pour les mois à venir.
En effet, la colère des agriculteurs s’est à nouveau exprimée ces dernières semaines, notamment dans les filières fruits, légumes et élevage bovin, face à des cours qui s’effondrent et à des contraintes administratives et environnementales que les agriculteurs jugent trop pesantes.
Fin septembre, des centaines de maraîchers bretons ont incendié la Mutualité sociale agricole de Morlaix (Finistère), après avoir déversé leurs légumes invendus devant le bâtiment. Le centre des impôts local a également été visé par ces violences.
Lundi, la MSA a mis en place Agri'écoute, un service téléphonique destiné aux agriculteurs en difficulté. Le numéro (09 69 39 29 19) est accessible 24h/24 et 7j/7 et permet aux agriculteurs qui le souhaitent de discuter de façon anonyme avec des personnes formées aux situations de souffrance ou de détresse.
L'étude de l'INVS était attendue par de nombreux acteurs du secteur. Elle est considérée comme la première étude officielle et exhaustive sur le sujet du suicide chez les agriculteurs. Si ses résultats sont déjà très alarmants, certains acteurs estiment qu'ils sont sous-estimés. Ainsi, le syndicat agricole la Coordination Rurale affirme que de nombreux suicides sont déclarés comme étant des accidents afin que les assurances puissent être touchées par les proches. L'Apli (Association des producteurs de lait indépendants) avançait pour 2009 le chiffre de 800 suicides au sein de la population des agriculteurs...
Elodie S.